Série télé

Après la terreur – à propos de Homeland de Howard Gordon et Alex Gansa

Critique

En adaptant la série israélienne Hatufim de Gideon Raff, Howard Gordon et Alex Gansa n’imaginaient sans doute pas couvrir une décennie d’histoire américaine. Malgré quelques errances, Homeland aura pourtant offert une passionnante analyse des causes politiques, institutionnelles et imaginaires de la « Guerre contre la Terreur », et de ses conséquences.

Les séries n’entaillent pas le cours du temps ; elles font époque. Elles se glissent dans nos existences comme une habitude, et bientôt se trament à la réalité des jours et du monde. Soit, en effet, qu’elles prétendent n’avoir d’autre matériau que les aléas du quotidien (c’est la voie de la sitcom), soit qu’elles entendent nouer leurs intrigues à la marche de la politique nationale ou internationale. Plutôt que fidèles chroniqueuses, elles se risquent alors, afin d’être raccord avec le moment de leur diffusion, à des présents hypothétiques.

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Pour sa sixième saison, dont le démarrage coïncida avec la prise de fonction du 45ème président des États-Unis, Homeland envisagea ainsi la victoire d’une femme démocrate. Loin de se décrédibiliser, la fiction trouva, dans cet écart par rapport à l’actualité, un détour pour figurer les forces réactionnaires et séditieuses agitant la société américaine, en même temps qu’elle suggérait une alternative à la rhétorique de Donald Trump.

À la fois frontales et obliques, de telles œuvres – en France, l’on citerait Le Bureau des légendes ou Baron noir – se nourrissent de leur environnement social et médiatique autant qu’elles l’informent. Aussi leur réussite se mesure moins à leur rigueur qu’à leur plasticité – ou, plus exactement, à la façon dont ce qui les structure (personnages, relations, motifs, scènes-clés…) peut accueillir les fluctuations du temps. En ce sens, la série est un filet lancé sur le contemporain.

Le « 11 Septembre » apparaît comme une origine, une blessure fondatrice à partir de laquelle s’est développé un rapport inquiet – voire paranoïaque – au monde

Entamée en octobre 2011, Homeland s’est achevée, après huit saisons et 96 épisodes, en avril 2020. La première date marque les dix ans de l’attaque coordonnée par Al-Qaïda contre le World Trade Center, le Pentagone et le Capitole[1] ; la seconde la signature d’un traité entre les États-Unis et les Talibans concernant le retrait des troupes de la coalition in


[1]  Cible du « Vol 93 United Airlines », qui a fini sa course dans un champ de Pennsylvanie après que les passagers, alertés des autres attaques, ont fait échouer la manœuvre. Paul Greengrass a consacré un film à cet épisode, Vol 93 (2006).

[2] Sur ce point, je me permets de renvoyer à « Reconstruction. Autour de The Walk de Robert Zemeckis et Sully de Clint Eastwood », Débordements, publié le 18 janvier 2017, URL : http://www.debordements.fr/Reconstruction#nh5

[3] Gluck Carol, « 11 Septembre. Guerre et télévision au XXIe siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/1 (58e année), p. 135-162, URL : https://www.cairn.info/revue-annales-2003-1-page-135.html

Rayonnages

Télévision Culture

Notes

[1]  Cible du « Vol 93 United Airlines », qui a fini sa course dans un champ de Pennsylvanie après que les passagers, alertés des autres attaques, ont fait échouer la manœuvre. Paul Greengrass a consacré un film à cet épisode, Vol 93 (2006).

[2] Sur ce point, je me permets de renvoyer à « Reconstruction. Autour de The Walk de Robert Zemeckis et Sully de Clint Eastwood », Débordements, publié le 18 janvier 2017, URL : http://www.debordements.fr/Reconstruction#nh5

[3] Gluck Carol, « 11 Septembre. Guerre et télévision au XXIe siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/1 (58e année), p. 135-162, URL : https://www.cairn.info/revue-annales-2003-1-page-135.html