Littérature

Poésie et don du change – sur Affranchissements de Muriel Pic

Critique

Muriel Pic consacre son dernier récit, Affranchissements, à son grand-oncle anglais. Jardinier de profession et philatéliste amateur, Jim est un être singulier, notamment en raison de son infirmité : il est bossu. Cette bosse, elle symbolise la charge de sens qu’incarne le personnage. Il est en effet à l’origine de toutes les ramifications du livre, au point de devenir un affranchi – d’un côté comme un timbre circulant, emblème du libre-échange, de l’autre comme une figure de l’émancipation. Pour saisir ce double aspect, le lecteur doit collecter les réseaux de signification avec la méticulosité du philatéliste.

C’est à Jim, son grand-oncle anglais, que Muriel Pic consacre son nouveau livre, Affranchissements. Jardinier de profession, et philatéliste amateur, Jim est un être singulier par sa douceur et son attention éperdue au monde plus encore que par son infirmité visible : il reste bossu après avoir contracté une tuberculose osseuse aux alentours de 1933 alors qu’il est âgé de 11 ans. Courbé vers la terre, il cultive les fleurs et les parterres de l’université de Londres, et puis sa solitude. Il cultive son imagination et la contemplation de ces minuscules images que sont les timbres, une passion presque aussi désuète que celle du botaniste et à laquelle il initie l’autrice dans son enfance, tout en continuant, jusqu’à sa mort en 2001, à lui envoyer en France ces timbres qu’il récolte en Angleterre.

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Avec ses timbres et ses fleurs ; parce qu’il est anglais, proche parent, que son histoire parcourt la modernité et que sa bosse l’en met à l’écart, il est au cœur du livre comme d’un réseau de sens. Au fond, il est même chargé de sens comme d’une bosse, du nœud complexe de ses intrications. Ce n’est pourtant pas seulement un fardeau : Jim, à l’origine de toutes les ramifications du livre qu’il irrigue à la façon dont il arrose ses fleurs, voyage au contraire en affranchi dans chacune des bifurcations de sens – d’un côté comme un timbre affranchi et circulant, de l’autre en homme libre et affranchi d’une autre manière ; il faut parcourir ces infinies bifurcations pour imaginer saisir quelque chose de cet affranchissement-là, il faut à la manière d’un philatéliste, les observer et les évaluer : « c’est une appropriation réciproque par petites perceptions »

Le court-circuit des timbres pour parcourir le millénaire

C’est une somme de timbres, dans vingt-six enveloppes envoyées à Muriel Pic entre 1998 et 2001, qui fait toute la nécessité de ce réseau de sens : une série qui, sous la forme d’un bref réseau d’images, recompose et compose la vie du petit bossu, relate la f


Rose Vidal

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