La disparue – sur Pour te ressembler de Christine Détrez
« Des livres sur la mort, il en paraît par dizaines tous les mois. Rien n’est plus commun. Le deuil oblige à dire. Auteur ou lecteur, on cherche des mots, car ils sont pour le disparu la seule obole pensable », notait il y a quelques années déjà Philippe Forest. La rentrée littéraire 2021 confirme à nouveau le diagnostic, de Premier sang d’Amélie Nothomb, mémoires imaginaires de son père décédé l’année dernière à Emmanuelle Lambert, qui revient elle aussi sur la mort de son père dans une épiphanie lumineuse, Le Garçon de mon père. Dans une société sans espoir eschatologique et sans promesse d’éternité, où l’on demande lors des obsèques aux parents et aux proches de raconter par des anecdotes la vie du défunt ou de lire un poème à défaut de liturgie religieuse, l’écriture vient communément accompagner le deuil, éterniser les noms, si ce n’est réactiver le pouvoir de résurrection originel des inscriptions et des formules magiques.

Pour te ressembler de Christine Détrez, enquête sur sa mère morte alors qu’elle avait deux ans, est l’un des originaux et des plus fervents de ces textes qui participent par-delà la mode contemporaine d’une très longue tradition. « Le tombeau, père de signes », disait Alain. De fait, la lecture de la formidable histoire du livre de Yann Sordet parue l’année dernière (Histoire du livre et de l’édition. Production et circulation, formes et mutations, aux éditions Albin Michel) confirme l’intuition du philosophe : il n’y a aucune fonction plus profondément associée à l’écriture que celle de la mémoire des morts.
« On retrouvera bien au-delà de la question même de l’origine des écritures cette articulation des pratiques scripturaires et de la mémoire des défunts. On écrit, selon des modes et des lieux définis, la mémoire des morts ; on détermine dans une société donnée quels défunts ont droit à une “mort écrite” : dans l’Athènes du Ve siècle av. J.-C., au temps du christianisme primitif et des ensevelissements clandestins, lorsque l’ég