La révolution tranquille d’Hong Sang-Soo – à propos de La femme qui s’est enfuie
L’œuvre d’Hong Sang-Soo appelle l’oxymore. Elle est d’une « modestie monumentale ». Modeste par la pauvreté (revendiquée) de ses moyens et l’étroitesse (apparente) de ses motifs. Mais « monumentale » aussi par la prolixité du cinéaste (25 longs-métrages en 25 ans, avec une nette accélération à partir de 2010, avec des années fastes à deux ou trois titres).
De là, advient le plaisir d’un rendez-vous régulier avec un univers tout en intrigues et hésitations sentimentales, où la saillie de comédie aigre-douce peut voisiner avec l’expression du pathétique, où la loufoquerie et la cruauté n’excluent pas l’empathie. Sans qu’elle apparaisse ouvertement autobiographique, l’œuvre d’Hong Sang-Soo tient à la fois de celle du diariste et du moraliste. Le spectateur fidèle l’appréhende comme un flux continu où l’aboutement des films les uns avec les autres crée aussi de savoureux effets de contraste, qui poursuivent le charme de tel ou tel film.
Ajoutons à cela que plusieurs films consistent eux-mêmes en des polyptiques, rejouant deux ou trois fois la même histoire, avec des variations de point de vue et des tonalités différentes. De là, la filmographie crée ses propres combinatoires, presque infinies, au sein de cette mosaïque diffractée. Chaque film n’étant « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre », il peut prendre une nouvelle signification en regard de tel ou tel autre. Au sein de ce modèle de création en continu, de cette œuvre toujours ouverte, quelle nouvelle touche vient poser La Femme qui s’est enfuie, dernier opus en date ?
Hong Sang Soo a changé, mais il est resté fidèle à la légèreté, et même à une double légèreté.
À force de répétitions et de variations, de modulations de ses propres touches, ce cinéma a effectué sa propre révolution copernicienne. Le spectateur a pu avoir l’impression de vivre le même rendez-vous régulier, avec le confort de l’habitude, celui de retrouver un vieil ami de cinéma. Mais quand il se retourne sur le chemin, il const