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Algérie : brève sociologie d’une deuxième révolution

Anthropologue

L’ampleur du mouvement qui a poussé le président Bouteflika à renoncer à briguer un nouveau mandat, un mouvement qui traverse toute l’Algérie et frappe par son auto-organisation pacifique témoigne d’un mûrissement citoyen et démocratique rarement mis en avant. Cette deuxième révolution ouvre une période de transition politique et d’incertitude, mais elle révèle surtout les limites du « système » politique en place, et les soubresauts d’une démocratie algérienne depuis longtemps en gestation.

« La mort du colonialisme est à la fois mort du colonisé et mort du colonisateur »
Frantz Fanon, Sociologie d’une révolution (L’an V de la révolution algérienne), 1959

 

Il y a exactement soixante ans de cela, Frantz Fanon publiait Sociologie d’une révolution, un essai important pour comprendre la révolution algérienne et surtout le basculement des consciences qui autorise le processus révolutionnaire.

Sa thèse centrale – La mort du colonialisme est à la fois mort du colonisé et mort du colonisateur – signifie que la révolution est un mécanisme dialectique : la fin d’une domination suppose conjointement la dé-légitimation de la doxa du dominant (« l’agonie lente mais certaine de la mentalité du colon », chez Fanon) et le refus du dominé de subir le joug de la domination (prise de conscience chez l’indigène). En outre, ce basculement n’est pas un surgissement ex-nihilo : on rappellera à titre d’exemple que 1945 (soulèvements de Sétif, Guelma) a précédé 1954 (déclenchement de la révolution algérienne).

Cette grille de lecture nous permet de saisir le moment événementiel que nous vivons actuellement en Algérie. Pour paraphraser Frantz Fanon, la thèse de ce court texte est la suivante : la mort du système, ou encore du régime algérien, est à la fois mort de la minorité qui en profite (celle qui accapare une bonne partie de la rente pétrolière en instrumentalisant la rente révolutionnaire) et mort de la majorité qui le subit (qui profite certes également de la rente, mais au bon vouloir de la première).

Il convient d’abord de préciser la nature de la dialectique du « système algérien ». Il serait, à ce propos, faux de voir le président Abdelaziz Bouteflika comme un dictateur, ou plus simplement comme un dirigeant autoritaire seulement attaché à conserver son fauteuil. Il serait erroné également de penser que les récentes révoltes contre sa candidature à un cinquième mandat constituent la démonstration du réveil citoyen et démocratique d’une Algérie jusqu’à récemment paralysée par la peur du retour à la décennie noire (90’s), période du terrorisme, waqt al-irhab (termes davantage utilisés en Algérie), guerre civile (expression davantage utilisée à l’extérieur), ou encore tragédie nationale (énoncé officiel du gouvernement algérien).

L’analyse du système politique algérien souffre souvent du cadre paradigmatique qui le sous-tend, et qui est celui utilisé régulièrement pour rendre compte de la plupart des pays du monde arabe et musulman. Entre autoritarisme du régime et danger de l’islamisme politique, avec comme seul horizon normatif celui de la démocratie représentative d’un côté et le chaos de l’autre, peu de place est laissée aux analyses alternatives du « système » politique algérien et des soubresauts d’une démocratie algérienne depuis longtemps en gestation.

Pour rendre compte de la spécificité du régime politique, sous Bouteflika, je préfère utiliser la métaphore de l’institution politico-religieuse de la zayiwa (historiquement et culturellement importante au Maghreb). J’expliquerai en outre, plus loin, en quoi les récentes révoltes s’inscrivent dans la continuité et se distinguent d’une multitude de soulèvements et de mouvements sociaux qui se sont déroulés en 1988 (octobre) et tout au long de ces deux dernières décennies. L’idée que je défends est que les événements récents témoignent d’un mûrissement (plutôt que d’un réveil) citoyen et démocratique – porté par une grande partie du peuple algérien, et de sa jeunesse en particulier (mort de la majorité qui subit le système) – et d’une profonde remise en cause d’un système politique en perte de légitimité (mort de la minorité qui en profite).

La zawiya Bouteflika

Les journalistes algériens se sont, l’année dernière, amusés de, et ont critiqué, ce drôle de rituel de célébration du président devant son portrait – et ce à l’occasion de divers événements. La chose est particulièrement singulière quand on sait que, contrairement à de nombreux pays autoritaires, la photo du chef de l’État n’est pas présente partout en Algérie. Le culte de la personnalité, par l’image, ne fait pas partie de la culture politique algérienne. Comment expliquer alors la chose ? Certes, la maladie du président et son invisibilité (deux ou trois sorties publiques dans l’année) amènent ses partisans à trouver quelques alternatives étonnantes.

Mais il faut trouver l’explication ailleurs. Ce rituel me fait penser, en fait, aux portraits de cheikhs de zawiyas ou confréries religieuses – à l’image de celui du cheikh Sidi Mohamed Belkebir d’Adrar – que l’on exhibe dans les salons de notables, dans l’arrière-pays (notamment dans les Hautes Plaines et au Sahara) [1]. La figure de ces cheikhs nous aide à comprendre celle de Bouteflika et par extension et métaphore ce que j’appelle la « zawiya Bouteflika ».

Malgré les critiques émises par ses opposants, et en dépit de sa maladie, il convient de rappeler que le président Abdelaziz Bouteflika bénéficie pour beaucoup d’Algériens d’une image fort respectable, à l’instar d’un cheikh vieillissant et fatigué mais faisant office de figure d’autorité. Ancien combattant (mujâhid), ancien ministre des affaires étrangères à une époque faste de l’Algérie (sous la présidence de Houari Boumediene), il est pour beaucoup d’Algériens celui qui a ramené la paix et la stabilité en Algérie, après son élection en avril 1999 [2].

Durant ses années de présidence, Bouteflika a su fédérer autour de lui plusieurs composantes des institutions algériennes : l’administration, les hauts fonctionnaires, l’armée, les partis de pouvoir comme le FLN, le RND, les autorités religieuses, les zawiyas, le syndicat UGTA, le FCE, etc. Dans une société où la légitimité révolutionnaire est encore souvent mobilisée, où l’islam est une composante fondamentale, et où l’État est omniprésent (laissant peu de place aux initiatives privées), il incarne une figure respectée, une autorité légitime pour de nombreux algériens adeptes de la « zawiya Bouteflika » : cette dernière étant composée de membres des institutions précédemment citées et de leurs affiliés. Comme le cheikh de zawiya, il fédère de nombreux disciples. Il les fédère autour de son image de mujahîd et d’homme d’État dont la parole a compté en Algérie et au-delà, d’abord en tant que ministre des affaires étrangères, puis dans la première décennie de sa présidence [3].

Mais comme dans la zawiya le cheikh, s’il est la figure de la respectabilité, est toutefois assisté par de nombreux muqaddam, responsables, qui veillent à la fois à garder leur rang et à maintenir la renommée, la richesse de la zawiya, de ses antennes et de sa clientèle. Ces muqaddam, bénéficiant de la baraka, du prestige du cheikh, composés de proches parents et de disciples s’abritant sous le nom du maître, sont, de fait, les détenteurs des différents pouvoirs qui s’exercent en son nom [4].

Cette métaphore de la zawiya nous permet de comprendre la spécificité du régime de Bouteflika. Il ne s’agit pas seulement d’un clan ou d’une caste (comme cela est dit souvent), mais d’un pouvoir organisé en réseau, avec des relais (dans les institutions et au dehors), une idéologie, des ancrages territoriaux et, n’en déplaise à certains, une réelle base populaire. On saisit, ainsi mieux, pourquoi l’armée et le département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) – dont certains s’amusent à dire qu’il s’agit du vrai pouvoir en Algérie [5] – se trouvent dans l’incapacité de trouver un successeur à ce dernier. C’est que dans la zawiya de Bouteflika, comme dans toute zawiya, seul le nom du cheikh fait consensus ! C’est d’ailleurs cette idée de consensus – ijma‘ –, dans les milieux autorisés, qui fait bien souvent politiquement sens en Algérie. L’âge et la respectabilité y participent [6].

Ainsi, la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat illustrait l’incapacité du système, de la « zawiya Bouteflika », à se trouver un successeur « légitime » selon ses propres standards et ceux par lesquels le régime s’est jusqu’à présent conservé au pouvoir : aucun homme politique actuellement dans le sérail ne dispose à la fois de la légitimité révolutionnaire et étatique, comme ce fut le cas de Bouteflika ; par ailleurs le FLN a perdu depuis de nombreuses années (progressivement depuis la fin du parti unique) son droit de préemption sur la révolution. La tentative d’imposer un cinquième mandat, en dépit de l’incapacité de l’actuel président, est la preuve flagrante qu’il n’y a plus de légitimité révolutionnaire au sein de la minorité qui l’a instrumentalisé.

Mais le régime n’est pas le tout de l’Algérie – ce vaste pays, majoritairement jeune (en juin 2018, 54% de la population avait moins de 30 ans), où la population vit davantage qu’auparavant en contexte urbain.

Le mûrissement démocratique algérien (ou la mort de la majorité qui subit)

Celles et ceux qui connaissent la société algérienne savent que la démocratie – sous sa forme « cause toujours » par opposition à la dictature « ferme ta gueule » – est un fait acquis depuis les révoltes d’octobre 1988 et le combat mené à la suite par la presse algérienne. Comme tout acquis, il fait parfois l’objet d’attaques de la part de certains groupes, mais il faut admettre que la parole en Algérie est assez libre. Les Algériens y sont définitivement attachés. Toutefois, cette liberté dès qu’elle tente de s’organiser – sous la forme d’associations, de mouvements citoyens, ou via les réseaux sociaux – est régulièrement mise à mal par les pharisiens attachés au pouvoir en place.

Si la liberté de parole, la critique de la société, du pouvoir, des inégalités, de la mauvaise gestion et de la corruption qui gangrène le pays, existent en Algérie, amplifiées ces dernières années par les messages de jeunes youtubeurs talentueux, à l’image d’Anes Tina [7] et Dzjoker [8], très regardés par la jeune génération [9], beaucoup d’Algériens savent également que seule la mobilisation populaire paye (c’est le sens même du message révolutionnaire tant exalté en Algérie).

J’ai évoqué octobre 1988, mais il faudrait ajouter les printemps berbère (1980) et noir (2001) et les soulèvements réguliers qui ont eu lieu ces deux dernières décennies, dans différentes villes du pays – pour la reconnaissance de la culture amazigh (Kabylie), contre les répressions policières (en Kabylie, au Sahara, dans plusieurs grandes villes, comme à Laghouat en novembre 2005), pour l’égalité, la dignité et le travail (comme au Sahara en mai 2004), contre le chômage, pour l’accès aux logements sociaux dans plusieurs villes du pays, contre le gaz de schiste (comme à Ain Salah), ou encore des mouvements sociaux dans des secteurs, tels l’éducation, la santé, les retraités de l’armée, etc.

En vérité, en Algérie, il ne se passe pas une année sans qu’il y ait plusieurs révoltes et mouvements sociaux. Chérif Bennadji titrait déjà dans la revue de l’Année du Maghreb de 2011, un article au titre symptomatique : « Algérie 2010 : l’année des mille et une émeutes »[10].

C’est en prenant en compte cette réalité politique algérienne qu’il convient d’analyser les récentes révoltes non pas comme un réveil, mais comme un mûrissement démocratique d’une société, et en particulier de sa jeunesse. Il faut ici préciser que les mobilisations ne sont pas contre la personne même de Bouteflika (les slogans « Bouteflika dégage » sont assez rares) mais contre le cinquième mandat et pour la fin d’un système, du régime et de son appropriation de l’Algérie – comme en attestent les slogans davantage utilisés : « système dégage », « pouvoir dégage », « non au cinquième mandat », « libérez l’Algérie », « un seul héros, le peuple », « L’Algérie, libre et démocratique ». Les manifestants ont ainsi conscience que ce régime n’a comme seule légitimité à faire valoir que le nom de Bouteflika et s’accroche corps et âmes à ce vieil homme malade.

L’ampleur de ce mouvement – qui traverse toute l’Algérie –, son auto-organisation pacifique et d’autres slogans très largement repris – salmiyâ (pacifique), hadariyâ (civilité/civilisé) – témoignent de ce mûrissement citoyen et démocratique, mais aussi du caractère particulièrement important de cette séquence historique. Les mesures adressées par les autorités pour éviter les dérives répressives – tout comme le message présidentiel appelant à une conférence nationale pour mettre en place le changement de régime demandé, avant de finalement renoncer à sa réélection – suggèrent ainsi, me semble-t-il, une certaine prise de conscience y compris au sein de la « zawiya Bouteflika » que le jardin (les fruits) est (sont) définitivement mûr(s)/prêt – « Tab djnanû » (discours de Bouteflika à Setif, en mai 2012).

La mort de la majorité qui subit semble ainsi être largement actée comme le suggère également le ralliement aux manifestants d’icônes de la révolution (Djamila Bourihed et Zohra Drif-Bitat notamment), de personnalités politiques et anciens hauts fonctionnaires [11], de syndicats, de corps professionnels (avocats, enseignants, etc.), de l’association nationale des moudjahidines, en même temps que se fissurent certaines bases du pouvoir (démission au sein du FLN, mouvements au sein de l’UGTA et du FCE). Le basculement des consciences qui autorise le deuxième processus révolutionnaire algérien semble donc définitivement en cours.

On ne peut présager de l’avenir de cette séquence qui revêt déjà un caractère historique (ce n’est pas le rôle du chercheur). On ne peut qu’espérer l’évitement de la violence et des affrontements, que cette prise de conscience au niveau du pouvoir et que cette maturité politique, en particulier de la jeunesse, amèneront l’Algérie à ne pas sombrer à nouveau dans le chaos. L’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : dans lesdites démocraties, comme ailleurs, seule la mobilisation populaire et massive paye véritablement et amène à de substantiels changements.

Lundi 10 mars au soir : on m’a demandé, il y a quelques années de cela, quels pouvaient être les potentiels ‘successeurs’ d’Abdelaziz Bouteflika. Alors que les rumeurs donnaient les noms d’Ahmed Ouyahia ou de Saïd Bouteflika, j’avais pour ma part estimé que cela serait plus sérieusement un homme politique issu de la « branche civile » de l’État algérien (et non un militaire), dont les compétences sont reconnues et à la stature internationale ; et que cela pouvait être en conséquence Lakhdar Brahimi ou Ramtane Lamamra (plus jeune). J’apprends aujourd’hui que Bouteflika renonce au 5eme mandat (ce qui était prévisible). Lamamra est nommé vice premier ministre et Brahimi serait apparemment le futur président de la conférence nationale censée organiser la transition politique et préparer les nouvelles élections. Il est probable que Lamamra soit candidat pour la prochaine élection. Quant à la nature de la transition, elle dépendra, en partie, de la composition des organisateurs de la conférence nationale dont le mandat devrait être complété avant la fin 2019 et, en contrepoint, de la mobilisation populaire et citoyenne qui accompagnera ce processus. 

 


[1] La pratique n’est pas réservée aux cheikhs de zawiya. Les portraits de l’émir ‘Abd al-Qâdir ou d’autres figures tutélaires sont également mobilisés dans les cercles politiques et militants … même Matoub Lounes est devenu une effigie politique.

[2] On mentionnera ici le rôle joué également par Liamine Zeroual entre 1994 et 1999.

[3] Du moins jusqu’en 2012 et son fameux discours de Sétif (8 mai) « Tab djnanû » – « notre jardin est mûr/prêt », dans lequel il expliquait que le temps était venu de laisser la place à la nouvelle génération.

[4] On comprend sous cet angle la portée symbolique de la tentative de retour à la vie politique de Chakib Khelil, ancien ministre de l’énergie, accusé de corruption. Après un exil aux USA, il revint en 2016 et 2017 en Algérie en visitant certaines zawiyas.

[5] C’est une théorie à laquelle je ne souscris pas. Il est vrai pour autant que l’armée est une institution importante en Algérie – elle a effectivement repris le pouvoir durant la période du Haut Comité d’État (1992-1994) et sous la présidence du Général Liamine Zéroual (1994-1999), et elle conserve un rôle d’arbitre aux yeux de nombreux Algériens, y compris des opposants politiques, à l’image d’Abderrazak Makri, président du MSP, appelant l’an dernier l’armée à mettre en place une « transition politique »

[6] On rappellera que c’est ainsi que le Colonel Chadli Bendjedid fut choisi comme président pour succéder à Boumediene. Il avait à l’époque le grade le plus élevé et il était le plus ancien dans la hiérarchie militaire.

[7] https://www.youtube.com/watch?v=UvE73kS7LG8 (rani za‘fan/ je suis en colère : une critique acerbe de la mauvaise gestion et de la prédation des élites au détriment du peuple) ; https://www.youtube.com/watch?v=-baB-0ByRQ4 (No, you can’t : témoignage, interpellation du président afin qu’il ne se représente pas pour le cinquième mandat).

[8] https://www.youtube.com/watch?v=tcqvHqbQV94 (mansawtish/ jeu de mot signifiant à la fois ne pas sauter et ne pas donner sa voix, sawt, en somme ne pas voter, pour ne pas légitimer ainsi un système qui méprise sa population) ; https://www.youtube.com/watch?v=yXqDYbnmBsU (clash, véhémente critique contre ennahar, chaine de télévision privée créée en 2012 et proche du pouvoir).

[9] Leurs vidéos ont été vus par des millions d’Algériens. rani za‘fan d’Anes Tina et mansawtish de Dzjoker comptabilisent plus de 14 millions de vues chacune ; clash, la critique contre ennahar dépasse les 10 millions. L’impact de ces vidéos est énorme rapporté à la population algérienne (42 millions environ) et compte tenu du fait qu’elles sont en arabe algérien (dans sa variante algéroise), et donc compréhensible essentiellement par les Algériens (et une partie du Maghreb).

[10] Il convient ici de souligner l’importance des formes locales du politique qui, parce qu’elles sont locales, sont trop peu considérées comme politiques.

[11] A l’instar d’Idriss Jazairy, qui fut conseiller sous la présidence de Houari Boumediene, et ambassadeur, et qui est actuellement rapporteur spécial du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies,  https://www.liberte-algerie.com/actualite/lhistoire-de-lalgerie-a-toujours-ete-ecrite-par-sa-jeunesse-311100

Yazid Ben Hounet

Anthropologue, Chargé de recherche au CNRS-Laboratoire d'Anthropologie Sociale

Notes

[1] La pratique n’est pas réservée aux cheikhs de zawiya. Les portraits de l’émir ‘Abd al-Qâdir ou d’autres figures tutélaires sont également mobilisés dans les cercles politiques et militants … même Matoub Lounes est devenu une effigie politique.

[2] On mentionnera ici le rôle joué également par Liamine Zeroual entre 1994 et 1999.

[3] Du moins jusqu’en 2012 et son fameux discours de Sétif (8 mai) « Tab djnanû » – « notre jardin est mûr/prêt », dans lequel il expliquait que le temps était venu de laisser la place à la nouvelle génération.

[4] On comprend sous cet angle la portée symbolique de la tentative de retour à la vie politique de Chakib Khelil, ancien ministre de l’énergie, accusé de corruption. Après un exil aux USA, il revint en 2016 et 2017 en Algérie en visitant certaines zawiyas.

[5] C’est une théorie à laquelle je ne souscris pas. Il est vrai pour autant que l’armée est une institution importante en Algérie – elle a effectivement repris le pouvoir durant la période du Haut Comité d’État (1992-1994) et sous la présidence du Général Liamine Zéroual (1994-1999), et elle conserve un rôle d’arbitre aux yeux de nombreux Algériens, y compris des opposants politiques, à l’image d’Abderrazak Makri, président du MSP, appelant l’an dernier l’armée à mettre en place une « transition politique »

[6] On rappellera que c’est ainsi que le Colonel Chadli Bendjedid fut choisi comme président pour succéder à Boumediene. Il avait à l’époque le grade le plus élevé et il était le plus ancien dans la hiérarchie militaire.

[7] https://www.youtube.com/watch?v=UvE73kS7LG8 (rani za‘fan/ je suis en colère : une critique acerbe de la mauvaise gestion et de la prédation des élites au détriment du peuple) ; https://www.youtube.com/watch?v=-baB-0ByRQ4 (No, you can’t : témoignage, interpellation du président afin qu’il ne se représente pas pour le cinquième mandat).

[8] https://www.youtube.com/watch?v=tcqvHqbQV94 (mansawtish/ jeu de mot signifiant à la fois ne pas sauter et ne pas donner sa voix, sawt, en somme ne pas voter, pour ne pas légitimer ainsi un système qui méprise sa population) ; https://www.youtube.com/watch?v=yXqDYbnmBsU (clash, véhémente critique contre ennahar, chaine de télévision privée créée en 2012 et proche du pouvoir).

[9] Leurs vidéos ont été vus par des millions d’Algériens. rani za‘fan d’Anes Tina et mansawtish de Dzjoker comptabilisent plus de 14 millions de vues chacune ; clash, la critique contre ennahar dépasse les 10 millions. L’impact de ces vidéos est énorme rapporté à la population algérienne (42 millions environ) et compte tenu du fait qu’elles sont en arabe algérien (dans sa variante algéroise), et donc compréhensible essentiellement par les Algériens (et une partie du Maghreb).

[10] Il convient ici de souligner l’importance des formes locales du politique qui, parce qu’elles sont locales, sont trop peu considérées comme politiques.

[11] A l’instar d’Idriss Jazairy, qui fut conseiller sous la présidence de Houari Boumediene, et ambassadeur, et qui est actuellement rapporteur spécial du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies,  https://www.liberte-algerie.com/actualite/lhistoire-de-lalgerie-a-toujours-ete-ecrite-par-sa-jeunesse-311100