Recherche

Amour et preuves d’amour dans la recherche

économiste

Le 1er février, à l’occasion des 80 ans du CNRS, le Premier ministre a enfin annoncé une « loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche ». Mais pour… 2021 ! Et, en attendant, la France se classe au dixième rang des pays de l’OCDE s’agissant des dépenses de recherche. La conséquence la plus préoccupante de cette absence de financement concerne l’emploi : entre 2008 et 2016, les recrutements des principaux organismes de recherche ont baissé de 38 %.

Gagnons du temps. Ne reprenons pas les innombrables arguments qui plaident en faveur du financement de la recherche.

Vous les connaissez probablement. De même que vous savez vraisemblablement qu’en général, ils sont accompagnés de mots immenses et magnifiques comme « émancipation », « Lumières », « frontières des connaissances » qu’il s’agit de « repousser », « avenir du pays ».

Vous n’ignorez pas non plus que la recherche est présentée comme une condition indispensable, de la transition écologique pour les uns, de la compétitivité, de l’emploi et de la croissance pour les autres, et de progrès dans le domaine de la santé, pour tous. L’ « impérieuse nécessité » de « faire barrage aux fake-news » est venue récemment, avec « la bataille de l’intelligence artificielle », compléter la longue liste des arguments mobilisés dans les vibrants plaidoyers de la cause de la recherche et de son financement.

Cause qui, il faut le souligner, réussit d’ailleurs l’exploit de faire la quasi-unanimité dans le paysage politique, tous les gouvernements, depuis des décennies, entonnant le refrain de la « priorité » — autre tour de force, elle parvient presque à faire l’union sacrée parmi mes collègues économistes.

Comment dès lors ne pas se réjouir de l’annonce faite par le Premier ministre, le 1er février,  à l’occasion des 80 ans du CNRS. Rien de moins qu’une « loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche ». Devant une telle nouvelle, passée pourtant presque inaperçue dans la crise politique et démocratique dans laquelle le gouvernement a conduit le pays, la première réaction serait de s’écrier « Enfin ! ». Certes, les plus critiques diront d’emblée qu’attendre près de deux ans pour faire un exercice que l’on aurait pu imaginer lancé en début de mandat est un peu « étonnant ». Mais, admettons : et mieux vaut tard que jamais.

Et puis, on y regarde de plus près. Et là, difficile de ne pas décolérer.

Car que nous annonce-t-on véritablement ? En fait, des promesses. Et encore, pas pour tout de suite, mais pour 2021. Oui 2021. Dans deux ans. Un an avant la fin du quinquennat. La principale information de cette  annonce est donc en réalité qu’il n’y aura pas d’accroissement majeur des financements en 2020. Mais pourquoi différer ? Bien sûr, le Premier ministre a un argument : la constitution de groupes de travail, traduisant la nécessité d’élaborer cette loi dans la « concertation » et le « dialogue ». Sauf que là, franchement, la communauté scientifique et universitaire a déjà donné[1]. Les scientifiques ne veulent plus de « déclarations d’amour », ils veulent des « preuves d’amour »[2] !

Regardons donc les « preuves d’amour » qui auraient été réellement données à la recherche. Pour cela, l’indicateur principal qu’il faut analyser est ce que l’on appelle « l’effort de recherche ». Il est défini comme étant la part de la dépense intérieure en Recherche & Développement (ou DIRD[3]) dans le produit intérieur brut (PIB) ; on le calcule en fait assez simplement en faisant le rapport entre ces deux chiffres : les dépenses de recherche et le PIB. C’est cet indicateur qui permet à la fois d’observer les évolutions dans le temps, dans la mesure où pour la recherche publique les périmètres budgétaires ont fluctué, mais aussi d’établir des comparatifs internationaux du financement de la recherche.

Depuis le début des années 2000, la France s’est constamment fixé comme ambition d’atteindre l’objectif de 3 % pour cet effort de recherche. Autrement dit, de consacrer 3 % de son PIB aux dépenses de recherches, que celles-ci soient publiques ou privées. Or, devinez ce que l’on constate lorsque l’on regarde ce chiffre ? Pour l’année 2018 nous devrions atteindre à peine 2, 20 %. Raté donc ! Toutefois un chiffre n’ayant  en soit jamais beaucoup de signification, observons son évolution.

On voit alors que l’effort de recherche était analogue en 2017 : aucune progression donc. Et si l’on remonte à 2016, on constate même un recul, puisque l’effort de recherche était de 2,25. Et en 2015 ? Encore raté : 2,27. Mais ne vous inquiétez pas, si l’on en croit le gouvernement, ce chiffre devrait s’améliorer en 2019 et à nouveau en 2020 ; restons modeste toutefois – même dans les promesses – puisqu’ils devraient être de 2,25 et 2,3. Très loin des 3 % donc. Et cela dure depuis longtemps ; en effet, depuis 1984, nous fluctuons entre un minimum de 2,02 (en 2007) et de 2,32 (atteint en 1993).

Concernant les dépenses de recherches, la France est en 10ème position des pays de l’OCDE et systématiquement sous la moyenne des pays de tête, et ce, depuis l’année 2000. Année après année le retard se creuse.

Mais peut-être penserez-vous que c’est simplement parce que cet objectif n’était pas réaliste. Penchons-nous donc sur les comparatifs internationaux. On constate alors que non seulement cet objectif est atteint dans d’autres pays – et même largement dépassé par certains (y compris Européens) – mais qu’en outre nous sommes loin du groupe de tête formé par Israël (4,25 %), la Corée (4,23 %), la Suède (3,25 %), le Japon (3,14 %) ou l’Autriche (3,09 %) ; loin aussi de l’Allemagne (2,93 %) ou des USA (2,74 %). Nous sommes en 10e position des pays de l’OCDE et systématiquement sous la moyenne de ces pays, et ce, depuis l’année 2000 (sauf en 2002).

Année après année le retard se creuse donc. Mais vous pouvez, si vous le souhaitez, vous rassurer en vous disant que nous sommes en cinquième position si l’on regarde le montant en euros de la dépense intérieure de recherches (la DIRD). Quand un indicateur vous gêne, changez-en !

Certes, on a pu constater sur la période 2007-2014, une très légère amélioration, on passe en effet de 2,02 à 2,28. Mais pour la comprendre, il faut tenir compte de la crise de la fin des années 2000 et de son impact sur le PIB et donc presque mécaniquement sur l’« effort de recherche ». En effet, un ralentissement de la croissance (du PIB) se traduit, si les dépenses ne baissent pas, par une augmentation de l’effort financière des laboratoires de recherche…

À l’inverse une reprise économique, sans accroissement forts des dépenses, se traduit par une baisse de l’effort de recherche : et c’est effectivement ce qui apparaît depuis 2015.

Par ailleurs, pour comprendre ces évolutions récentes, il faut également entrer un peu dans le détail et analyser séparément l’évolution des dépenses publiques d’une part et privées de l’autre.[4] En ce qui concerne les premières, on constate alors que la part des dépenses publiques de recherche rapportée au PIB s’élève pour la dernière année où ce chiffre est disponible – 2017 – à 0,77.

Et surtout qu’il est d’une constance qui, par comparaison, fait de la Belgique, une région de haute montagne ; depuis 2000, ce chiffre varie très faiblement, autour de 0,8 % — avec un minimum à 0,77 en 2007 et un maximum isolé à 0,88 en 2009, ce dernier point s’expliquant par la croissance négative du PIB cette année-là (-2%). En termes de classement, on fait un bond « spectaculaire » (je blague), puisque l’on est cette fois au-dessus de la moyenne OCDE, en 8e position pour l’année 2015, dernière année où le classement est disponible[5].

Toutefois, je vais tout de suite doucher votre enthousiasme naissant : l’objectif ici maintes fois affiché était d’atteindre 1 %. C’est donc là encore raté. Et depuis 2014, il baisse (les chiffres qui sont donnés par le Ministère MESRI sont les suivants : 2014 : 0,83 ; 2015 : 0,79 ; 2016 : 0,78 ; 2017 : 0,77) ! Vous le comprenez aisément, dans de tels chiffres, pas réellement de traduction concrète des grandes déclarations d’amour faites au monde de la recherche[6].

Si l’on étudie à présent la part des dépenses privées, un double constat s’impose. Premièrement, avec 1,42 % en 2017, on voit que l’on est à la fois très loin de l’objectif de 2 % affiché depuis de nombreuses années[7], et qu’en termes de classement des pays de l’OCDE, la situation est encore plus préoccupante que pour l’effort global puisque, avec une 13e position en 2015, nous sommes nettement sous la moyenne de ces pays (1,45 en 2015).

Deuxièmement, on doit toutefois admettre que la situation s’est plutôt améliorée depuis 2000[8], même si depuis 2015, on constate un nouveau recul (et qu’en termes de classement, nous reculons puisque nous étions en 10ème position au début du siècle, avec même une 7ème position en 2002). Cette amélioration observée est généralement attribuée aux aides directes et aux mesures fiscales que les gouvernements successifs ont mises en place afin de tenter d’améliorer la faiblesse des dépenses privées de recherche qui caractérise notre pays : l’OCDE les chiffre actuellement à près de 0,4 % du PIB.

Le dispositif le plus important de très loin est le « crédit impôt recherche » (CIR) qui s’élève aujourd’hui à 6,1 milliards d’euros en 2017[9]. Ce dispositif a fait couler beaucoup d’encre et a été l’objet de nombreux rapports[10]. Il a été au cœur de multiples débats parlementaires et a suscité d’innombrables critiques et contestations, notamment au sein de la communauté scientifique. Cette dernière reproche à ce qui constitue en fait l’une des principales « niches fiscales », à la fois son manque d’évaluation sérieuse, son coût, son inefficacité et les fraudes (ou en termes plus policés les « effets d’aubaine ») qu’il autorise.

Sans entrer ici dans ce débat, contentons-nous simplement de rappeler que ces sommes très conséquentes (puisqu’elles représentent pas loin de la moitié des crédits affectés à la recherche dans le budget de l’État, 15 milliards en 2018), indépendamment même de leur efficacité[11], ne constituent en aucun cas des financements pour la recherche publique.

« Certes, direz-vous peut-être, tout cela est peut-être vrai, mais n’est-ce pas la marque de “l’ancien monde” ? Dans le “nouveau”, notre jeune et fringuant Président nous a promis les “nouvelles Lumières françaises ”. La situation a sûrement changé et j’ai d’ailleurs entendu que le budget de la recherche avait augmenté. » Regardons donc ce qu’il en est.

Le défaut de l’indicateur de « l’effort de recherche » avec lequel nous raisonnions jusqu’à présent (ou l’avantage si l’on est au gouvernement…), notamment dans sa décomposition entre le public et le privé, est qu’il n’est jamais disponible dans les toutes dernières années, celles qui permettent de voir si, derrière les promesses d’un gouvernement, il y a de réelles preuves d’amour. Pour saisir la réalité de la situation de la recherche, il faut alors analyser d’autres chiffres : les budgets de la recherche alloués chaque année dans le budget de l’État.[12][13]

Remontons depuis 2015 pour pouvoir saisir les évolutions. Les chiffres sont les suivants : en 2015, 13,80 milliards d’euros étaient consacré à la recherche dans la loi de finances (on raisonne ici en crédits de paiement CP), en 2016, ce fut 14,04 milliards, 14,30 milliards en 2017, 14,83 milliards en 2018 et 15,16 milliards en 2019.

« Vous voyez bien, ça augmente ! », diront les zélateurs zélés de notre Président. On a notamment une croissance de 3,7 % pour 2018 et de 2,2 % pour 2019 (après 1,74 % pour 2016 et 1,85 % pour 2017). Certes, mais sans être trop cruelle (et sans même s’arrêter au fait que cet effort semble se ralentir dès la deuxième année), rappelons simplement quelques éléments factuels.

D’une part, ces années correspondent à un relatif retour de la croissance du PIB après des années de crise : 1,2 % en 2017, 2,3 % en 2018 et 1,5 % en 2019. Aussi, la croissance de  l’« effort de recherche » pour les dépenses publiques sera mécaniquement moindre que cette croissance du budget (et c’est effectivement ce que l’on observe sur la période 2014-2017).[14]

D’autre part, elle correspondent également pour les deux dernières années écoulées à un retour de l’inflation : 0 % en 2015, 0,2 en 2016, 1,0 en 2017 et 1,8 en 2018. Ce qui, même en gelant le point d’indice et donc les salaires des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur public, se traduit par moins de dépenses réelles pour la recherche.

Par ailleurs, entre les promesses – même inscrites dans un budget – et la réalité, viennent parfois se loger des mécanismes bien connus de tous les familiers des exercices budgétaires : ainsi la hausse prévue initialement en 2018 a-t-elle été amputée de 350 millions d’euros en cours d’année à la suite de l’application de ce que l’on appelle le « taux de réserve » sur les crédits de la recherche ! Ça calme ! Et je vous passe les effets des évolutions contraintes de la masse salariale,[15] les sommes nécessaires pour compenser la hausse de la CSG, celles dédiées aux organisations et aux projets européens et internationaux, sans même parler de l’effort souhaité par le gouvernement pour l’Agence Nationale de Recherche[16].

Ce manque structurel de financement dont souffre la recherche française publique, et ce nous l’avons vu depuis des années, est encore aggravé par plusieurs facteurs différents.

Mentionnons en premier lieu, le coût des équipements scientifiques (en particulier ce que l’on appelle le « lourd » ou le « mi-lourd ») qui s’est fortement accru, phénomène renforcé par la pression de la concurrence internationale qui contraint les équipes à avoir le matériel le plus récent et le plus performant.

En second lieu, la révolution numérique s’est produite également dans les laboratoires de recherches et a, là aussi, généré des besoins financiers supplémentaires (notamment en centre de calculs et de stockage de données). Par ailleurs l’état de trop des bâtiments et d’infrastructures de recherche est indigne d’un pays comme le nôtre et sidère les scientifiques étrangers qui coopèrent avec les chercheurs français.[17]

Et comment ne pas mentionner également la demande adressée par les gouvernements successifs d’un accroissement des activités de valorisation, de transfert et de recherche appliquée qui, à périmètre financier et humain constant, se traduit donc nécessairement par un rétrécissement de la place allouée à la recherche fondamentale et donc à terme par une fragilisation de l’ensemble de l’activité de recherche.

A tout cela il faut rajouter aussi l’impact du choc démographique que connaissent depuis plusieurs années les universités et qui nécessairement pèse sur la disponibilité pour faire de la recherche des universitaires et la perte de temps qu’ont suscité à la fois la mise en place de réformes (en particulier Parcoursup), des regroupements d’établissements, les réponses aux multiples appels à projets –notamment ceux dits des Investissement d’Avenir –, comme à leurs évaluations.

La conséquence probablement la plus préoccupante de cette situation financière concerne l’emploi. Faute de financement, tant les organismes de recherche que les universités ne parviennent plus à recruter des jeunes chercheurs.

On assiste ainsi sidérés à une baisse de 38% entre 2008 et 2016 des recrutements dans les principaux organismes de recherche et à une baisse de 35 % sur la même période des recrutement de Maîtres de conférences (qui sont des « enseignants-chercheurs », c’est-à-dire à la fois enseignants et chercheurs).[18]

Quand vous savez par ailleurs que l’âge de recrutement moyen est de 34 ans pour les chercheurs et Maîtres de conférences, 36 pour les ingénieurs de recherche.[19] Que les places sont devenues tellement rares qu’il y a en moyenne 22 candidats par poste pour les chargés de recherches dans les organismes et 36 pour les Maitres de conférences (pour des gens qui, en plus du Doctorat, Bac +8, ont en réalité souvent déjà fait l’objet d’une première présélection avec le processus de qualification). Que vous rajoutez des niveaux de salaires qui correspondent, selon un rapport de la Cour des comptes de 2011, à une rémunération totale inférieure de plus de 21 000 euros par rapport à des postes équivalents de catégorie A+ de la fonction publique. Que le doctorat, en grande part en raison du rôle joué par les grandes écoles dans l’enseignement supérieur français, n’a absolument pas auprès des entreprises françaises, la reconnaissance qu’il a partout ailleurs dans le monde.

Vous comprenez alors qu’il y a alerte rouge sur l’attractivité de la recherche française. Or la recherche, comme l’enseignement supérieur, ce sont avant tout des hommes et des femmes. Nous sacrifions donc actuellement, et depuis plusieurs années, une génération entière de jeunes chercheurs.

Alors bien sûr, le président de la République, ses Ministres et ses soutiens peuvent toujours trouver des chiffres qui permettent de masquer la triste réalité des laboratoires de recherche et du quotidien des chercheurs et nous vanter encore une fois « la nette revalorisation des crédits alloués à la recherche »[21]. Certains peuvent les croire comme d’autres peuvent toujours rêver d’amour, quand ils n’en ont que les promesses…

 


[1] Faut-il en effet lui  rappeler que le grand mouvement des chercheurs de 2004, celui qui avait vu la naissance de Sauvons la Recherche, avait correspondu à des « États généraux de la recherche » ; pendant des mois, la communauté scientifique s’était alors fortement mobilisée pour dessiner des propositions de politique de recherche. Puis, après la politique désastreuse de Nicolas Sarkozy qui avait débouché en 2009 sur un autre grand mouvement de protestation (cette fois davantage porté par les universitaires), vint 2012, suivi par les « Assisses de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Il y eu ensuite les recommandations des STRANES, SNR, celles du « livre blanc » de 2017 ; je vous passe les explications des sigles, là encore gagnons du temps, puisque les conclusions auxquelles ils arrivèrent d’un indispensable effort majeur dans le financement de la recherche – après bien sûr de longues concertations – … ne furent jamais réellement suivi d’effet ! Vous comprenez donc que de la concertation aujourd’hui, la communauté scientifique soit un peu lasse. Et ce d’autant qu’au cours de la même période, les politiques menées ont systématiquement affaibli la collégialité dans les établissement universitaires et de recherche.

[2] Cette expression avait été utilisée par Valérie Pécresse, alors Ministre de la recherche, au plus fort de la contestation dont sa politique faisait l’objet et alors qu’elle jonglait avec des milliards qui… malheureusement, nous en avons la preuve désormais aujourd’hui ne se sont jamais posés, ni sur la recherche, ni sur l’université.

[3] Qui correspond à la somme des moyens financiers nationaux et étrangers pour des travaux de R&D exécutés sur le territoire national.

[4] On parle alors de la DIRDE,  les dépenses de R&D des entreprises et DIRDA, les dépenses de R&D des administrations, c’est-à-dire les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. Attention, il faut souligner que si l’on cherche les « preuves d’amour » d’un gouvernement, on ne peut se contenter de regarder uniquement la première composante. En effet, il existe des dispositifs de soutien à la recherche privée, le CIR (crédit impôt recherche) étant le principal, nous y reviendrons.

[5] Le classement OCDE porte sur la DIRD financée par l’État.

[6]  Bien sûr la DRIDA, dont nous parlons ici, ne correspond pas à la part consacrée par l’État à la recherche dans son budget, puisqu’il s’agit de dépenses des administrations et que les sources de financement de ces dépenses publiques, peuvent avoir d’autres origines, essentiellement l’Europe et les collectivités territoriales. Toutefois, son évolution (ou plus exactement son absence d’évolution) est un bon indicateur de l’action réelle de l’État dans le secteur de la recherche (puisque les autres sources de financement varient peu). L’autre indicateur plus précis de l’engagement de l’État, le budget de la MIRES (voir infra), ne permet pas d’étudier les évolutions dans le long terme, dans la mesure où les périmètres des différentes annexes budgétaires ont subi des modifications importantes. Ce fut notamment le cas lors du quinquennat Sarkozy et cela constitua l’un des tours de passe-passe utilisés par les gouvernements de ce dernier (et notamment par la ministre de la recherche de l’époque, Valérie Pécresse) pour jouer à des jeux de bonneteau assez impressionnants, faisant ainsi planer les milliards au dessus de la recherche et de l’enseignement supérieur, sans qu’ils ne se posent jamais, comme les chiffres le montrent clairement aujourd’hui.

[7] Depuis la stratégie de Lisbonne.

[8] Alors que nous étions régulièrement sous la barre de 1,1 dans les années 2000, on la franchit en 2009, pour passer au dessus de 1,2 à partir de 2011. En fait, lorsque l’on tient compte du ralentissement de la croissance économique lié à la crise (c’est-à-dire, rappelons-le à une croissance moindre du PIB), on constate que l’augmentation se fait essentiellement dans les années 2008-2014.

[9]  Créé en 1984, il a connu de multiples évolutions qui l’ont rendu de plus en plus intéressant pour les entreprises, notamment en 2008. Selon la Cour des Comptes, « Le crédit d’impôt recherche français est aujourd’hui le mécanisme de soutien fiscal à la recherche et développement des entreprises le plus généreux de l’OCDE si l’on rapporte son montant au PIB (0,26 %), loin devant le Canada qui occupe la deuxième place ».

[10]  Outre le rapport de la Cour des Comptes, on peut mentionner celui fait par le sénateur Michel Berson en 2012 ; les notes que la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin a rendu disponibles en 2015 (en raison de la non-publication d’un rapport dont elle était rapporteur) ; plus récemment, le rapport (N°1303 tome IV) du député Pierre Henriet sur le projet de loi de finances de 2019.

[11]  Si Sarah Guillou et Evens Salies, dans leur note de l’OFCE ( n°55/17) de décembre 2015, « Le crédit impôt recherche en débat » (p. 14)  restent prudents mais affirment toutefois que « L’enjeu du débat est (…) celui de son rendement relativement à sa générosité. Le coût d’opportunité du CIR doit continuer d’être politiquement interrogé ». Evens Salies dans un article ultérieur est plus positif. La Cour des Comptes est en revanche beaucoup plus critique : « L’évolution qu’a connue la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises n’est pas à ce jour en proportion de l’avantage fiscal accordé aux entreprises ». Constat qui reste valable aujourd’hui.

[12]  Chiffres qui présentent un double inconvénient (d’où le recours à l’indicateur d’effort de recherche) : d’une part, ils ne permettent pas d’étudier, ainsi que je l’ai déjà dit, les évolutions dans le long terme, d’autre part, ils ne permettent pas les comparatifs internationaux. En outre, en ne considérant que le budget de l’État, on ne saisit pas les autres sources de financement de la recherche publique, qui sont essentiellement l’Europe et les collectivités territoriales, et dans une moindre mesure les fondations.

[13]  On trouve ces chiffres dans les lois de finances, derrière un acronyme, « la  MIRES » : « Mission Interministérielle Recherche et Enseignement supérieur ». La MIRES regroupe tous les crédits alloués par l’État à la fois à la recherche mais aussi à l’enseignement supérieur ; il faut donc ensuite rentrer dans le détail pour saisir ce qui relève plus spécifiquement de la recherche et identifier ce que l’on appelle le « périmètre recherche de la MIRES ». Sans vouloir trop vous perdre dans les détails, la MIRES se décompose en 9  « programmes » différents (eux-mêmes décomposés en « actions ») : cinq d’entre eux sont intégralement dédiés à la recherche (172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », 193 « Recherche spatiale », 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable », 191 « Recherche duale (civile et militaire) », 186 « Recherche culturelle et culture scientifique »). Deux lui sont partiellement dédiés : le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »  et le programme 145 « Enseignement supérieur et recherche agricole ». Ce à quoi il faut ajouter l’action 17 (recherche) du programme 150 « « Formation supérieure et recherche universitaire ». (Un dernier programme de la MIRES, le 231, est quant à lui dédié à la « Vie étudiante » et ne concerne donc pas la recherche.) Voir : Loi de finances 2016, Loi de finances 2017, loi de finances 2018loi de finances 2019. 

[14]  En effet, le numérateur du rapport qui permet de calculer l’effort de recherche augmente certes, mais le dénominateur aussi.

[15]  Le fameux GVT (Glissement Vieillissement Technicité) qui correspond au fait que la masse salariale augmente mécaniquement avec l’ancienneté et les progressions dans les carrières.

[16]  L’ANR est une agence qui finance la recherche par appel à projet. Les critiques à l’égard de ce mode de financement de la recherche (perte de temps, systématisation de la concurrence, fragilisation des laboratoires, biais de réputation, difficulté de tenir compte du temps long de la recherche et difficulté pour financer la recherche fondamentale, etc.) avait conduit lors du quinquennat précédent à une baisse du budget de l’ANR. Cette baisse, jointe à la faiblesse des financements dits « récurrents » des laboratoire, s’est du coup traduite par des taux de sélection des dossiers aux alentours de 10 %, profondément décourageants et chronophage pour les chercheurs. C’est particulièrement vrai pour les jeunes recrutés : plus de 75 % des 20 000 recrutés depuis 10 ans n’ont jamais eu de financement ANR.

[17]  Et l’une des grandes sources de financement de construction immobilière ou de la réhabilitation des bâtiments de recherche (comme d’enseignement supérieur), les CPER (Contrat de plan État-Région) qui mobilisait en partie des moyens des Régions s’est, sinon tarie, du moins très fortement réduite.

[18]  Ce qui signifie qu’en attendant un très hypothétique recrutement les jeunes cumulent les postes en CDD et les situations précaires. Cette situation de l’emploi, jointe aux économies que permet l’embauche de personnels non-titulaires à des établissement en grande difficulté financière, s’est traduit par un accroissement considérables des CDD dans la recherche et l’enseignement supérieur.

[19] Comme le fait par exemple le rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale qui nous explique sans rire que « la nette revalorisation des crédits alloués à la recherche sur les deux dernières années se traduit par une remontée de la part de la recherche au sein du budget général, qui atteint 4,6 % dans le présent budget », oubliant par exemple de rappeler qu’en 2016, ce chiffre était encore de 4,65 % et même de 4,92 % en 2011. Depuis 2011, ce taux a évolué ainsi : 4,92 %, 4,78 %, 4,70 %, 4,51 %, 4,66 %, 4,65 %, 4,49 %, 4,54 %, 4,61 %.

Isabelle This Saint-Jean

économiste, Professeure à l'université Sorbonne Paris-Nord

Notes

[1] Faut-il en effet lui  rappeler que le grand mouvement des chercheurs de 2004, celui qui avait vu la naissance de Sauvons la Recherche, avait correspondu à des « États généraux de la recherche » ; pendant des mois, la communauté scientifique s’était alors fortement mobilisée pour dessiner des propositions de politique de recherche. Puis, après la politique désastreuse de Nicolas Sarkozy qui avait débouché en 2009 sur un autre grand mouvement de protestation (cette fois davantage porté par les universitaires), vint 2012, suivi par les « Assisses de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Il y eu ensuite les recommandations des STRANES, SNR, celles du « livre blanc » de 2017 ; je vous passe les explications des sigles, là encore gagnons du temps, puisque les conclusions auxquelles ils arrivèrent d’un indispensable effort majeur dans le financement de la recherche – après bien sûr de longues concertations – … ne furent jamais réellement suivi d’effet ! Vous comprenez donc que de la concertation aujourd’hui, la communauté scientifique soit un peu lasse. Et ce d’autant qu’au cours de la même période, les politiques menées ont systématiquement affaibli la collégialité dans les établissement universitaires et de recherche.

[2] Cette expression avait été utilisée par Valérie Pécresse, alors Ministre de la recherche, au plus fort de la contestation dont sa politique faisait l’objet et alors qu’elle jonglait avec des milliards qui… malheureusement, nous en avons la preuve désormais aujourd’hui ne se sont jamais posés, ni sur la recherche, ni sur l’université.

[3] Qui correspond à la somme des moyens financiers nationaux et étrangers pour des travaux de R&D exécutés sur le territoire national.

[4] On parle alors de la DIRDE,  les dépenses de R&D des entreprises et DIRDA, les dépenses de R&D des administrations, c’est-à-dire les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. Attention, il faut souligner que si l’on cherche les « preuves d’amour » d’un gouvernement, on ne peut se contenter de regarder uniquement la première composante. En effet, il existe des dispositifs de soutien à la recherche privée, le CIR (crédit impôt recherche) étant le principal, nous y reviendrons.

[5] Le classement OCDE porte sur la DIRD financée par l’État.

[6]  Bien sûr la DRIDA, dont nous parlons ici, ne correspond pas à la part consacrée par l’État à la recherche dans son budget, puisqu’il s’agit de dépenses des administrations et que les sources de financement de ces dépenses publiques, peuvent avoir d’autres origines, essentiellement l’Europe et les collectivités territoriales. Toutefois, son évolution (ou plus exactement son absence d’évolution) est un bon indicateur de l’action réelle de l’État dans le secteur de la recherche (puisque les autres sources de financement varient peu). L’autre indicateur plus précis de l’engagement de l’État, le budget de la MIRES (voir infra), ne permet pas d’étudier les évolutions dans le long terme, dans la mesure où les périmètres des différentes annexes budgétaires ont subi des modifications importantes. Ce fut notamment le cas lors du quinquennat Sarkozy et cela constitua l’un des tours de passe-passe utilisés par les gouvernements de ce dernier (et notamment par la ministre de la recherche de l’époque, Valérie Pécresse) pour jouer à des jeux de bonneteau assez impressionnants, faisant ainsi planer les milliards au dessus de la recherche et de l’enseignement supérieur, sans qu’ils ne se posent jamais, comme les chiffres le montrent clairement aujourd’hui.

[7] Depuis la stratégie de Lisbonne.

[8] Alors que nous étions régulièrement sous la barre de 1,1 dans les années 2000, on la franchit en 2009, pour passer au dessus de 1,2 à partir de 2011. En fait, lorsque l’on tient compte du ralentissement de la croissance économique lié à la crise (c’est-à-dire, rappelons-le à une croissance moindre du PIB), on constate que l’augmentation se fait essentiellement dans les années 2008-2014.

[9]  Créé en 1984, il a connu de multiples évolutions qui l’ont rendu de plus en plus intéressant pour les entreprises, notamment en 2008. Selon la Cour des Comptes, « Le crédit d’impôt recherche français est aujourd’hui le mécanisme de soutien fiscal à la recherche et développement des entreprises le plus généreux de l’OCDE si l’on rapporte son montant au PIB (0,26 %), loin devant le Canada qui occupe la deuxième place ».

[10]  Outre le rapport de la Cour des Comptes, on peut mentionner celui fait par le sénateur Michel Berson en 2012 ; les notes que la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin a rendu disponibles en 2015 (en raison de la non-publication d’un rapport dont elle était rapporteur) ; plus récemment, le rapport (N°1303 tome IV) du député Pierre Henriet sur le projet de loi de finances de 2019.

[11]  Si Sarah Guillou et Evens Salies, dans leur note de l’OFCE ( n°55/17) de décembre 2015, « Le crédit impôt recherche en débat » (p. 14)  restent prudents mais affirment toutefois que « L’enjeu du débat est (…) celui de son rendement relativement à sa générosité. Le coût d’opportunité du CIR doit continuer d’être politiquement interrogé ». Evens Salies dans un article ultérieur est plus positif. La Cour des Comptes est en revanche beaucoup plus critique : « L’évolution qu’a connue la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises n’est pas à ce jour en proportion de l’avantage fiscal accordé aux entreprises ». Constat qui reste valable aujourd’hui.

[12]  Chiffres qui présentent un double inconvénient (d’où le recours à l’indicateur d’effort de recherche) : d’une part, ils ne permettent pas d’étudier, ainsi que je l’ai déjà dit, les évolutions dans le long terme, d’autre part, ils ne permettent pas les comparatifs internationaux. En outre, en ne considérant que le budget de l’État, on ne saisit pas les autres sources de financement de la recherche publique, qui sont essentiellement l’Europe et les collectivités territoriales, et dans une moindre mesure les fondations.

[13]  On trouve ces chiffres dans les lois de finances, derrière un acronyme, « la  MIRES » : « Mission Interministérielle Recherche et Enseignement supérieur ». La MIRES regroupe tous les crédits alloués par l’État à la fois à la recherche mais aussi à l’enseignement supérieur ; il faut donc ensuite rentrer dans le détail pour saisir ce qui relève plus spécifiquement de la recherche et identifier ce que l’on appelle le « périmètre recherche de la MIRES ». Sans vouloir trop vous perdre dans les détails, la MIRES se décompose en 9  « programmes » différents (eux-mêmes décomposés en « actions ») : cinq d’entre eux sont intégralement dédiés à la recherche (172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », 193 « Recherche spatiale », 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable », 191 « Recherche duale (civile et militaire) », 186 « Recherche culturelle et culture scientifique »). Deux lui sont partiellement dédiés : le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »  et le programme 145 « Enseignement supérieur et recherche agricole ». Ce à quoi il faut ajouter l’action 17 (recherche) du programme 150 « « Formation supérieure et recherche universitaire ». (Un dernier programme de la MIRES, le 231, est quant à lui dédié à la « Vie étudiante » et ne concerne donc pas la recherche.) Voir : Loi de finances 2016, Loi de finances 2017, loi de finances 2018loi de finances 2019. 

[14]  En effet, le numérateur du rapport qui permet de calculer l’effort de recherche augmente certes, mais le dénominateur aussi.

[15]  Le fameux GVT (Glissement Vieillissement Technicité) qui correspond au fait que la masse salariale augmente mécaniquement avec l’ancienneté et les progressions dans les carrières.

[16]  L’ANR est une agence qui finance la recherche par appel à projet. Les critiques à l’égard de ce mode de financement de la recherche (perte de temps, systématisation de la concurrence, fragilisation des laboratoires, biais de réputation, difficulté de tenir compte du temps long de la recherche et difficulté pour financer la recherche fondamentale, etc.) avait conduit lors du quinquennat précédent à une baisse du budget de l’ANR. Cette baisse, jointe à la faiblesse des financements dits « récurrents » des laboratoire, s’est du coup traduite par des taux de sélection des dossiers aux alentours de 10 %, profondément décourageants et chronophage pour les chercheurs. C’est particulièrement vrai pour les jeunes recrutés : plus de 75 % des 20 000 recrutés depuis 10 ans n’ont jamais eu de financement ANR.

[17]  Et l’une des grandes sources de financement de construction immobilière ou de la réhabilitation des bâtiments de recherche (comme d’enseignement supérieur), les CPER (Contrat de plan État-Région) qui mobilisait en partie des moyens des Régions s’est, sinon tarie, du moins très fortement réduite.

[18]  Ce qui signifie qu’en attendant un très hypothétique recrutement les jeunes cumulent les postes en CDD et les situations précaires. Cette situation de l’emploi, jointe aux économies que permet l’embauche de personnels non-titulaires à des établissement en grande difficulté financière, s’est traduit par un accroissement considérables des CDD dans la recherche et l’enseignement supérieur.

[19] Comme le fait par exemple le rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale qui nous explique sans rire que « la nette revalorisation des crédits alloués à la recherche sur les deux dernières années se traduit par une remontée de la part de la recherche au sein du budget général, qui atteint 4,6 % dans le présent budget », oubliant par exemple de rappeler qu’en 2016, ce chiffre était encore de 4,65 % et même de 4,92 % en 2011. Depuis 2011, ce taux a évolué ainsi : 4,92 %, 4,78 %, 4,70 %, 4,51 %, 4,66 %, 4,65 %, 4,49 %, 4,54 %, 4,61 %.