De l’intérieur des murs – lettre d’Athènes
Chère L.,
Le hasard fait que je termine cette lettre le 21 août, jour marquant la fin officielle du programme de tutelle auquel la Grèce est soumise depuis plusieurs années. Je peux imaginer la façon dont politiques et journalistes salueront l’événement en France. Ici, la nouvelle a été effacée il y a quelques semaines par les incendies qui ont ravagé une zone résidentielle du bord de mer, faisant 96 morts. Sur l’île de Tínos, nous avons été avertis de l’incendie par une odeur de bois brûlé sur la mer. Nous avons appris le lendemain la disparition de C., que nous connaissions à peine mais qui nous avait quelques fois rendu visite au KET, l’espace de création théâtrale que nous avons fondé en 2012. Nous avons été soulagés lorsque Sotíris, dont la maison de campagne se trouve à quelques kilomètres du sinistre, a fini par répondre au téléphone. Le souvenir des incendies qui avaient en 2007 dévasté le Péloponnèse nous est revenu en mémoire. Avec l’assassinat d’Alèxandros Grigorópoulos, le 6 décembre 2008, et l’attaque à l’acide contre Konstantína Koúneva, représentante syndicale des employées du nettoyage, les incendies de 2007 font partie des premiers signes avant-coureurs de « la crise grecque ».
Combien de morts ont « fait » les programmes d’austérité ? Nous ne l’apprendrons jamais, car ils ne sont simplement pas comptables.
Tu m’as demandé récemment si je souhaitais participer aux rencontres autour de « l’Europe de la culture » que ton institut organise cet automne en Grèce. Cette lettre a pour objet de préciser les raisons pour lesquelles je ne le souhaite pas.
Le lieu choisi – un des plus beaux sites archéologiques de Grèce – me paraît en porte-à-faux par rapport au réel dont nous sommes témoins – celui des quartiers populaires, des aires de jeux désaffectées, des hôpitaux publics où on apprend un jour que tel service d’importance vitale (celui des transfusions sanguines) a fermé, que tel appareil ne marche plus (et qu’on en fera venir un de l’hôpital