Écologie

Nous ne vivons pas sur la même planète – un conte de Noël

Philosophe et sociologue

C’est l’histoire presque tragique d’une terre que l’on croyait unique, le conte cruel de sept planètes en guerre ouverte. Mais même pour les sceptiques de la magie de Noël, l’heure n’est pas au défaitisme. Essayons plutôt d’imaginer quelle planète nous souhaitons habiter.

« Nous ne vivons pas sur la même planète ». C’était une expression banale. Maintenant c’est littéral. Oh non, il ne s’agit pas de comparer Mars, Vénus, Jupiter avec toutes les planètes visitées par Cyrano de Bergerac ou rencontrées par les explorateurs de Star Trek. Il s’agit de la nôtre. Enfin de celle que l’on croyait nôtre et qu’on pouvait désigner comme l’unique terre.

L’histoire est assez curieuse. Dans les années 60, cette fameuse « planète bleue » que l’on avait enfin photographiée depuis l’espace, elle était supposée nous mettre tous d’accord. Sa beauté, sa fragilité, sa couleur, ses nuages, tout cela devait nous unir. Il s’est produit tout le contraire. Jamais nous n’avons été moins unis, nous les humains, sur le nom, la nature, la forme, la consistance de la planète que nous prétendons habiter. « Guerre des mondes », en effet, comme du temps de Wells, mais pour de bon cette fois. Et le danger ne vient pas de Mars.

Il nous faut construire un planétarium de pacotille, pour un voyage fictif, comme Kepler en imagina au début de la parenthèse qui se referme aujourd’hui. Essayons de compter : il y aurait sept planètes à disposer. Chacune est influencée par les six autres. C’est une drôle d’attraction/répulsion. Elles sont en guerre ouverte les unes avec les autres. Il nous faudrait un autre Newton pour en calculer les interactions, mais un Newton plus alchimiste que physicien ; un Laplace qui serait aussi féru de géopolitique ; ou alors un joueur de Risk ; on pourrait aussi appeler à la rescousse l’un des scénaristes de Games of Thrones. En attendant, Alexandra les a figurées sur ce panneau.

Image : Alexandra Arènes S.O.C.

 

Il y a la planète ancestrale, celle dont on s’est beaucoup moqué en la disant archaïque, immuable, étroite, celle dont justement Galilée – dans cette scène inaugurale – a prétendu nous arracher pour nous faire connaître le grand large et l’immensité des « continents hilares ». Cela fait deux. La première, l’ancestrale, n’était pas une plan


Bruno Latour

Philosophe et sociologue, Professeur émérite au médialab de Sciences Po

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