Mémoire vivante – sur Où Est Anne Frank ! de Ari Folman
Le point d’exclamation du titre de ce film n’est pas une erreur typographique. De même que Claude Lanzmann avait titré son Pourquoi Israël sans point d’interrogation, Ari Folman ne pose pas une question mais affirme un point de vue. Il entend montrer qu’Anne Frank est aujourd’hui figée dans le passé, l’Histoire, les musées, l’iconolâtrie, alors qu’il serait préférable qu’elle hante la conscience des gens sur les réalités oppressives présentes.
Pour faire glisser sa réflexion sur les usages de la mémoire dans la séduction d’un spectacle, Folman a d’abord réussi son film sur le plan graphique : le dessin est élégant, les couleurs sont évocatrices, chatoyantes, la représentation d’Amsterdam (hier ou aujourd’hui) est superbe, entre réalisme et stylisation. Ensuite, bonne idée de scénario, le réalisateur a transformé l’objet Journal d’Anne Frank en personnage : le fameux livre est ici une jeune fille, Kitty, l’amie imaginaire à laquelle s’adressait Frank en rédigeant son journal.

Outre le fait que Folman ne fait que prolonger la construction imaginaire d’Anne Frank (un journal = une amie), cela permet d’arracher le Journal… à son statut d’objet de papier et de le rendre vivant, incarné. Au lieu de lire le Journal…, c’est lui/elle qui nous parle, nous lit, nous questionne. Ce personnage-livre étant comme une créature de conte, il voyage sans problème à travers le temps et nous embarque (et le film avec) dans d’incessants allers-retours entre les années 1940 et aujourd’hui.
Anne Frank court le risque de devenir un objet mémoriel kitsch, un peu comme Auschwitz avec ses hordes de visiteurs qui font des selfies en short.
Dans les séquences des années 1940, on est avec Anne Frank et sa famille, cachés dans le grenier d’une petite maison de Prinsengracht. C’est la vie confinée telle que l’a racontée Anne Frank, sous la menace permanente du virus nazi, beaucoup plus dangereux et létal que le Covid : l’enfermement, la promiscuité, le souci de ne jamais faire trop de bru