Drone et queer – sur « Natures Mortes » d’Anne Imhof

On a l’impression d’entrer au Berghain, la célèbre boîte de nuit des années 2000. Belle hauteur sous plafond, pénombre, ados androgynes au balcon. Enfin, pas exactement, mais on les imagine, on se les rappelle de la performance Faust, qui avait valu à Anne Imhof son Lion d’Or il y a cinq ans. Perchés en adidas sur des structures grillagées, ils regardaient les visiteurs. Il y avait aussi des chiens. D’une certaine façon, le pavillon allemand, vu de l’extérieur, évoquait un peu la pochette post-apocalyptique du Diamond Dogs (1974) de David Bowie, à la fois avant et après une dictature à la 1984.
Berlin (pour la galerie)
Au seuil de « Natures Mortes », un microphone érectile tendu vers le néant. Un Shure SH55 Series II, pour être précis, aussi appelé micro « Elvis », chromé, de scène, au look années 1950.
Il doit capter quelque chose, on ne sait pas quoi, ni où le son s’en va. Peut-être le cri qu’on entend parfois retentir à l’étage inférieur en est-il issu ? Ce micro ressemble à une antenne géante, on pense aux radios concrètes d’Isa Genzken, Weltempfänger (1987-2016), « récepteurs mondiaux » qui enregistrent en secret les voix des morts. Mais pas trace tangible de Genzken ici. Un peu plus loin, cette vidéo de Sturtevant… c’était où déjà ? Ce chien qui court en boucle le long d’un format plus que cinémascope… Ah oui, à la Julia Stoschek Collection, sur Leipziger Straße… Juste à côté, Wolfgang Tillmans : on l’a vu spinner au Möbel-Olfe à Kottbusser Tor, tu te rappelles ?
Cela fait trente ans que Tillmans documente notre désir des corps abandonnés, atomes de Lucrèce entrechoqués dans les raves puis les afters… Un monument, ce photographe, un peu comme le Tacheles, le célèbre squat d’après-Mur qui a fermé… Au fil du temps, Tillmans s’est mis à l’eau. Pas à la noyade, mais au ricochet en surface, à la dissolution. Récemment, c’est devenu un flot idyllique, la fluidité en mode « âge d’or ». On a vu ça, au Wiels de Bruxelles, juste avant le premier confinement, s