Société

Les « Gilets Jaunes », et après?

Philosophe, Philosophe

Dans cet échange de mails, il est question du futur du mouvement des « Gilets Jaunes ». Quelle forme institutionnelle doit-on s’attendre à voir émerger de la part d’un mouvement composite et hostile au principe même de démocratie représentative ? Peut-être la question de « l’après » ne devrait-elle pas être posée en ces termes, et peut-être doit-on profiter de ce qui se joue en ce moment sous nos yeux : l’effort incroyable d’une classe sociale lésée pour redevenir à nouveau un sujet politique.

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Francis Wolff à Tristan Garcia
J’espère que tu vas bien. Personnellement, je suis déprimé par les événements politiques (le mouvement dit des « gilets jaunes »), dont je ne vois guère ce qui peut résulter de positif. Je suppose que tu ne réagis pas comme moi.

Tristan Garcia à Francis Wolff
Je suis plus indécis que toi : il n’en ressortira certainement rien de très bon, mais le mouvement, dans toute son ambiguïté, me semble aussi excitant : après des décennies de lutte réservée soit aux fonctionnaires, soit aux étudiants, soit aux « racisés » de banlieue, soit aux minorités sexuelles, un groupe qui nous semblait informe devient peut-être conscient de lui-même : la classe moyenne blanche appauvrie, périurbaine…
Je ne sais pas ce que ça donnera, mais on se plaignait tellement que seules « l’espèce » (je pense aux mouvements animalistes abolitionnistes), la « race », le « genre » soient encore des catégories politiques, que le simple fait de revoir des revendications de classe, parfois bien étayées (le rétablissement de l’ISF), est tout de même porteur d’espoir. Bien sûr, cela se fait à la manière du début du XXIe siècle : après la désyndicalisation complète (l’échec de la grève à la SNCF aura marqué la mort du syndicalisme français, je le crains), par agglomération erratique, au gré des réseaux sociaux, sans culture politique telle qu’on la connaissait au XXe siècle (A.G., mandats, représentants, etc.). Prions en tout cas pour ne pas récolter à la fin Cinq Etoiles ou Bolsonaro, bien sûr

Francis Wolff à Tristan Garcia
Je suis d’accord avec toi, c’est un mouvement inédit parce que c’est un mouvement social et même classiste (les « petits blancs » pauvres périurbains). Je disais seulement : « je ne vois pas ce qui peut en résulter de positif ». Il y a en effet deux manières de l’évaluer : du point de vue des principes (causes, motifs, etc.) ou du point de vue des conséquences (effets, résultats, etc.).
Du point de vue des principes, le mouvement est ambigu : d


Francis Wolff

Philosophe, Professeur émérite au département de philosophie de l'ENS-Ulm

Tristan Garcia

Philosophe, Maître de conférences à la faculté Lyon III

Mots-clés

Gilets jaunes