(Re)voir au temps du confinement

Une fenêtre sur Tel Aviv – à propos de Diary de David Perlov

Écrivaine

Dix années d’existence condensées en six heures de film, qui nous donnent à voir, comme au travers des vitres d’un tank, la permanence de la guerre – nous entrons dans le Diary de David Perlov. Des seuls points de vue de sa fenêtre donnant sur les immeubles de Tel Aviv et de la lucarne, télévisuelle, qui ouvre sur le monde, il saisit du présent, patiné d’histoire, l’ondulation, avec délicatesse et retenue.

Dans le prologue de son journal filmé, David Perlov évoque un temps et une terre où ceux qui ne savaient lire ni écrire traçaient une croix pour figurer leur prénom et leur nom sous une photo qui les représentait. Une fois, j’ai été intriguée par ce prologue parce qu’il s’associait à mes lectures d’alors, Giorgio Agamben et José Bergamín. Il y était question des analphabètes, majoritaires autrefois, et d’écrire pour celui qui ne peut pas. Chaque visionnage du Diary de Perlov se combine avec ce qui est là, alors, avec l’ondulation mentale. Avec le présent, disons.

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La première image du film est un texte. Ou, pour celui qui ne sait pas lire, des signes graphiques sur fond noir. Ou, pour celui qui ne voit pas, c’est une voix. Dès la première image, c’est-à-dire, cette chose écrite, il y a une voix. C’est David Perlov qui parle et qui regarde par la fenêtre. Il ne décrit pas ce qu’il voit mais ce qu’il pense de ce qu’il voit. Comme on le fait, tous et toutes.

Il a acheté une caméra légère. Il a décidé de filmer lui-même dorénavant et de filmer pour lui-même. Il ne s’agit pas, toutefois, d’enregistrer tout ce qui se présente. David Perlov se détourne du cinéma professionnel et des films qui lui sont commandés par la chaîne de télévision nationale israélienne. Car ce sont des films dont personne n’a besoin, même s’ils ont un objet, une visée sociale. L’art intéressant est celui qui obéit à une pulsion intérieure. En faisant du cinéma libre, David Perlov s’engage dans une sorte de cinéma politique dont le terrain principal est son appartement.

Le cadre qui lui permet d’embrasser l’extérieur, c’est la fenêtre. C’est la fenêtre et c’est la télévision. Au tout début, le rectangle clair qui contraste avec l’obscurité, on croirait un pastel, un dessin vite fait. Mais c’est la fenêtre de l’appartement et c’est le vrai dehors. L’homme qui filme porte d’abord son attention sur son vis-à-vis : des immeubles pauvres, des habitations ordinaires. Il montre d’où il filme : so


Gaëlle Obiégly

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