Immigration

Une histoire de droit d’asile

Sociologue

Avec la loi « Asile », le gouvernement affichait sa volonté de défendre un principe, un droit selon lui dévoyé et donc affaibli. Et lors du débat public, le droit d’asile fut résumé aux conditions matérielles, juridiques et politiques de son obtention. Comme si des « preuves » permettaient de juger de la légitimité de la demande d’asile. Ce n’est pas l’expérience de Smaïn Laacher relatée dans Croire à l’incroyable (Gallimard), le sociologue spécialiste de l’immigration et ancien juge assesseur à la Cour Nationale du Droit d’Asile qui insiste ici sur l’importance des récits et histoires individuelles.

C’est provisoirement terminé. Le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » a finalement été voté dimanche 22 avril vers 23h00 en première lecture par 228 voix contre 139 et 24 abstentions. Sans grande surprise il a été approuvé par la majorité LRM-MoDem et le groupe UDI-Agir-Indépendants. Les Républicains, toute la gauche – socialistes, communistes et « insoumis » – ainsi que les députés frontistes ont voté contre. Des dizaines d’heures de débats bien souvent idéologiques, des centaines d’amendements presque tous rejetés par le gouvernement, ont fait de cette semaine une semaine comme on en avait plus vue depuis longtemps [1].

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Dès les premières paroles du gouvernement présentant son futur projet de loi, la volonté du pouvoir d’État était clairement exposée : il faut restreindre les conditions de possibilité du « dévoiement » (argument brandi a chaque séance par la droite et l’extrême droite) du droit d’asile, et faire montre d’une virilité étatique en matière d’« éloignement » des étrangers en situation irrégulière et des déboutés du droit d’asile.

Quelques concessions à ce projet de loi ? Timides, mais qui sont bonnes à prendre diront certains, parmi lesquels se compte l’auteur de ces lignes. Il s’agit du fameux « délit de solidarité ». Certains députés de la majorité sont allés jusqu’à dire sur Twitter, tels Erwan Balanant (8e circonscription du Finistère) et Laetitia Avia (8e circonscription de Paris), que le « délit de solidarité » ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir antihumaniste. Grossière erreur de compréhension et de discernement. En face, la droite s’indignait bruyamment qu’une fois de plus la majorité et toute la gauche parlementaire en refusant de durcir cet article particulièrement controversé se faisait une fois de plus, par « angélisme idéologique » le « complice des passeurs ».

La vérité est la suivante : dimanche soir, lorsque les députés présents étaient sur le point d


[1] J’ai personnellement assisté à plusieurs séances de discussions à l’assemblée nationale dans la semaine du 16 au 22 avril.

[2] Article 19 ter (nouveau) :

L’article L.622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1°Au premier alinéa, après le mot : « aide », sont insérés les mots : « à la circulation où » ;

2° Le 3° est ainsi rédigé : « 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif. »

[3] Claude Romano, « À l’écoute du témoignage », Réception et usages des témoignages, sous la direction de F. Ch. Gaudard et M. Suarez, Éditions Universitaires du Sud, Toulouse, 2007.

 

Smaïn Laacher

Sociologue, Professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg

Rayonnages

SociétéMigrations

Notes

[1] J’ai personnellement assisté à plusieurs séances de discussions à l’assemblée nationale dans la semaine du 16 au 22 avril.

[2] Article 19 ter (nouveau) :

L’article L.622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1°Au premier alinéa, après le mot : « aide », sont insérés les mots : « à la circulation où » ;

2° Le 3° est ainsi rédigé : « 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif. »

[3] Claude Romano, « À l’écoute du témoignage », Réception et usages des témoignages, sous la direction de F. Ch. Gaudard et M. Suarez, Éditions Universitaires du Sud, Toulouse, 2007.