Littérature

Sensations italiennes – sur Un peu de fièvre de Sandro Penna

Écrivain

Les éditions Ypsilon publient une nouvelle traduction de la seule œuvre en prose du natif de Pérouse, Sandro Penna, mort en 1977. Recueil de textes qui brouille les frontières entre les genres et chante la douceur d’une Italie perdue, Un peu de fièvre rend la voix tendre de celui que Pasolini considérait comme « le plus grand et le plus radieux des poètes italiens ». Les baignades, la tentation des garçons, le soleil, l’amertume du café, Rome bien sûr, ou leurs sensations conjuguées, tout illumine ces pages nécessaires.

Il y a des petits livres qui sont de grands livres. Parfois, il suffit de quelques nouvelles rassemblées en recueil. Mais il y faut la grâce. On l’a vu hier avec Robert Walser et son Retour dans la neige. Sandro Penna vient le confirmer avec éclat. Que la simplicité soit un luxe, Un peu de fièvre nous le révèle à nouveau.

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Sa réédition par les éditions Ypsilon en fait aussi un magnifique objet ; couverture à rabats rouge, beau papier 100 g, imprimé à Città di Castello dont l’école de canotage eût enchanté Penna, l’été bien sûr mais aussi à la Noël, avec sa crèche suspendue à la jupe du pont et un cortège de garçons qui font glisser leurs canoës illuminés entre des feux de Bengale disposés sur les berges.

Il était né à cinquante kilomètres de là, à Pérouse, en 1906. Il fut essentiellement un poète, assez unique, qui publia des livres de poèmes, le premier en 1939, et ce livre de prose. S’il fut publié en 1973, sur l’insistance ou « sollicitude » de ses amis, il se compose pour l’essentiel de textes écrits autour de 1940, une bonne trentaine de brefs récits qui sont un enchantement. En cent cinquante pages, il nous entraîne à la fois en Italie et dans un monde en voie de disparition qu’il préserve par magie. Et puis, les éditions Ypsilon ont eu l’intelligence de placer en postface l’article de Pasolini paru dans le magazine Tempo pour saluer la parution du livre. J’y reviendrai.

Penna, bien entendu, a pensé la composition de ce livre et, s’il n’a pas retenu l’ordre chronologique, le premier et le dernier texte donnent quand même le la. Dans le premier, « Un jour à la campagne », nous suivons le jeune garçon qui va passer deux jours chez ses cousins à la ferme ; il éprouve un grand bonheur, beaucoup d’émotions, de l’« enthousiasme » et c’est vraiment cet état que Penna revit par l’écriture, mais empreint de nostalgie ; on le voit ainsi courir « comme un fou » dans l’herbe, définie comme « un vert tendre », le vert (la sensation du vert) rythmant tout ce texte


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

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