Plaisir coupable – sur l’exposition « Alfred Courmes. La rétrospective »
Il existe sans doute toute une généalogie d’artistes – bien souvent, des peintres – que l’on se plaît à aimer obscurément, presque honteusement. Ils seraient des passions inavouables : trop de beau métier, trop de térébenthine, trop de sujets douteux ou de mauvais goût. Toujours un peu trop, et Alfred Courmes (1898-1993) est de ceux-là.

Les institutions publiques l’ont acheté précautionneusement et l’ont exposé avec parcimonie, autre manière de dire qu’on le voit peu, et que la majorité de ses toiles sont aujourd’hui bien au chaud dans des collections privées. C’est la raison pour laquelle cette rétrospective, imaginée par l’éditeur Dominique Carré et Carole Marquet-Morelle, directrice des musées de Charleville-Mézières, est une vraie rareté. Organisée ce printemps à Paris au siège du Parti communiste français, puis cet automne à Charleville-Mézières, elle présente une centaine de toiles, quelques dessins et archives de l’artiste français dont la carrière a couvert l’intégralité du siècle dernier.
Encouragé par le peintre Roger de la Fresnaye – ou découragé, on ne saurait trop dire au vu des lettres pas toujours très favorables de celui-ci –, l’artiste commence à peindre au tournant des années 1920. Ses portraits sont massifs, les corps s’imposent parfois de manière brutale dans l’espace pictural. Plus tard, Courmes écrit : « Mon père me disait : ‘‘Oh ! Alfred, dans tes plaisanteries tu es lourd, tu es lourd !’’ La Fresnaye, quand je lui ai montré mes premiers tableaux, me disait : ‘‘C’est bien composé, mais vous composez lourd…’’ Je me suis dit : ‘‘Si c’est lourd, je vais en remettre, comme ça je suis sûr d’être bien lourd.’’ » Une de ses toiles de jeunesse, La grande baigneuse du Lavandou (1924), illustre bien cette quête de gravité : le corps de la jeune femme, jambes, fessier et bras compris, occupe tout l’espace. Même sa serviette de bain se déploie dans toute l’épaisseur de son drapé, de même que les nuages dans le ciel, très denses. Au centre de l’i