Sortir du binarisme bioéthique
Alors que s’ouvrent les États généraux préalables à la révision des lois de bioéthique, il semble qu’un malentendu important en soit le point de départ, ambiguïté qu’on pourrait résumer de la manière suivante : dans le débat public, depuis de nombreuses années, les biotechnologies et en particulier celle du génome et de l’embryon, celles précisément qui seront l’objet de la prochaine loi, sont souvent présentées comme des purs dispositifs techniques sans histoire, souvent complexes, et qu’il conviendrait d’expliquer à l’« opinion publique » pour que celle-ci puisse, ainsi éclairée, en choisir un usage sage. Or pour le dire abruptement, rien n’est plus faux.
Loin de toute neutralité, les biotechnologies sont étymologiquement un logos, c’est à dire un langage ou plutôt ici un certain regard sur les rapports entre le vivant et la technique. Plus encore, ce regard a une histoire et des fondements épistémologiques qui passent trop souvent sous les radars et compromettent la solidité du débat éthique à leur propos. Intéressons-nous d’abord à leur histoire. Ici, il n’est pas fait référence à une généalogie naïve qui voudrait que les biotechnologies actuelles soient la simple continuation, par des moyens renouvelés, d’antiques ruptures civilisationnelles, signatures de notre espèce, comme la maîtrise de la fermentation, la sélection animale ou végétale, voire la médecine. Dans cette narration, les décrypteurs de génomes, les cloneurs d’embryons et les biologistes de synthèse d’aujourd’hui seraient les descendants contemporains de lointains pionniers, montés sur le tapis roulant de la modernité et profitant des progrès techniques réalisés ailleurs.
Notre espèce semble appelée à passer des compromis avec une puissance qui la dépasse et la menace.
Dans ce récit-là, le « progrès technique » tient le rôle d’une force non identifiée, subie, s’imposant aux chercheurs et, par onde de choc, à la société. Resterait à cette dernière à trouver les moyens d’en ralentir les