International

« Depuis quand les Blancs meurent donc comme des mouches ? »

Écrivain

Si l’Europe cumule aujourd’hui près de 175 000 décès liés au coronavirus, l’Afrique reste relativement épargnée. Un certain quidam commente cette actualité scabreuse depuis Douala autour d’une bière avec des acolytes agréés en intempérance éthylique, et s’étonne alors de l’hécatombe : « Depuis quand les Blancs meurent donc comme des mouches, tara ? ». Sans se douter qu’il fait ainsi écho à Michel Serres érigeant l’état sanitaire de l’humanité actuelle en ligne de partage absolument radicale : « Sous les basses latitudes, voici les mortels à qui la tradition réserve le noble nom d’hommes ; voilà aux hautes les immortels qui ne cessent de sucer la boisson d’ambroisie ».

Parisiens et Parisiennes iront-ils donc encore demain à Rungis dès potron-minet faire des emplettes de produits frais sans avoir un furtif frisson rétrospectif, sachant qu’un hangar y a été réquisitionné pour servir provisoirement de morgue ? La croisière létale du Covid-19 sur le théâtre de la frénésie altricielle n’en finit pas de semer la pagaille tous azimuts. Concernant l’origine de l’agent pathogène, une sommité nobelisée en est venue à indexer un incident de manipulation génétique. Les études sur l’étiologie de l’infection se succèdent en se contredisant.

publicité

Des chercheurs évoquent désormais la piste d’une fixation déficiente de l’oxygène par l’hémoglobine pour expliquer la détresse respiratoire : le virus ne s’attaquerait pas directement aux poumons. Empirisme et scientisme se querellent autour de l’administration de la chloroquine, pis que des chiffonniers.

On se croirait presque dans la cour d’un jardin d’enfants. Avec des éclats de voix acerbes et un camp de teigneux s’accrochant mordicus au dogme positiviste, contre un électron libre et plutôt haut en couleurs, qui lui le botte en touche sans recul. Les méthodistes, dirais-je ici, sur lesquels planent des soupçons de connivence avec le lobby envahissant et actif de Big Pharma, alors que sont en sursis de mort par suffocation plusieurs dizaines de milliers de vies sur la planète. Dans la tour d’ivoire et le champ des sciences humaines, les habituelles controverses sémantiques refont surface : crise ou catastrophe, comment donc proprement désigner cet événement si disruptif ?

Tellement que le WTI (l’index de référence du brut texan) a plongé dans une zone négative. Se retrouvant avec des stocks considérables de pétrole extrait du schiste sur les bras, les courtiers sont prêts à payer pour en être débarrassés, faute de demande tarie soudain par le confinement et les capacités de stockage sont pour l’heure saturées à Cushing (Oklahoma). La routine du craquage n’a pas pris acte suffisamment à temps du freinage provoqué par le confinement dans l’activité économique mondiale et, particulièrement, le secteur du transport frappé de plein fouet. Est-il permis de sourire d’une telle inertie/ineptie ?

Amala

Comme quoi, le Covid-19 suscite du « bruit » – au sens précis de la théorie de l’information. Vu de Douala, le tableau relève assez de l’ineffable. Le spectacle en mondovision des systèmes de santés défaillants en Italie, en France, aux États-Unis et en Angleterre, en laisse bon nombre pantois par chez nous, en Zone d’Incommodités. Qui de tout temps se sont figurés que pareil désastre ne pouvait pas se produire là-bas, en Zone de Commodités ? En Faustland ? Là où va se soigner l’élite du cru, faute d’hôpitaux à ses yeux fiables au pays ?

Cette révélation scabreuse calcine quelques stocks de certitudes très secs et ça brûle bien dans moult closeries intérieures. Les morgues débordées à Venise par l’afflux de macchabées ? La mythique Cité des Doges ? Qui l’eut cru à Douala, à Brazzaville ou à Libreville ? Presque personne tant l’Europe incarne la perfection de l’organisation, le sens de l’anticipation, la rigueur, bref tout ce qui manque dramatiquement sous nos cieux post-coloniaux perclus par l’à peu près érigé en norme du faire.

Les « géniaux » Européens à genoux ou presque, bousculés ainsi dans leur suffisance canonique ? Une déflagration aussi énorme que sans précédent secoue en ces jours les imaginaires, le collectif et les individuels, où le verbe « PARTIR » clignote en permanence, à l’instar de la croix verte by night d’une pharmacie. Tel quidam commentant cette actualité scabreuse autour d’une bière avec des acolytes agréés en intempérance éthylique, s’étonne alors de l’hécatombe, à sa manière fleurie et non dépourvue d’une ironie grinçante : « Depuis quand les Blancs meurent donc comme des mouches, tara ? ». Sans se douter qu’il fait ainsi écho à Michel Serres érigeant l’état sanitaire de l’humanité actuelle en ligne de partage absolument radicale : « Sous les basses latitudes, voici les mortels à qui la tradition réserve le noble nom d’hommes ; voilà aux hautes les immortels qui ne cessent de sucer la boisson d’ambroisie[1]».

L’usage homologué par les chroniqueurs veut en effet que ce soit plutôt sous les dites « basses latitudes », soit dans la vaste Zone des Incommodités, ici ou là, que l’on meure souvent par cargaisons entières. N’est-ce pas ? Devant ce massif inédit, impensable hier encore de cercueils s’empilant jour après jour en Faustland, abasourdi(e)s au plus haut point sont de ce côté mal famé du monde les Débrouillard(e)s que le confinement, même en mode semi, plonge dans une épaisse et visqueuse mouise financière. Ma langue bantoue, l’Ewondo, réserve un vocable d’ailleurs euphonique à l’expérience universelle de l’ineffable et de l’effroi dans ce qu’il peut produire de glaçant : amala.

Plus qu’un mot connotant une teneur du réel foncièrement négative, déstabilisante, amala signale l’irruption dans ce champ d’une puissante radiation entropique. Elle constituait naguère et de facto une démarcation/discontinuité temporelle, ouvrant sur/imposant une mise à jour impérative des termes établis de l’harmonie sociale perturbée de fond en comble par son fait. Chez les si arrogants Faustiens ? Amala sévissant à pareille échelle ? Damned ! C’est juste renversant quoi ! Au voisinage nord de la latitude zéro, les Foirés[2] vert-rouge-jaune (couleurs du drapeau camerounais) n’en reviennent pas de cette faille majeure survenue dans l’usuelle superbe des Blancs. Généralement discrète en temps de paix, la mort est en mode crue inattendue et envahit l’espace public.

Démystification populaire

Colossale à ce jour est la bibliothèque qui dénonce la perversité historique du capitalisme. Encore plus dans sa version financière et saurienne, inaugurée par le premier choc pétrolier à l’automne 1973, avec l’afflux de dollars que la Fed (Réserve Fédérale des États-Unis) imprime pour que les pays importateurs de brut du Moyen-Orient, pris à la gorge et au dépourvu, honorent la facture multipliée par quatre sine die et exprimée en dollars qui retourneraient dans les banques américaines. Un subtil tour de passe-passe possible grâce au droit de seigneuriage du dollar.

Moyennant de nombreux ouvrages toujours pas traduits en français encore, les historiens américains situent désormais le foyer de cette saga moderne du profit dans les blancs champs de coton et la deuxième saison de l’esclavage au Sud des futurs États-Unis. Corps voués par définition de la « whipping machine »[3] au labeur, les esclaves furent titrisés à l’occasion de grandes manœuvres financières sous la forme hypothécaire, par leurs propriétaires et primo-spéculateurs de l’Amérique naissante. On ne sait pas encore tout et des points aveugles subsistent, sagement confinés – que la curiosité se mêle de ces obscurités persistantes dans la narration historique en aval de ces temps qu’on a dit modernes avec emphase, naguère…

Marx, Weber & Co firent une boulette de cette séquence historique pourtant cruciale. Le coton, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avait en effet l’importance du pétrole hier et des données aujourd’hui dans l’économie mondiale. La classe moyenne européenne qui s’habillait jusque-là avec du lin, une étoffe grossière, s’enflamme pour cette nouvelle matière, plus douce. Cet engouement constitua un énorme débouché pour les industriels de la filière textile boostée par l’invention de la machine à vapeur. L’ouverture des mines de charbon, où travaillent à mort des enfants, lance le cycle d’entropie qui se poursuit. Charles Dickens est passé par là avec sa plume. Manchester et Liverpool sont issues de ce formidable boom cotonnier. Les Fab Four et tout le rock anglais en avaient-ils un tant soit peu conscience, de ces ressorts historiques ? Le monde du football professionnel ? And she’s buying a stairway to heaven

Il fallait bien trouver un usage fructueux à ce (sur)numéraire s’accumulant sans contrepartie dans l’économie réelle et fauteur par conséquent d’inflation rampante au début des années 1970. Donc de perte de valeur monétaire pour les thésauriseurs dont les magots fondent alors comme beurre au soleil. Cette hausse tendancielle des prix alimente le mécontentement social si les salaires ne suivent pas. Un mot initie la finance telle que nous la connaissons désormais : swap. Ce premier instrument de marché de la nouvelle ère monétaire, transférable au tiers, simple et relativement liquide, a pour fonction de protéger les opérateurs économiques contre le risque de perte lié au régime de changes flottants, depuis que l’administration Nixon a unilatéralement mis fin au système fondé sur l’étalon-or, le 15 Août 1971.

Les investisseurs institutionnels, aussi appelés les Zinzins, font aussi leur apparition dans le jargon, à côté du concept de « hot money » et l’argent devient à compter de cette saison-là, une marchandise à part entière, comme une savonnette, la planche à billets aidant. Le bestiaire des « futures » présente dorénavant autant de diversité que la vitrine achalandée d’un chausseur. Le marché des « assets under management » devrait avoisiner la bagatelle de 100 trillions de dollars en 2020. Ce chiffre on ne peut plus modeste renvoie-t-il encore à une réalité objective/tangible ? Insensé, ne dit-il pas essentiellement la phénoménale enflure de cette sphère financière détachée as such de l’économie réelle, mais l’affectant via la structure des taux d’intérêts jouant le rôle de courroie de transmission ?

Où diantre se trouvaient donc les « consciences cultivées » lorsque leurs États se sont tournés vers les marchés pour emprunter, au lieu des banques centrales ? Où avaient-ils/elles alors les yeux et les oreilles quand ceux qui en tirent depuis lors bénéfice livrèrent la dette souveraine aux manœuvres des Zinzins ? Dans les délices organoleptiques du Nutella ? Dans « La Guerre des étoiles » ? Dans les aventures époustouflantes d’Indiana Jones ? Dans la fournie zone X du Web ? Où étaient les contribuables en tant que parties prenantes même individuelles déjà, à défaut certes de pouvoir constituer un corps/former un sujet collectif ? Où étaient donc les syndicats, corps constitués, eux, et censés veiller au grain ? Que comprirent même à ses dispositions financières les partisans enthousiastes du « Oui » au traité de Maastricht entérinant cet assujettissement institutionnel d’États souverains à la rationalité étriquée et orientée des marchés ?

Les mutations contemporaines du capitalisme ont eu le champ libre en quatre décennies de faire prospérer un mirage aussi captivant qu’aliénant, sans rencontrer d’obstacle particulier sur leur chemin. Sous la forme, par exemple, de programmes transversaux de démystification populaire qui eussent été conçus pour instruire les masses sur ces transformations et leur mettre alors la puce à l’oreille par ce truchement. L’intégrale des comportements individuels non éclairés des Faustiens et Faustiennes aura favorisé le statu quo dans la Zone des Commodités. Il est encore temps pour les gauches européennes de s’en mordre jusqu’au sang les doigts et de secouer une torpeur pathétique, qui fraye la voie au regain des populismes de tout crin sur lequel des tribuns un peu bruns peuvent surfer à l’envi en pastichant sans vergogne la démocratie.

Addictions

Les féticheurs zélés de la publicité n’y sont guère allés de main morte pour promettre le bonheur par la satiété des besoins suscités à dessein. Genre « Vous en avez rêvé et nous l’avons fait » du walkman de Sony, symbole excellent de l’individualisme et des inclinations de masse organisées. L’injonction de consommer vrille l’espace public sur 360° et cerne le chaland. Acheter c’est être et vice-versa. Identifiée autant que largement décriée par les sociologues, cette compulsion attisée de mille et une manières par une vaste surface d’affichage dans les polygones urbains se porte néanmoins bien dans les « sociétés intensément médiatisées ». Elle alimente la tirelire des juteux dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 et les autres non cotées qui n’en contribuent pas moins au cruel manège du profit pour autant.

S’illustrant par des taux abstention de plus en plus importants, la dépolitisation d’une fraction consistante des citoyennes et citoyens sera allée tout ce temps de pair avec une adhésion tout aussi massive à la vacuité consumériste. Malgré leur cherté avérée, le succès monstrueux des baskets made by Nike dans les rues weedifiées des territoires accablés/rongés par la précarité et la désespérance en témoigne, ou celui du cultissime jeans à boutons de Levis estampillé 501.

Longue est la rouge liste dressable de ces addictions orchestrées par la triomphante Futilité et témoignant d’une reddition collective à ses slogans incitatifs, si tu n’as pas ceci ou cela, tu n’existes pas. Sur fond d’invalidation tonitruante des grands récits qui structurèrent les deux derniers siècles et de montée en puissance inexorable des formes variées de « solitude collective[4]», ainsi que des distractions utiles/propices à la mise en place sans coup férir du programme néolibéral, au nez et à la barbe de ses victimes quasiment consentantes.

Elles ne disaient mot depuis quarante ans et il y eut l’accès de fièvre Gilets Jaunes pour siffler la fin de l’hibernation et mettre sur orbite politique la conjonction des saintes colères. « C’est une guerre, une guerre qui se déroule sur tous les fronts et qui s’intensifie depuis qu’elle est désormais menée contre tout ce dont il paraissait impossible d’extraire de la valeur », résume la quatrième de couverture du dernier opus d’Annie Lebrun, dans lequel son élégante lucidité et sa froide férocité s’en prennent au « nouvel enlaidissement du monde » sans détour, sans mâcher les mots. On ne peut pas avoir anticipé mieux que ça, l’irruption du Covid-19.

Il n’y a pas meilleure abolition de tout horizon et manifestation de son nihilisme foncier que la démolition du système de santé d’un pays par la logique du rendement à court terme. La vie a-t-elle au fond un prix ? Pas plus que la beauté en tant que telle n’est évaluable en dollars ou en yens. Je vois d’ici sourire en coin les assureurs qui gèrent le risque des firmes au cœur de l’activité économique tournée vers la maximisation à tout prix du profit. Les cat bonds adossés aux anticipations de désastres naturels flambent sur les marchés ? C’est une preuve par l’absurde de la ci-devant assertion et de la pertinence du propos de la gente dame Annie Lebrun, si fine et sans complaisance aucune avec cette violence de l’argent qui « travaille à liquider notre nuit sensible, pour nous faire oublier l’essentiel, ce qui n’a pas de prix ».

Enlaidisseurs rime avec investisseurs, et cet énième produit de couverture dédié en l’occurrence au risque assurantiel montre jusqu’où peut pousser le cynisme du capital contemporain en sa logique « profit without production », moteur de la présente séquence du processus d’accumulation. De la frontière floue entre l’inerte et le vivant venu[5], un invisible assaillant a crevé l’abcès et les humeurs putrides se répandent dans l’air : obligé de mettre des masques pour respirer sans suffoquer, tant la puanteur ainsi dégagée est atroce, insupportable sans une protection adéquate.

Vous ne vouliez pas entendre, ni voir ? Vous traitiez ceux et celles qui sonnent inlassablement le tocsin depuis belle lurette de petits zozos en bande organisée ? Eh bien, humez donc maintenant, messieurs-dames, cet exquis fumet qui monte des cercueils alignés dans un entrepôt frigorifique de Rungis, des morgues de Venise et de New-York, humez sans modération, c’est gratuit. Voici la rançon en mode CQFD de vos addictions consuméristes au long cours, ainsi que de vos redditions piteuses aux instances du Lucre et aux mirages étincelants délivrés par le Loisir.

Light as light

La nouvelle présidente de la Commission européenne, l’allemande et aristocrate Ursula von Layen, a désormais de la matière sur la paillasse pour faire un procès argumenté à ceux qui mettent en péril le modus vivendi européen qu’elle tient tellement à protéger. Lorsque le fond de la pensée est lâché, gambade dehors, un rétropédalage ne sert strictement à rien. Sa sortie sur ce thème a montré la profondeur de la cécité dans laquelle le commun des Faustiens barbote au Nord et où va se nicher la pulsion de repli sur un entre-soi commode, sans Autre ainsi décrété en creux source de malaise, persona non grata.

Puis voici que dans une catégorie et un format différents, un tout Autre encore s’amène alors en vadrouille planétaire sur le théâtre des vanités altricielles avec une virulence déroutante. Une gifle aussi virale que monumentale assénée à la prétention faustienne. Le temps de l’inéluctable dessillement sans cesse refoulé et de stopper la caravane de l’entropie capitaliste sur Terre serait-il arrivé ? Cette civilisation du Détriment est rendue avec le Covid-19 à un point que les récits des Autres réduits au silence naguère par l’hégémonie du tiers-exclu connaissaient, l’effondrement dans une société des valeurs qui fonde sa persistance à travers le temps[6]. Situation imputable dans ces contextes à une série/somme d’infractions aux préceptes fondant l’ordre cosmique et qui font se tenir les choses. Plusieurs langues bantoues, voire toutes, disent sérénité et santé avec le même vocable.

Cette fusion/mutualité lexicale édifie mieux qu’un épais traité philosophique de 1 000 pages sur une objective inséparabilité, quand il y va de leurs états, entre le corps et l’esprit. Lorsque l’hôpital se retrouve débordé, manquant de lits en réanimation, les soignants dos au mur et contraint(e)s de trier entre qui laisser vivre et qui laisser mourir, il est clair que quelque chose cloche et ça requiert une réparation qui ne soit pas de surface, mais du plancher au plafond. La réclamation qui s’élève au dessus du « bruit » pour un autre monde le jour d’après est louable en soi, pour ce qu’elle vise.

Mais cela ne suffira pas à faire advenir ce « nouveau monde ». Ne serait-ce que parce que le capitalisme entré dans une phase de stabilisation sans précédent[7], est désormais une machine intelligente qui sait apprendre des accidents l’émaillant et s’en renforce à chacun. Celui-ci ne fera pas exception. Il n’est pas prêt sous cette lumière de s’affaiblir dans ses contradictions et jeter l’éponge. Pour autant, cette stase a mis en évidence le poids considérable de la demande et donc de la consommation qui peut devenir un levier pour enrayer les routines de cette Machine à Sous cruelle.

Moyennant un faisceau de désistances orientées/convergentes, agissant en grains de sable infiltrés dans les rouages de l’hystérésis, les myriades remontées contre cette cruauté tiennent là une piste d’action plausible. En réduisant la voilure des besoins sans que la qualité du quotidien ait à en souffrir, dans un subtil agencement du nécessaire et de superflu, il ne s’agit point de les opposer, le programme post-Covid-19 tient en un mot : let’s go light as light. Devenons aussi légers que la lumière.

Exit

La félicité des uns, cette infime et orgueilleuse minorité composite et cosmopolite du Richistan, ne peut plus reposer sur la spoliation des autres, la très grande majorité des Altriciel(le)s. En attendant que se confirme ou non le pronostic du pire sur le continent africain par les Cassandre de service, l’accélération ne se produit toujours pas. Les Foirés seront alors de plus en plus enclins à voir dans le lourd bilan de l’Assaillant en Zone de Commodités et cette asymétrie tellement spectaculaire, si jamais elle venait à se confirmer, le signe irréfragable et surtout indépassable d’une réconfortante et vengeresse Némésis.

Malmenés dans l’Histoire, naguère humiliés et déshumanisés par ses agents ignobles, crapules démentes sans foi ni loi, comment en irait-il autrement pour des Patients[8] enlisés dans une zone d’inespoir par l’impéritie au long cours des satrapies post-coloniales ? La décolonisation en Afrique fut plus pipée qu’une partie de poker dans un tripot enfumé à Macao du temps de la guerre de l’opium. Les effets délétères de cette initialisation tordue parasitent le présent gravement sur une échelle et à une profondeur insoupçonnées des observatoires dédiés à ces thématiques.

Il y a de la poussière – et un peu plus – sous le tapis moelleux de l’hédonisme faustien décomplexé. Quelques cadavres, pas exquis, glissés là par le ponce-pilatisme éhonté de l’engeance canaille qui se lave les pognes vigoureusement au savon universel de la lâcheté depuis toujours dans l’odyssée altricielle. Ou comment la prophylaxie pour circonscrire la propagation du virus résonne sur le palier de la veulerie caractérisée dans le récit fondateur de la foi chrétienne, une de celles qui comptent le plus d’ouailles dans le monde. Les gloseurs s’en régalent…


[1] Hominescence, le Pommier, 2001, p. 32

[2] J’emprunte à Sony Labou Tansi.

[3] L’usage du fouet en toutes circonstances pour briser la résistance des esclaves, femmes et hommes.

[4] Aldo Haesler, Hard modernity, la perfection du capitalisme et ses limites, Éditions Matériologiques, 2018, p. 6

[5] Pour la Science n° 350, Décembre 2006.

[6] Amadou Hampâté Bâ , Njeddo Dewal, Mère de la Calamité, NEI-EDICEF, 1994

[7] Aldo Haesler, op.cité.

[8] Au sens de Paul Ricoeur dans Histoire, Mémoire et oubli, Seuil, 2000

Lionel Manga

Écrivain

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Hominescence, le Pommier, 2001, p. 32

[2] J’emprunte à Sony Labou Tansi.

[3] L’usage du fouet en toutes circonstances pour briser la résistance des esclaves, femmes et hommes.

[4] Aldo Haesler, Hard modernity, la perfection du capitalisme et ses limites, Éditions Matériologiques, 2018, p. 6

[5] Pour la Science n° 350, Décembre 2006.

[6] Amadou Hampâté Bâ , Njeddo Dewal, Mère de la Calamité, NEI-EDICEF, 1994

[7] Aldo Haesler, op.cité.

[8] Au sens de Paul Ricoeur dans Histoire, Mémoire et oubli, Seuil, 2000