Antigone aurait été zadiste
Alors qu’Édouard Philippe annonce la reprise des expulsions à Notre-Dame-des-Landes (NDDL) pour le 14 mai, la question qui a animé les débats des éditorialistes comme des cercles familiaux se pose à nouveau : faut-il déloger les zadistes « illégaux » qui occupent les terrains qui appartiennent à l’État à NDDL ? Ce débat, polarisé par l’intervention violente des CRS pour « restaurer l’État de droit », oppose deux camps bien distincts autour d’une question centrale : la propriété, conçue tantôt comme un droit absolu du propriétaire sur sa chose, tantôt comme un droit relatif, nécessairement conditionné à l’usage qui en est fait et à sa possible convergence avec une certaine idée de l’intérêt général. Ainsi, les partisans des expulsions avancent que l’État fait un usage légitime de son droit de propriété en récupérant par la force la maîtrise de ces terrains dont il a le droit de jouir et disposer « de la manière la plus absolue », selon la formule consacrée de l’article 544 du Code Civil.
L’intervention dans la ZAD vise donc avant tout à défendre la propriété privée, et se justifie en outre par le fait que, si l’État, propriétaire par préemption des terrains, n’intervenait pas, cela créerait un dangereux précédent qui autoriserait tacitement tout un chacun à s’installer n’importe où et à réquisitionner tel ou tel autre terrain au prétexte de développer un nouveau projet de société. À l’appui de cette conception de la propriété privée, les défenseurs de l’ « ordre républicain » brandissent le spectre de l’anarchie généralisée, éventuellement doublé de la menace du : « cela pourrait aussi arriver dans votre jardin », afin de toucher la fibre propriétariste de leurs interlocuteurs.
Face à cet argumentaire, les partisans de la cause zadiste font valoir que le droit de propriété, loin d’être un droit naturel figé dans le marbre d’une table de loi immuable, est un droit conventionnel fondé sur l’usage, qui doit s’accorder avec l’intérêt général pour être légitime