Ne pas être vivant, le devenir
Attendre d’un biologiste qu’il aide à comprendre ce que veut dire « être vivant » semble la moindre des choses. Le vivant est supposé être son territoire, son champ d’observation, sa légitimité. Pourtant, l’affaire est moins simple que ce qu’il n’y paraît.
Tout d’abord, parce qu’ « être vivant » est avant tout, quand on y pense à la première personne, une question existentielle, qui se fonde sur une expérience intime, un ressenti unique. Rien ne permet de dire que ce que chacun ressent comme une forme de vitalité propre soit comparable. Le biologiste, lui, est à peu près en mesure, et c’est un travail de longue haleine, de trouver un plus petit dénominateur commun entre tous les vivants, de la bactérie au séquoia, en passant par l’homme. Mais est-ce vraiment dans cet universel que se trouve une réponse utile pour qui veut comprendre ce qu’il y a d’original et d’exceptionnel, mais aussi de singulier, dans le fait de se sentir vivant ? Savoir que nous sommes tous faits de cellules, que nous sommes tous constitués de protéines, de lipides, d’acides nucléiques, ou que nous partageons tous un code génétique universel nous permet-il d’y voir plus clair ?
Et encore, nous ne parlons ici que de la vie biologique. Mais reconnaissons que la vie est partout, du moins notre langage la voit partout. Les objets ont une durée de vie, les idées vivent et meurent, et même des fleuves sont désormais considérés, sur le plan juridique, comme vivants, ce qui permet de leur conférer une protection. Rappeler cela, ce n’est pas jouer sur les mots, mais respecter que dans ce que nous appelons spontanément vie, il y a un univers beaucoup plus vaste que ce que les biologistes peuvent modestement prendre en charge. Ces derniers sont-ils, cependant, condamnés à n’être que des dissecteurs, c’est à dire à réduire le vivant en briques élémentaires, que ce soit les molécules qui le constituent, ou à une autre échelle les espèces sagement ordonnées dans une classification universelle ?
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