Enseignement supérieur

Université, sombre bilan

économiste

Deux ans après le début du mandat, le Premier Ministre a annoncé une « loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche » dont l’information essentielle est… qu’il n’y aura pas d’accroissement majeur des financements de l’université en 2020. Alors que l’effort financier consacré à l’enseignement supérieur est beaucoup plus faible en France qu’il ne l’est en moyenne pour les pays de l’OCDE, les universités françaises seront (de nouveau) les mal-aimées budgétaires pour ce quinquennat.

Depuis des décennies, l’enseignement supérieur partage avec la recherche la joie et le privilège de faire l’objet de déclarations d’amour enflammées de la part de tous les gouvernements et du (ou de la) ministre en charge du secteur, à chaque fois que reviennent les discussions budgétaires. Pourtant, dans un article publié ici, et dédié aux financements de la recherche française (ou à son sous-financement, devrions-nous dire), nous avons montré qu’entre les déclarations d’amour et les preuves d’amour, la distance est immense, concluant ainsi tristement notre texte : « bien sûr, le président de la République, ses Ministres et ses soutiens peuvent toujours trouver des chiffres qui permettent de masquer la triste réalité des laboratoires de recherche et du quotidien des chercheurs (…). Certains peuvent les croire comme d’autres peuvent toujours rêver d’amour, quand ils n’en ont que les promesses… »[1]

Qu’en est-il pour l’université et l’enseignement supérieur ? Sont-ils soumis aux mêmes effrois des promesses sans lendemain ou bénéficient-ils d’un véritable engagement ?

La question est loin d’être anecdotique car, comme pour la recherche, les arguments qui plaident en faveur d’un tel engagement sont multiples et solides, souvent consensuels, tant dans le milieu politique que parmi les économistes. Allons vite, vous les connaissez et vous les avez mille fois entendus. Puisque ce secteur concerne au premier plan la jeunesse, il ne s’agit donc pas moins que de l’avenir de notre pays. Et si certains soulignent qu’assurer la transition écologique et la transformation de notre modèle de consommation et de production nécessite des compétences et des qualifications nouvelles, d’autres notent son rôle majeur dans le dynamisme économique, la compétitivité et l’emploi ou mettent en lumière les conséquences sur le travail de la révolution technologique et la polarisation du marché du travail.

Pour les uns, le rayonnement international de notre pays est en jeu, quand d’autres rappe


[1] Référence à une déclaration de Valérie Pécresse à l’Assemblée nationale, le 10 février 2009, lors du grand mouvement de protestation des universitaires : « Il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour et des preuves à la communauté universitaire, nous en donnons tous les jours. »

[2] La loi dite « Edgard Faure » de 1968, celle dite « Savary » de 1984, la Loi sur la recherche de 1999, la réforme LMD de 2004 et la Loi de programmation sur la recherche de 2006.

[3] Un autre facteur a également joué un rôle : l’inscription dans les universités des étudiants en CPGE (les classes préparatoires) renforcée par la loi de 2013, dite loi Fioraso.

[4] Même si la part de l’université décroît, au profit notamment de l’enseignement supérieur privé, elle reste très élevée nous l’avons vu, et subie donc elle aussi, étant donnée son poids, cet accroissement considérable des effectifs étudiants. Ainsi que cela apparaissait dans une note du Ministère de 2017 : « Concentré sur quelques années, l’afflux d’étudiants à l’université a été massif : hors doubles inscriptions en CPGE, les effectifs à l’université ont augmenté de 9,6% en 5 ans – soit 137 700 étudiants supplémentaires – contre +3,8% (soit +52 900 étudiants) durant la période quinquennale précédente. »

[5] Quatre facteurs principaux se sont combinés pour produire une telle évolution : l’autonomie de gestion dévolue aux universités lors de la LRU et qui s’est traduit par un transfert des services du ministère vers les établissements universitaires de certaines tâches administratives, l’apparition de nouvelles institutions (PRES puis COMUEs, mais aussi toutes celles créées par les Investissements d’Avenir : Idex, Labex, Idefi, etc.) qui sont venues se surajouter à celles déjà nombreuses qui caractérisaient le paysage institutionnel français, les modifications du financement de la recherche par un recours systématique aux appels à projet, la dévolution de nouvelles missions aux universités, sans compter la multiplication des stages

Isabelle This Saint-Jean

économiste, Professeure à l'université Sorbonne Paris-Nord

Notes

[1] Référence à une déclaration de Valérie Pécresse à l’Assemblée nationale, le 10 février 2009, lors du grand mouvement de protestation des universitaires : « Il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour et des preuves à la communauté universitaire, nous en donnons tous les jours. »

[2] La loi dite « Edgard Faure » de 1968, celle dite « Savary » de 1984, la Loi sur la recherche de 1999, la réforme LMD de 2004 et la Loi de programmation sur la recherche de 2006.

[3] Un autre facteur a également joué un rôle : l’inscription dans les universités des étudiants en CPGE (les classes préparatoires) renforcée par la loi de 2013, dite loi Fioraso.

[4] Même si la part de l’université décroît, au profit notamment de l’enseignement supérieur privé, elle reste très élevée nous l’avons vu, et subie donc elle aussi, étant donnée son poids, cet accroissement considérable des effectifs étudiants. Ainsi que cela apparaissait dans une note du Ministère de 2017 : « Concentré sur quelques années, l’afflux d’étudiants à l’université a été massif : hors doubles inscriptions en CPGE, les effectifs à l’université ont augmenté de 9,6% en 5 ans – soit 137 700 étudiants supplémentaires – contre +3,8% (soit +52 900 étudiants) durant la période quinquennale précédente. »

[5] Quatre facteurs principaux se sont combinés pour produire une telle évolution : l’autonomie de gestion dévolue aux universités lors de la LRU et qui s’est traduit par un transfert des services du ministère vers les établissements universitaires de certaines tâches administratives, l’apparition de nouvelles institutions (PRES puis COMUEs, mais aussi toutes celles créées par les Investissements d’Avenir : Idex, Labex, Idefi, etc.) qui sont venues se surajouter à celles déjà nombreuses qui caractérisaient le paysage institutionnel français, les modifications du financement de la recherche par un recours systématique aux appels à projet, la dévolution de nouvelles missions aux universités, sans compter la multiplication des stages