L’homme ne vit pas que de gasoil !
« Aux portes des boulangeries, comme aux portes de l’Assemblée, on parlait de la disette moins que du veto. »
Jules Michelet, Histoire de la révolution française I, livre III, Folio, p. 293 [1]
Ellipse de Michelet pour formuler le sens, à ses yeux, de l’émotion populaire devenue Révolution. L’écho aujourd’hui répond en remplaçant « disette » par « prix du gasoil » et « veto » par « démocratie ». L’historien-philosophe poursuit, à l’endroit des « socialistes » : « Étranges amis du peuple, que ceux qui, adoptant à l’aveuglette la tradition royaliste rabaisseraient ces luttes d’idées aux querelles de famine ! » « L’homme ne vit pas que de pain ! » La formule évangélique vaut surtout pour les périodes de rupture politique. Elle n’est pas devise d’un mouvement politique, si on entend par là une organisation instituée, plus ou moins distincte dans sa forme d’un parti (mais n’entrons pas dans de telles disputes byzantines) visant à prendre le pouvoir. Elle peut être le ferment du mouvement dans la politique, de la politique en mouvement.

D’où cette idée : c’est un peuple qui s’exprime, se met en mouvement, se configure et, s’il y a révolution (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) se constitue. Pas étonnant alors qu’il soit traversé de divisions, qu’il ne soit unifié sur un programme clair : un peuple n’est jamais homogène, pas même Un, mais toujours traversé de contradictions. Avec les gilets jaunes c’est un tremblement de ce genre dont il s’agit : une reconfiguration d’un peuple. C’est ainsi que l’on peut entendre le « refus de la politique » qui les anime : ils ne sont pas réductibles à un mouvement politique, mais mettent la politique en mouvement. L’affaire est plus profonde, même si elle tombe sur une impasse. Il faut le dire d’emblée pour éviter les faux procès qui tous ont pour point commun d’interroger le mouvement en cours avec les catégories des partis, mouvements ou alliances constitués.
Sans identifier 1789, 1848 et 2018, il peut être pertinent de faire appa