Pompiers de papier – sur Considérations sur le homard II de David Foster Wallace et Et si on arrêtait de faire semblant ? de Jonathan Franzen
Conjointement cet automne, et chez le même éditeur, paraissent deux recueils d’essais de deux écrivains et amis qui ont comme formé le tandem post-postmoderne du XXe siècle finissant et du premier XXIe siècle : David Foster Wallace et Jonathan Franzen. Chacun est l’auteur à sa façon d’un magnum opus qui a marqué son temps, L’Infinie comédie (1996) pour Wallace et Les Corrections (2001) ou Freedom (2010) pour Franzen : ce qu’on nomme un « Grand Roman Américain » ou GAN (« Great American Novel »), œuvre majeure censée sécréter l’essence sociale, économique, linguistique et culturelle de l’Amérique à un moment-clef de son histoire, telle l’épopée d’Homère pour les Grecs ou celle de Virgile pour les Romains.
La spécificité de ces deux romanciers-là toutefois, est qu’ils se connaissaient très bien, se parlaient beaucoup, s’écrivaient abondamment et que l’un (Wallace) est même devenu, sous des traits voilés, un personnage dans les romans de l’autre, et dans les livres d’autres auteurs encore, Le roman du mariage (2013) de Jeffrey Eugenides ou Les enfants de l’empereur (2008) de Claire Messud. L’empreinte a été définie comme « l’effet Wallace », c’est-à-dire la manière dont, après son suicide par pendaison en 2008, il a commencé d’imprégner voire de hanter l’imaginaire littéraire américain. Déjà salué de son vivant, quoique jamais auréolé du moindre prix notoire, Wallace est devenu, depuis sa mort, une sorte de « légende publique » selon Franzen, ou d’icône pop célébrée aussi bien sur les campus américains que dans la série des Simpson.
C’est là « certainement la fin d’une chose ou d’une autre, est-on plus ou moins obligé de penser ».
À l’exception de deux ouvrages, les Brefs entretiens avec des hommes hideux et un recueil d’articles intitulé Un truc soi-disant super auquel on ne me reprendra plus (2005), toute son œuvre n’a d’ailleurs été traduite en français qu’à titre posthume. Considérations sur le homard II en constitue le dernier maillon, ou pour glisser d