Littérature

Kerouac en canuck – à propos de Sur le chemin de Jack Kerouac

Écrivain

Sur le chemin, un texte de Jack Kerouac écrit en 1952, en cinq jours, à partir de ce qui peut apparaître comme la grande scène originelle de Sur la route (On the road), vient d’être publié en France. En français, ou plutôt en canuck – cette langue canadienne-française, parlée, phonétique, d’une puissance inouïe – il y revient sur sa rencontre à treize ans avec Neal Cassady.

Ce livre est exceptionnel. Il n’y a pas davantage de mode d’emploi que d’habitude pour y entrer. Mais il vaut mieux avoir une petite idée de ce à quoi on s’engage.

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Plus que jamais, il s’agit de plonger dans le grand bain sans être certain que l’on sait ou saura nager. On peut le dire autrement : ce roman est une prodigieuse flaque d’eau dans laquelle on est libre de sauter à pieds joints comme un enfant.

Sur le chemin a une place singulière dans la chronologie et le tempo de l’œuvre. Kerouac l’a écrit en décembre 1952, en cinq jours, à Mexico, sur la terrasse de l’appartement où Burroughs venait de tuer sa femme en se prenant pour Guillaume Tell. Il a donc déjà tapé le rouleau de Sur la route (On the road), en avril 1951, ce roman que la maison d’édition Viking Press ne publiera qu’en 1957, après des corrections en tous genres. Il vient même d’achever au début de ce mois de décembre une nouvelle version de Sur la route qui sera publiée après sa mort sous le titre Visions de Cody.

Il revient ici sur ce qui pourrait apparaître comme la grande scène originelle de On the road, ramassée en une centaine de pages. L’enfance des personnages en est le mobile. Kerouac a treize ans et il évoque/invente sa rencontre avec Neal Cassady durant guère plus de vingt-quatre heures, à New York, chacun arrivant avec son père en voiture depuis Denver et depuis Boston. Mais il y revient en français, ou plutôt en canuck, cette langue canadienne-française, parlée, phonétique, d’une puissance inouïe, à cheval (« à chwal ») sur au moins deux langues, le français et l’anglais, forcément mêlées. Il a grandi entre un français patois et un anglais des rues, avant des études qui lui ont donné une connaissance de la langue anglaise qui ne sera jamais ni sa langue maternelle ni une langue étrangère, comme si ces écrits en canuck étaient une sorte de langue propre, à l’instar de la phénoménologie qui parle de « corps propre ».

Pour le lire, le mieux est de se laisser porter. Il va de soi qu


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

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