Politique

Des périls d’une nouvelle « grande transformation »

Politiste

La dégénérescence des démocraties vers le fascisme a résulté de la réaction de nombreux groupes sociaux face à la liquidation des quatre piliers de la « paix de cent ans » forgés par le libéralisme classique. C’est la thèse de Karl Polanyi dans La Grande Transformation. Une relecture de ce livre désormais classique permet d’établir un lien entre la période qu’il a étudiée et la crise que nous traversons, à savoir celle d’une remise en question des principes du néolibéralisme et de la montée de l’extrême droite.

La séquence de la réforme des retraites qui se déroule depuis janvier 2023 signe le retour au premier plan de la mobilisation sociale massive contre le libéralisme. Uni, le front syndical a réussi à mobiliser jusqu’à 3,5 millions de personnes dans les rues, et ce à plusieurs reprises. On aurait pu croire que la gauche politique tire les bénéfices de la contestation contre l’allongement de l’âge légal à 64 ans. Pourtant, selon un sondage paru dans Le JDD le 25 mars dernier, ce serait le RN qui sortirait grand gagnant du moment. En cas de dissolution, il pourrait gagner jusqu’à 7 points, le plaçant en moyenne à 26 % au premier tour à l’échelle nationale, au même niveau que la NUPES, qui quant à elle stagnerait dans l’opinion, malgré sa forte mobilisation contre les retraites.

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Les avis pour tenter d’expliquer ce paradoxe sont nombreux et souvent contradictoires. Sur les plateaux des chaînes d’information en continu, deux poncifs s’accumulent en guise d’analyse : les insoumis passeraient pour des dangereux « bordélisateurs » qui décrédibiliseraient la gauche, au contraire, le RN brillerait par son sérieux et sa retenue.

Quoiqu’on pense du thermomètre, la montée dans les enquêtes d’opinion de Marine Le Pen dans un tel moment signale une difficulté pour la gauche de tirer profit du mouvement social qu’elle soutient et pour lequel elle se mobilise. Une raison conjoncturelle et strictement politique peut expliquer cette dynamique de l’extrême droite : Marine Le Pen capitalise sur la rente du second tour de l’élection présidentielle ; en l’état, elle fait figure de première opposante. Mais cette seule explication est un peu courte et ne permet pas de comprendre pourquoi, quand des réformes injustes sont menées pour tenter de résoudre certaines contradictions du capitalisme contemporain, c’est l’extrême droite qui apparaît comme le rempart au libéralisme.

Dans La Grande Transformation, Karl Polanyi a disséqué un mouvement comparable. Il a brillamment montré quelles étaient les conditions historiques dans lesquelles l’extrême droite a pu canaliser la contestation sociale du libéralisme.

S’inspirant de la grille de lecture contenue dans La Grande Transformation, on peut montrer que derrière les spécificités de l’époque, une dynamique comparable à celle analysée par Polanyi affecte la « paix de vingt ans » du néolibéralisme (1992 -2012). L’effondrement des quatre piliers de notre organisation économique et la volonté de la perpétuer rentrent en tension avec les aspirations d’un nombre croissant de groupes sociaux. Politiquement, les réactions défensives qui en résultent, demeurent pour l’heure, en grande partie canalisées par l’extrême droite. Autrement dit, les bons résultats de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2022 et aux législatives qui ont suivi sont symptomatiques d’une nouvelle grande transformation du capitalisme contemporain. De ce point de vue, l’élection présidentielle de 2022 ne règle rien. Macron est l’avatar de cette volonté libérale forcenée qui ne comprend pas la dynamique historique dans laquelle elle se situe. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle phase. Il n’y a pas de fatalité. Si la gauche est capable de transformer cette réaction contestataire en énergie de transformation sociale, elle marquera l’Histoire ; sinon le chaos l’emportera.

2022 : nouvelles turbulences anti-libérales 

Élections après élections, dans les démocraties occidentales, et en particulier en France, la contestation du système libéral se renforce, au bénéfice du camp nationaliste. En France, pour la deuxième fois consécutive, le 10 avril 2022, Marine Le Pen s’est hissée au second tour de l’élection présidentielle française avec un peu plus de 23% des suffrages exprimés. Au second tour, le 25 avril, elle a recueilli 41,5% des scrutins exprimés, soit environ 13,3 millions de voix. C’est 2,7 millions de plus qu’en 2017. Cela représente une hausse de 30%. Pourtant, en cinq ans, son socle n’a pas changé : le vote pour Marine Le Pen se concentre dans la France ouvrière, rurale et populaire, en particulier dans les métiers pénibles et dans les catégories sociales peu diplômées. Sa domination dans ses groupes sociaux reste impressionnante.

Publiée le 20 avril 2022, la dixième vague de l’enquête électorale d’Ipsos pour le CEVIPOF et la Fondation Jean-Jaurès créditait la candidate du Rassemblement National (RN) de 70% des intentions de vote des ouvriers et 57% de celles des employés. Comment expliquer l’ampleur de l’engouement de la « France d’en bas »[1] pour Marine Le Pen ? Deux hypothèses sont envisageables. Soit le RN a su créer une dynamique à partir de sa campagne électorale, de son offre politique et de sa candidate. Soit ce soutien résulte du crédit qu’une large partie des groupes sociaux issus des classes populaires accordent à Marine Le Pen pour répondre à leurs demandes sociales ou à leurs préoccupations culturelles.

La première hypothèse semble assez fragile. Certes, le RN réalise de très bons scores dans les territoires ruraux et les anciens bastions industriels. Toutefois, en tant que parti, il dispose toujours d’un assez faible ancrage local, d’une capacité de mobilisation limitée, d’une doctrine floue, d’un déficit de cadres fidèles et de finances dégradées.

En outre, durant la campagne présidentielle de 2022, sa stratégie de la dédiabolisation a été âprement contestée par Éric Zemmour avec une certaine efficacité jusqu’au déclenchement de la guerre en Ukraine. En 2017, Marine Le Pen avait totalement raté son débat d’entre-deux-tours. En 2022, elle n’a pas su instruire le bilan d’Emmanuel Macron. Bref, les bons résultats de Marine Le Pen peuvent donc difficilement s’expliquer par sa force politique propre. Cependant, du point de vue de l’offre politique qu’il représente, il faut dire que le RN bénéficie d’une « aura sociale » qui ne ternit pas avec le temps. Étrangement, il incarne pour beaucoup une force de contestation au système libéral alors même que l’épaisseur sociale de son programme se réduit comme peau de chagrin depuis des années, comme en témoignent le recul sur l’âge légal de la retraite et le refus exprimé d’augmenter franchement les salaires.

Les caractéristiques de l’offre lepéniste interdisent de penser que le RN a atteint une forme d’hégémonie culturelle et que son offre serait la matrice de notre système politique. En conséquence, pour expliquer la dynamique du RN, c’est du côté des demandes et des préoccupations que la candidature de Marine Le Pen satisfait qu’il faut se pencher. Si le constat que le RN répond à une demande d’ordre est assez consensuel, il n’épuise en rien l’explication de la montée de l’extrême droite dans les urnes. La question de la cause principale reste posée : la croissance du vote en faveur de l’extrême droite repose-t-elle sur une montée de l’insécurité culturelle ou sur celle de l’insécurité économique dans les groupes qui la plébiscitent ?

Sans nier le ressentiment identitaire qui peut travailler certains groupes sociaux au sein des classes populaires, cet article défend – la deuxième thèse – et l’idée qu’il existe une affinité élective entre les dérives de la libéralisation économique et la montée de la contestation populaire. Cette thèse n’est pas nouvelle. En son temps, Karl Polanyi l’a défendue avec brio dans l’ouvrage La Grande Transformation. Socialiste hongrois émigré en Angleterre puis aux États-Unis dans les années 1930, cet économiste éclectique n’a cessé d’analyser les contradictions et les risques de l’idéologie du Marché.

La dégénérescence des démocraties

On l’oublie souvent mais La Grande Transformation n’est pas qu’un ouvrage savant d’anthropologie économique, il contient aussi une analyse détaillée de la montée du fascisme au cours des années 1930. Pour l’économiste hongrois, la dégénérescence des démocraties vers le fascisme a résulté de la réaction de nombreux groupes sociaux face à la liquidation des quatre piliers de la « paix de cent ans » forgés par le libéralisme classique : l’équilibre des puissances, la stabilité favorisée par la haute finance internationale, le mythe du marché autorégulateur et l’étalon-or.

Les quatre piliers de la « paix de cent ans »

Selon Polanyi, la crise des années 1930 a été l’aboutissement de la destruction des quatre piliers de la paix de cent ans (1815-1914).

Le premier de ces piliers était le système de l’équilibre des puissances. Il était organisé par le principe de la souveraineté des États issu des traités de Munster et Westphalie (1648) et du traité d’Utrecht (1713). L’originalité de l’approche de Polanyi consiste à montrer que cet équilibre des nations, ne reposait pas uniquement sur des rapports de puissance étatique mais dépendait aussi de la haute finance internationale. Intermédiaire indispensable pour assurer la volonté de puissance des États, notamment dans les colonies, elle était une force contribuant à la perpétuation d’une paix bancale. Par exemple, malgré l’hostilité de la France et de l’Allemagne depuis 1870, Karl Polanyi note que des « consortiums bancaires de circonstance se formaient dans des buts transitoires. »[2]

Le deuxième pilier de la paix de 100 ans était l’étalon or. Avant Bretton Woods, ce système monétaire était « la foi de l’époque »[3]: tout le monde pensait que si les billets de banque avaient de la valeur c’était parce qu’ils représentaient de l’or. À ce sujet, l’économiste hongrois note désabusé : « Il serait difficile de trouver la moindre divergence sur ce point entre les propos de Hoover et ceux de Lénine, de Churchill et de Mussolini ». L’étalon or était alors l’unique dogme internationalement partagé et à l’époque, et il semblait naturel que la création de monnaie dût être soumise à un mécanisme d’autorégulation.

Le troisième pilier du libéralisme classique était le crédo du marché autorégulateur. Il a été, selon Polanyi, la source et la matrice du système économique libéral d’avant les années 30. Mais en réalité, ce crédo remonte aux années 1820. Proprement révolutionnaire dans une société traditionnelle et corporative, l’idée du marché autorégulateur a été à l’origine de la création du marché du travail et de l’instauration du libre-échange. En effet, deux idées composent ce crédo : le travail doit trouver son prix sur le marché et les denrées doivent être libres de circuler de pays en pays sans obstacles ni préférences.

Le dernier pilier qui est rentré en crise dans les années 1930 fut l’État libéral non interventionniste. Ce dernier pilier était fondé sur l’idée du laissez faire de l’État dans l’économie, laquelle connut des aménagements significatifs avant la crise des années 1930, notamment en France, avec l’augmentation du budget de l’État sous l’effet du besoin d’organisation de la Première Guerre mondiale.

La liquidation des quatre piliers de la « paix de cent ans »

La force de l’approche de Karl Polanyi tient dans sa capacité à décortiquer la montée du fascisme avec la précision d’un maître horloger. Dans La Grande transformation, il montre comment l’effondrement successif de chacun des piliers du libéralisme a provoqué des contradictions sociales insoutenables.

Pour l’économiste hongrois, le déclin du mythe du marché autorégulateur a eu lieu dès le début du XXème siècle. À cette époque, l’économie était traversée par de multiples tensions : la hausse du chômage, la pression sur les échanges, les rivalités impérialistes. Les problèmes qui ne se résolvaient pas par le laissez faire s’accumulaient. Cependant, toute initiative pour les dépasser était en bute avec les rigidités du système du marché autorégulé. Par exemple, au début du siècle les mesures de politiques économiques de lutte contre le chômage par la hausse des crédits ont été limitées par les exigences de la stabilité des changes et de la monnaie. La politique d’assistance ou de travaux publics était quant à elle limitée par les exigences de l’équilibre budgétaire. En outre, avec l’étalon or, toute mesure de relance budgétaire dépréciait la monnaie. Enfin, l’extension du crédit bancaire affectait sérieusement la balance des paiements des économies de l’Europe de l’Ouest et n’était pas soutenable.

Selon Polanyi, la liquidation de l’équilibre des puissances a eu lieu après la Première Guerre mondiale, par le désarmement unilatéral des nations vaincues, dans le cadre du traité de Versailles. L’innovation internationale qu’a constitué la Société des Nations a buté sur la reconstruction de l’équilibre des puissances, avec l’absence d’utilisation efficace des articles 10 et 16 sur l’application des traités[4], et celle de l’article 19 sur leur révision pacifique. Du fait de cette asymétrie, l’Europe était dépourvue de tout système politique reposant sur un équilibre.

La crise de l’étalon-or s’est déroulée également après la Première Guerre mondiale. La contradiction entre la restauration de la sécurité de la livre sterling et l’inflation aux États-Unis a précipité son déclin. En effet, l’équilibre antérieur reposait sur la coopération des États-Unis vis-à-vis de la livre sterling, monnaie de la finance internationale. Le soutien de la livre sterling par l’Amérique, pays disposant des plus grandes réserves d’or, impliquait de faibles taux d’intérêt. Cependant, du fait du retour cyclique de l’inflation, les États-Unis eurent besoin d’une élévation du taux d’intérêt qui n’a pas eu lieu, en raison d’une réticence idéologique à manier l’outil monétaire. En 1933, face aux contradictions de ce système monétaire, les États-Unis abandonnèrent l’étalon-or. Au contraire, pendant dix années, les gouvernements européens firent des efforts colossaux pour protéger la valeur extérieure de leur monnaie, comme instrument de commerce avec l’étranger mais contre les intérêts domestiques, ce qui contribua à l’émergence chez les peuples d’une volonté croissante de souveraineté.

Enfin, la remise en cause du laissez-faire de l’État se déroula durant l’entre-deux-guerres. À cette époque, le contexte social était particulièrement dégradé. L’instauration de l’économie de marché avait été rendu possible par la destruction des solidarités traditionnelles et notamment à la création d’une nouvelle catégorie de pauvre : les chômeurs. Face à cette situation, dans les démocraties de l’Europe de l’Ouest, la conception du périmètre de l’intervention de l’État changea, dans les partis de gauche, en faveur d’une prise en charge de ces nouveaux risques sociaux. En Angleterre, les chartistes souhaitaient instaurer la prise en charge par l’État des chômeurs et le droit de vote pour les classes ouvrières.

Conservatisme de classe et aveuglement idéologique

Polanyi montre avec netteté qu’en Europe, dans les années 1930, les forces démocratiques de progrès furent confrontées aux intérêts de la haute finance internationale. En Grande Bretagne en 1924 et en France en 1936, les gouvernements socialistes se sont heurtés au mur monétaire. Ils durent quitter le pouvoir pour sauver la monnaie, sous la pression des marchés financiers. Pour Polanyi, l’autoritarisme de la classe financière, opposée aussi bien à l’interventionnisme qu’à l’inflation, a considérablement affaibli les forces démocratiques.

La divergence des intérêts économiques entre le patronat capitaliste et le salariat socialiste a interdit tout consensus sur le débat de la séparation des sphères économique et politique.

L’analyse économique de Polanyi se double d’une grande finesse dans l’examen du climat politique de l’entre-deux-guerres. Progressivement, la menace de la paralysie totale suscita une grande peur au sein de la population. Polanyi montre qu’in fine la réponse populaire à cette peur d’un blocage de la société, imputée à la faiblesse de la démocratie, fut la solution fasciste. Le socialiste hongrois estime en effet que le fascisme a été un mouvement politique répondant aux besoins d’une situation objective : échapper à une situation institutionnelle sans issue. Le fascisme se présente selon Polanyi comme « la réforme de l’économie de marché réalisée au prix de l’extirpation de toutes les institutions démocratiques ». Mouvement paneuropéen, l’objectif du fascisme « transcende le cadre politique et économique : il est social ». Cependant, l’économiste reconnaît que le fascisme n’a pas été un mouvement populaire, mais une force tirant partie de « la désintégration psychologique et morale » des forces démocratiques. Sa prise du pouvoir fut un simulacre de rébellion, arrangée avec l’accord tacite des autorités et le soutien des classes dirigeantes.

Les quatre piliers de la « paix de 20 ans » du néolibéralisme

Comparaison n’est pas raison. Et évidement l’Histoire ne bégaye pas. Cela étant dit, la grille de lecture de La Grande transformation dessine un cadre intellectuel intéressant pour comprendre les rouages de la montée de l’extrême droite. Quatorze ans après la crise des subprimes de 2008, les ressemblances des dynamiques de notre époque avec celles des années 1930 sont frappantes. Derrière les singularités de notre temps, l’on retrouve l’architecture à quatre piliers qui organise les relations entre la puissance internationale, le marché, l’idéologie et l’État. Par commodité, l’on retiendra l’expression de paix de 20 ans – 1992 à 2012 – car cette période marque à la fois l’apogée de la puissance américaine et celle du néolibéralisme financier. Comme la « paix de cent ans », la remise en cause de la « paix de 20 ans » – 1992 à 2012 – a abouti à une crise financière majeure, entrainant des réactions sociales et identitaires qui ont puissamment ébranlé ses fondations.

L’hégémon américain

Le premier pilier de la « paix de 20 ans » est l’hégémonie américaine, à l’origine de la pax americana. Après la chute du mur de Berlin, l’« hyperpuissance américaine » – pour reprendre la formule d’Hubert Védrine – et l’interventionnisme extérieur des États-Unis ont fondé la pax americana. Cette hégémonie s’opère par les normes et par la puissance. Au lendemain de la chute de l’URSS et de la première guerre du golfe, les États-Unis assument une full-spectrum-dominance[5]: normative, technologique et militaire. Cette paix, fondée sur l’hyperpuissance, a été relayée d’un point de vue théorique dans la croyance entre l’alliance nécessaire et causale entre la démocratie, le marché et la paix, notamment par Francis Fukuyama, dans un article resté célèbre, paru en français dans la revue Commentaire en 1989, intitulé « La fin de l’histoire ? »[6].Notons d’ailleurs que cette paix américaine entre les nations a un pendant financier avec le consensus de Washington[7]. Fort de cette nouvelle doctrine, les marchés financiers se doivent d’assurer le développement et de s’assurer de l’apport des capitaux au pays en voie de développement pour renforcer la stabilité de l’hégémonie américaine.

Monnaie et ordo-libéralisme

À la place de l’étalon or, notre pilier monétaire contemporain est organisé autour de trois institutions : le dollar et le système monétaire international et l’euro. Depuis 1971 et 1976 – officiellement, la plupart des économies industrialisées sont dans des régimes de change flexible dans lequel le dollar domine[8] et les pays en voie de développement ont généralement continué de gérer leur monnaie par rapport au billet verts en Amérique latine, en Asie ou au Moyen-Orient. Si la domination du dollar dans le système monétaire international précède les années 1990, ce sont la chute du bloc de l’Est et la fin définitive de toute velléité des non-alignés qui font du dollar la monnaie du monde entier. Dans un contexte de plus en plus volatile, les pays de la zone euro ont choisi la voie d’une intégration monétaire, leur permettant de s’affranchir de la contrainte d’une valeur fixe par rapport au dollar.

Le renouveau de l’idéologie libérale

Abandonnant l’éloge de la hiérarchie, le capitalisme contemporain s’appuie sur un nouveau pilier idéologique : la flexibilité. Le néolibéralisme est fondé sur une nouvelle vision du monde qui prône l’efficience des marchés financiers, « l’horizontalité » des modes d’organisation et la flexibilité des contextes sociaux et normatifs et la volonté de l’individu-entrepreneur.

L’efficience des marchés financiers a fait l’objet d’un investissement théorique inédit depuis les années 1960. Les discours académiques des économistes ont en effet relayé l’idée de l’existence d’un prix intrinsèque des actifs, lié au fondamentaux sur le marché. Cette théorie de l’efficience suppose que le prix observé sur le marché reflète instantanément toute l’information disponible. La diffusion de ces thèses en faveur de l’efficience sur les marchés financiers a abouti à de nombreuses réformes bancaires et financières appelé les trois D : décloisonnement, dérégulation, déréglementation ; dont l’abrogation du « Glass-Steagle Act » en 1996 demeure un symbole gênant pour les démocrates américains[9].

Pour éviter toute forme d’entrave, les normes sont de plus en plus flexibles. L’organisation collaborative du travail fait des émules. En effet, le nouvel esprit du capitalisme, comme l’ont écrit Luc Boltanski et Eve Chiapello[10], a totalement incorporé les revendications émancipatrices des années 1970 et 1980, pour améliorer la réactivité des entreprises dans un contexte concurrentiel. Dans les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui, les pouvoirs publics ont quant à eux favorisé l’individualisation des salaires et des primes, tout en renvoyant le discours salarial au niveau de l’entreprise. Le néolibéralisme joue sur la corde des subjectivités[11].

Adapté du livre de Ben Mezrich, The Accidental Bilionaires, le film The Social Network réalisé par David Fincher et écrit par Aaron Sorkin a immortalisé le crédo d’une nouvelle classe capitaliste de geeks revanchards : « On ne se fait pas 500 millions d’amis sans se faire quelques ennemis ». Avec la « start-up Nation », la fascination pour la réussite capitalistique fait désormais office pour les élites libérales, non seulement d’étalon des mérites individuels, mais surtout de grand projet collectif national.

Le triomphe du « Fake State »

Dans le nouveau monde de la « paix de 20 ans », l’État a repensé ses modes d’action et sa fonction à l’aune des doctrines néolibérales en vogue jusqu’à il y a peu. La conception de l’État qui prévaut depuis les années 1990, c’est celle du retrait bienheureux de l’État. L’État stratège, replié dans sa tour d’argent, n’exerce plus aucune action par lui-même. Il se reforme en permanence, en quête de performance, au prix élevé des cabinets de conseils[12]. Ainsi, en 2021, en pleine crise sanitaire, en France, l’État a déboursé plus de 2 milliards d’euros pour des prestations de conseils stratégiques tout en supprimant des dizaines de milliers de lits d’hôpitaux.

Grand symbole du retrait du politique des affaires économiques, la politique monétaire est en Europe transférée à une institution indépendante garant de la seule stabilité de la monnaie et de la faible inflation. La privatisation du secteur public est à son paroxysme : on déstructure les monopoles publics de l’énergie, des télécommunications, des postes et des transports, pour organiser des marchés concurrentiels, on brade les autoroutes pour se désendetter, l’État actionnaire « valorise » son portefeuille avec un prisme de plus en plus financier et de moins en moins stratégique comme l’a montré la longue affaire Alstom. On assiste à l’émergence d’un « Fake State » pour reprendre l’expression provocatrice de Frédéric Farah[13].

Ces nouvelles figures de l’État découlent d’une nouvelle doctrine : le néolibéralisme qui en repense les modes d’intervention et la fonction première. L’État a le devoir non seulement d’organiser le  marché mais sans y intervenir, et surtout de former des individus-stratèges qui calculent rationnellement et assument l’entière responsabilité de leurs actes, quelles que soient les circonstances.

L’effondrement des quatre piliers du néolibéralisme

Hégémonie américaine, ordo-libéralisme, flexibilité permanente, État spectateur : depuis 2008, les quatre piliers du néolibéralisme contemporain sont entrés en crise. Comme dans les années 1930, leur liquidation progressive par le principe de réalité et la volonté de les conserver malgré tout génèrent des tensions croissantes entre les intérêts populaires et ceux des capitalistes. Faute d’une refondation, la crise se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Premièrement, l’équilibre des puissances des années 1990 est rompu : la pax americana et les marchés financiers n’assurent plus leur fonction de stabilité de l’ordre mondial[14]. La pax americana et le consensus de Washington n’ont, en effet, plus rien d’évident. Si la pax americana régit encore le monde, elle ne fait plus consensus quant à sa pérennité, à son efficacité, et à sa légitimité. D’une part, sur le long terme, l’essor de la Chine est de nature à contester le monopole de l’hyperpuissance détenue par les États-Unis. Sur son efficacité, elle fut contestée dans son principe en 2001 et en 2003 avec l’opération en Irak.

Notons d’ailleurs que le ralentissement de la croissance mondiale en 2019 a été largement imputable aux incertitudes de la guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde, notamment la Chine mais aussi l’Union Européenne. Puis, en 2020, sous l’effet de la pandémie du Covid-19, la valeur du commerce mondial des biens et des services en dollars nominaux a subi une chute de 9,6 % et le PIB mondial une chute de 3,3 %, soit la récession la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale[16]. De surcroît, en 2022, la remise en cause de la pax americana connaît une nouvelle phase avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine.

La nouvelle rigidité financière

Dans La Grande transformation, l’équilibre des puissances est garanti par la haute finance internationale qui neutralise les rivalités entre les nations. Comme l’explique Polanyi, les dérives de la haute finance dans les années 30 ont mis à nu les intérêts antagonistes entre la haute finance et les peuples. Aujourd’hui, en dépit d’une régulation étoffée, la divergence des intérêts de la haute finance internationale et du salariat apparaît de plus en plus criante. Elle est perçue de plus en plus largement comme un mouvement de sécession des élites capitalistes. Par exemple, depuis la crise de 2008, les intérêts financiers qui se sont déployés pour faire échec à tout projet de réglementation contraignante et exhaustive de la finance ont été extrêmement puissants. En France, les actifs désignés par la loi du 26 juillet 2018 dite de « séparation des activités bancaires » ne représentent qu’une infime part des actifs bancaires et la séparation consiste uniquement dans la création d’une filiale. En Europe, le grand mouvement de régulation financière s’est traduit davantage par la création d’institutions, comme l’Union Bancaire ou le SESF et d’imposition de ratio de capital et de liquidité dont l’efficacité en termes de stabilité financière fait débat. Les mesures macroprudentielles les plus efficaces et préventives n’ont pas été mises en œuvre à la hauteur des enjeux[16]. Aux États-Unis, le mouvement de régulation après avoir pris une ampleur inédite sous l’égide de Paul Volcker, a été considérablement amoindri, voire vidé de sa substance par les réformes du président Trump. Le Shadow Banking prospère toujours à l’ombre de toute intervention publique.

La nouvelle contradiction monétaire

L’orthodoxie monétaire contre les structures productives et les intérêts des travailleurs a également fait son grand retour, notamment au sein de la zone euro. Dans La Grande transformation, les efforts réalisés par les marchés financiers et les élites politiques pour rendre plus difficile la sortie de l’étalon or par les États ont été l’un des facteurs importants de la dégradation des conditions sociales des travailleurs et de la hausse du chômage.

Malgré une configuration contemporaine inédite, le parallèle avec le fonctionnement contemporain de l’euro est à cet égard frappant. La difficulté pour les économies avancées de retrouver de la croissance qui soit autonome vis-à-vis des injections monétaires et budgétaires après la crise traduit une caractéristique majeure et contradictoire du fonctionnement de notre économie[17]. Les déficits budgétaires ou les injections monétaires apparaissent indispensables au soutien de l’activité. Ce constat s’applique à la zone euro dont la Banque centrale retarde la sortie de l’accommodement et des taux négatifs depuis 2019. Or, la croissance sans bornes des dettes publiques et des bilans des banques centrales apparaît de plus en plus difficile à prolonger. En outre, la « révolution numérique » ne crée que de très faibles gains de productivité[18], lesquels sont captés par un très petit nombre d’entreprises[19], qui reposent sur l’usage social des technologies. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas sans rappeler la constitution de trusts qui caractérise le début du XXème siècle.

L’affaiblissement de l’État social

Depuis la grande crise financière, l’affaiblissement de l’État social se radicalise sous couvert de réformes structurelles censées permettre de nous sortir de la crise. Curieusement, ces réformes ont redoublé d’intensité malgré leur incapacité avérée à construire une économie saine, stable et juste. Elles ont, en effet, considérablement affaibli les solidarités traditionnelles et les systèmes de protection de l’emploi des classes moyennes. Ainsi, entre 2008 et 2013, plus de 600 mesures[20] ont concerné les politiques actives du marché du travail au sein de l’Union Européenne, dont 120 mesures concernant l’emploi permanent et le régime de licenciement. Depuis 2008, les outils de régulation salariale ont fait l’objet de réformes visant à la modération salariale.

Ainsi entre 2009-2014, l’on a assisté à un ralentissement significatif de la croissance des salaires réels. Par exemple, l’Irlande a baissé de manière transitoire le montant du salaire horaire minimum de 1 euro, au Portugal de 2011 à 2014 le salaire minimum a été gelé pendant 4 ans. Dans d’autres formes, les accords nationaux interprofessionnels de modération salariale se sont multipliés partout en Europe : en Italie (2009, 2011, 2012), en Espagne (2010 et 2012) ou au Danemark (2010 ; 2012).

L’État keynésien modernisateur a été profondément affecté par les normes, les réformes et les discours néolibéraux, qui ont en retour justifié un retour de l’autorité de l’État[21] et de la souveraineté contre les pauvres, les démunis et les étrangers. Or, le grand paradoxe de notre époque en la matière est que les politiques nationales sont cadenassées par l’impératif de compétitivité alors que les théoriciens de la croissance constatent que la remise en cause des protections sociales sous couvert de flexibilité déstabilise la demande et le partage de la valeur ajoutée au détriment des travailleurs et dans un sens nuisible au bon fonctionnement de l’économie dans son ensemble.

L’effondrement de la croyance populaire dans le marché autorégulateur

Le quatrième pilier qui s’est effondré depuis 2008 est la croyance dans le bien-fondé de l’auto-régulation. Cette remise en cause du bien-fondé du marché tout puissant repose sur quatre faits objectifs qui ont marqué les esprits lors de la dernière décennie : la crise financière, la désindustrialisation, l’ambiguïté du numérique vis-à-vis de la concurrence, la pandémie, l’inflation et les superprofits.

Bref, comme dans les années 1930, les quatre piliers de l’équilibre capitaliste connaissent une profonde remise en cause.

Le réveil nationaliste ou réveil politique ?

On l’a vu, dans La Grande Transformation, le fascisme est présenté comme une solution politique à un blocage institutionnel et économique. Le capitalisme financier a dégradé les conditions de travail des citoyens. La déception face à l’incapacité de la démocratie d’assouvir un besoin légitime de souveraineté a conduit à se tourner vers les fascistes qui proposaient un programme prétendument orthogonal avec les intérêts du grand capital. Si l’on suit Polanyi, l’on pourra expliquer le vote pour les partis nationalistes de droite sur le fondement de trois hypothèses : les classes défavorisées votent pour ces partis populistes après avoir voté pour des partis réformateurs ; des phénomènes de blocage de réformes financières et économiques ont choqué l’opinion ; le spectacle de l’impuissance de la démocratie nourrit le vote populiste. Autant de facteurs qui se retrouvent dans la conjoncture française.

Sur le premier point, on peut penser au renoncement de la révision des traités européens par François Hollande aboutissant à une forte hausse de la fiscalité sur les ménages. Le second point est illustré chaque jour par la lenteur, voire l’impossibilité des réformes européennes sur la fiscalité et sur l’harmonisation sociale. De ce point de vue, le premier quinquennat d’Emmanuel Macron est révélateur d’une grande inertie européenne : il a fallu la crise de la Covid pour que l’Union repense ses mécanismes de solidarité budgétaire et émette de la dette commune. Enfin, l’impuissance constatée des gouvernements successifs pour sauver les usines et les hauts fourneaux remis en cause par des stratégies mondialisées d’entreprises transnationales nuit à la crédibilité de la démocratie pour préserver les intérêts des classes populaires. Ainsi, la mode consistant à s’adonner au laissez-faire pour les multinationales et la préférence pour la taxation des pauvres immobiles génèrent une frustration populaire de plus en plus insoutenable, que symbolise par exemple le mouvement des Gilets Jaunes ou les grèves de 2022 au Royaume-Uni.

Quels enseignements ?

Plusieurs enseignements procèdent des parallèles que l’on peut faire entre notre époque et le début du XXème siècle.

Tout d’abord, la dangerosité politique de l’orthodoxie monétaire apparaît comme le premier enseignement de la lecture de La Grande transformation. À conserver des systèmes monétaires rigides qui ont des répercussions négatives sur la structure productive et qui empêchent de faire fonctionner le mécanisme de l’ajustement par les taux de change, l’on s’expose à une montée structurelle du taux de chômage à système social constant, de la précarité ou du sous-emploi. Or, un niveau de chômage, de précarité ou de sous-emploi notamment chez les jeunes, nourrit le fatalisme et le rejet des élites gouvernantes, en raison de la diffusion d’un sentiment de déclassement qui se répand chez les salariés et les employés de la classe moyenne et de la petite bourgeoisie. De ce point de vue, les annonces récentes de la Banque Centrale Européenne d’interrompre le programme Pandemic emergency purchase program (PEPP) qui avait permis aux États de faire face à la crise sanitaire « quoiqu’il en coûte » et de mettre un terme au programme Assets purchase program (APP), mis sur pied à partir de 2014 pour contrer la menace déflationniste qui s’était installée au cours de la décennie précédente, ne laissent rien présager de bon[22].

Ensuite, la dégradation objective de la condition salariale et l’aggravation corollaire du sentiment partagé de vulnérabilité sociale peuvent représenter de graves menaces pour les régimes politiques en place. Les politiques de flexibilisation du marché du travail comme le renforcement de la responsabilisation individuelle des chômeurs par l’activation des dépenses sociales, peuvent contribuer à désolidariser totalement de la démocratie une large part de la population de plus en plus précarisée. Le contexte d’absence de reprise franche de création d’emploi dans d’autres secteurs que la construction et l’intérim, qui sont les deux soupapes conjoncturelles de l’emploi, renforce le risque du chômage, dont une partie de plus en plus importante de la société devrait y être confrontée sous l’effet des destructions d’emploi causés par la « révolution numérique ». La multiplication des autoentrepreneurs et des radiations de Pôle Emploi en cette sortie de crise sanitaire risque de camoufler un monde du travail de plus en plus déstructuré. De ce point de vue, devant la menace de l’extrême droite, l’idée de faire campagne sur le thème de la retraite à 65 ans a quelque chose d’irresponsable de la part d’Emmanuel Macron : il crée les conditions d’une large coalition populaire contre l’injustice sociale et au profit de l’extrême droite. La troisième est l’ineptie, dans un contexte de concurrence entre les pays, de l’absence de régulation même fiscale, des flux internationaux des capitaux participent aux destructions de plus en plus nettes des structures productives industrielles de l’Europe de l’Ouest au profit d’une économie de la dette et des services.

Enfin, la rigidité du système financier et institutionnel en place vis-à-vis des alternatives comme la gauche de rupture avec le néolibéralisme risque de profiter à la fin à l’extrême droite. De même, la préférence des élites pour la réduction des libertés civiques et politiques au bénéfice du statu quo en matière de régulation des libertés économiques et financières menace à terme l’égalité des droits.

Que faire ?

À la toute fin de l’ouvrage, Karl Polanyi invite à dissocier liberté économique et liberté politique. La liberté politique peut justifier de brider la liberté économique par le recours à la régulation du marché ou à la protection des institutions de la société. Polanyi détaille en outre une piste d’espérance qu’il faut méditer. Face à toutes les difficultés générées par le capitalisme autorégulateur, la démocratie et le progrès social ne sont pas inéluctablement relégués aux oubliettes de l’histoire. L’exemple du New Deal de Delano Roosevelt témoigne qu’une action largement improvisée en faveur de l’amélioration des conditions sociales des travailleurs, d’une relance par les projets d’infrastructures et la création d’institutions de protection sociale peut être bénéfique pour l’économie et pour la démocratie. Pour qu’un tel sursaut soit salutaire, il doit assumer franchement la reprise en main de l’économie. La régulation qui assume la souveraineté protège non seulement la société du marché autorégulateur mais aussi la société des pulsions réactionnaires.


[1] Voir l’analyse du 21 avril 2022 de Jérôme Fourquet pour la Fondation Jean-Jaurès, qui actualise celle de son ouvrage de 2018 Le nouveau clivage, publié aux éditions du Cerf.

[2] Karl Polanyi, La Grande transformation, éditions Gallimard, Tel, p.63, 1983

[3] ibid. p.64

[4] Le système de sécurité collective connaît au cours des années 1930 des échecs retentissants. L’article 10 n’est pas immédiatement utilisé en 1931-1932 contre la conquête de la Mandchourie chinoise par le Japon, membre permanent du Conseil de la SDN. Condamnée ensuite, le Japon quitte la SDN en 1933. En 1935, l’agression de l’Italie contre l’Éthiopie, membre de la SDN depuis 1923, finit d’entamer la crédibilité de la SDN. La pression des petites et moyennes puissances poussent la France et le Royaume-Uni à se servir de l’article 16 du Pacte. Cependant, les sanctions économiques votées contre l’Italie sont peu efficaces, d’une part, du fait de la neutralité des États-Unis et d’autre part, parce que le pétrole et les produits stratégiques échappent à l’embargo. Ménagée par la France et le Royaume-Uni qui comptent sur l’appui italien contre l’Allemagne, en mai 1936, l’Italie décide d’annexer l’Éthiopie.

[5] Pierre Buhler, La puissance au XXIème siècle, p.496-497, CNRS éditions, coll. Biblis. Paris, 2014.

[6] Françis Fukuyama, La fin de l’histoire, Commentaire, 1989 n°3, page 457

[7] John Williamson, « What Washington means by policy reform », in John Williamson (dir.), Latin American Adjustment : How much has happened ?, Institute for International Economics, 1990

[8] Michel Aglietta et Virginie Coudert, Le dollar et le système monétaire international, La Découverte, 2014

[9] Joseph E. Stiglitz, Le Triomphe de la cupidité, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2010.

[10] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Tel Gallimard, Paris, 1999

[11] Jérémie Clément, La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral, 2020, Presses Universitaires de France

[12] Philippe Bezes, Réinventer l’Etat. Les réformes de l’administration française (1962-2008), PUF, coll. « le lien social », 2009

[13] Frédéric Farah (avec la collaboration d’Olivier Delorme), Fake State. L’impuissance organisée de l’État en France, H & O, Saint-Martin-de-Londres, 2020

[14] Badie, Bertrand, et Dominique Vidal. Fin du leadership américain ?L’état du monde 2020. La Découverte, 2019

[15] Organisation Mondiale du Commerce, Rapport sur le commerce mondial 2021, Résilience économique et concurrence.

[16] Aglietta, Michel. « Risque systémique et politique macroprudentielle : une nouvelle responsabilité des banques centrales », Revue d’économie financière, vol. 101, no. 1, 2011, pp. 193-204.

[17] Pour une analyse économique et marxiste : Gérard Duménil et Dominique Levy, Dettes souveraines : limites du traitement keynésien d’une crise structurelle, Actuel Marx, 2012.

[18] Voir l’analyse très riche de Gordon, The Rise and the Fall of the American Growth, 2016, Harvard University Press

[19] Des économistes du NBER ont montré que la capture par une faible proportion d’entreprise de la valeur ajoutée de l’innovation d’un secteur tend à se banaliser en lien avec l’économie numérique, faisant émerger des firmes superstars, David Autor

[20] Conseil d’orientation pour l’emploi, Les réformes du marché du travail en Europe, 2015

[21] Michaël Foessel, L’État de vigilance, critique de la banalité sécuritaire, Le Bord de l’eau, 2010.

[22] La BCE a-t-elle raison de mettre fin à ses programmes de rachats de dettes ?”, Tribune, par Liêm Hoang-Ngoc, Publié le 22/03/2022.

Adrien Madec

Politiste

Notes

[1] Voir l’analyse du 21 avril 2022 de Jérôme Fourquet pour la Fondation Jean-Jaurès, qui actualise celle de son ouvrage de 2018 Le nouveau clivage, publié aux éditions du Cerf.

[2] Karl Polanyi, La Grande transformation, éditions Gallimard, Tel, p.63, 1983

[3] ibid. p.64

[4] Le système de sécurité collective connaît au cours des années 1930 des échecs retentissants. L’article 10 n’est pas immédiatement utilisé en 1931-1932 contre la conquête de la Mandchourie chinoise par le Japon, membre permanent du Conseil de la SDN. Condamnée ensuite, le Japon quitte la SDN en 1933. En 1935, l’agression de l’Italie contre l’Éthiopie, membre de la SDN depuis 1923, finit d’entamer la crédibilité de la SDN. La pression des petites et moyennes puissances poussent la France et le Royaume-Uni à se servir de l’article 16 du Pacte. Cependant, les sanctions économiques votées contre l’Italie sont peu efficaces, d’une part, du fait de la neutralité des États-Unis et d’autre part, parce que le pétrole et les produits stratégiques échappent à l’embargo. Ménagée par la France et le Royaume-Uni qui comptent sur l’appui italien contre l’Allemagne, en mai 1936, l’Italie décide d’annexer l’Éthiopie.

[5] Pierre Buhler, La puissance au XXIème siècle, p.496-497, CNRS éditions, coll. Biblis. Paris, 2014.

[6] Françis Fukuyama, La fin de l’histoire, Commentaire, 1989 n°3, page 457

[7] John Williamson, « What Washington means by policy reform », in John Williamson (dir.), Latin American Adjustment : How much has happened ?, Institute for International Economics, 1990

[8] Michel Aglietta et Virginie Coudert, Le dollar et le système monétaire international, La Découverte, 2014

[9] Joseph E. Stiglitz, Le Triomphe de la cupidité, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2010.

[10] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Tel Gallimard, Paris, 1999

[11] Jérémie Clément, La fabrique des subjectivités en contexte néolibéral, 2020, Presses Universitaires de France

[12] Philippe Bezes, Réinventer l’Etat. Les réformes de l’administration française (1962-2008), PUF, coll. « le lien social », 2009

[13] Frédéric Farah (avec la collaboration d’Olivier Delorme), Fake State. L’impuissance organisée de l’État en France, H & O, Saint-Martin-de-Londres, 2020

[14] Badie, Bertrand, et Dominique Vidal. Fin du leadership américain ?L’état du monde 2020. La Découverte, 2019

[15] Organisation Mondiale du Commerce, Rapport sur le commerce mondial 2021, Résilience économique et concurrence.

[16] Aglietta, Michel. « Risque systémique et politique macroprudentielle : une nouvelle responsabilité des banques centrales », Revue d’économie financière, vol. 101, no. 1, 2011, pp. 193-204.

[17] Pour une analyse économique et marxiste : Gérard Duménil et Dominique Levy, Dettes souveraines : limites du traitement keynésien d’une crise structurelle, Actuel Marx, 2012.

[18] Voir l’analyse très riche de Gordon, The Rise and the Fall of the American Growth, 2016, Harvard University Press

[19] Des économistes du NBER ont montré que la capture par une faible proportion d’entreprise de la valeur ajoutée de l’innovation d’un secteur tend à se banaliser en lien avec l’économie numérique, faisant émerger des firmes superstars, David Autor

[20] Conseil d’orientation pour l’emploi, Les réformes du marché du travail en Europe, 2015

[21] Michaël Foessel, L’État de vigilance, critique de la banalité sécuritaire, Le Bord de l’eau, 2010.

[22] La BCE a-t-elle raison de mettre fin à ses programmes de rachats de dettes ?”, Tribune, par Liêm Hoang-Ngoc, Publié le 22/03/2022.