Vies de Staline – à propos de trois biographies
Au printemps 1922 Staline fut nommé, bien sûr avec l’accord de Lénine, au poste de secrétaire général du Comité central du parti communiste bolchevik, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Le parti s’affirmait comme parti unique depuis 1917, unique car il était le seul parti politique autorisé, mais aussi et surtout parce qu’il voulait contrôler autant que possible l’économie, la politique et la culture, bref la société, un statut inédit pour un parti. Tous les postes importants dans la police, l’armée, l’industrie, l’administration et les autres sphères devaient être pourvus si possible par des communistes ce qui constitua la nomenklatura.
Au sein du Comité central que Staline gérait se trouvait un département qui s’occupait du « recensement-répartition » des communistes. Un de ses instruments de gestion était l’obligation pour les communistes de remplir des fiches biographiques qui servaient à les affecter. Elles comportaient de nombreuses rubriques notamment sur le passé militant, les diplômes, les langues connues, les séjours à l’étranger, les lectures des classiques du marxisme, la religion des parents. A partir de sa nomination comme secrétaire général du Comité central ce fut Staline qui eut la main sur ces fichiers et qui supervisait les assignations des communistes : ce fut une de ses voies pour sa « dictature au sein de la dictature » selon la formule de Stephen Kotkin[1].
Lors des procès de Moscou, des dirigeants communistes déchus – Zinoviev, Kamenev, Boukharine notamment – furent obligés de réécrire leur biographie pour avouer publiquement des crimes qu’ils n’avaient pas commis avant d’être liquidés. Pour le communisme les biographies étaient un enjeu directement politique, et Staline fit écrire la sienne tandis que ses images se multipliaient pour être vénérées. Des hagiographes, comme le communiste français Henri Barbusse, faisait son éloge en 1935, un an avant que l’un des fondateurs du parti communiste français qui s’en était éloigné, Bor