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Krump vs Trump, une dernière danse

Écrivaine, philosophe

La semaine dernière, des militants pro-Trump ont envahi le Capitole, exhibant des drapeaux confédérés et des tatouages néo-nazis. Face à ces violences tout aussi effrayantes que clownesques, la Krump (Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise), danse née dans les faubourgs de Los Angeles, plus rageuse que le hip-hop, symbolise un combat politique. Krump contre Trump : la battle est lancée.

Changer notre peau en masque, le rite commence ainsi : des étoiles étirées du front aux pommettes, des flammes couchées sur les joues, parfois juste des pointillés de signes, des scarifications éphémères. Notre visage disparaît, on ne ressemble plus à nos mères, à nos pères, à nos clichés d’identité judiciaire. On ne sait plus qui on est. Alors on rejoint nos corps, on creuse jusqu’à la danse du dedans.

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Tommy se peignait entièrement, les traits peu à peu fondus sous d’épaisses couches de blanc, un ballon rouge entre les sourcils, cinq autres sur les joues, le nez rouge aussi, puis sa perruque multicolore, sa combinaison orange et vert fluo : il devenait The Clown. Il débarquait en gloire à nos goûters d’anniversaire, dans sa voiture métallisée couverte de portraits de gosses en salopette, avec son sound-system et sa pancarte : « Rent Tommy the Clown. Hippest Clown Around ». Vingt dollars les trois heures, Tommy était notre cadeau, la rue notre salle de bal, tout le monde en profitait, même les vieux et les bébés. De toute façon, dedans, dehors, à South Central Los Angeles, c’est pareil, partout la même fosse aux lions, le même nid de vipères, où que tu sois tu peux te prendre une balle, les flics, les gangs.

Dedans, c’est nos corps, dehors, les forces qu’ils convoquent, notre danse dit ça.

On a appris, gamins, en regardant bouger Tommy et ses premiers disciples : les hip-hop clowns, des gestes clairs, vifs et compacts, qui partaient comme des coups mais s’achevaient en douceur, poings desserrés, des voltiges de prestidigitateur – encore une danse pour jouer. Les filles s’en sont mêlées, les petites aux cent tresses qui bondissaient au milieu du cercle, tee-shirt relevé entre les dents, elles ont apporté la stripper dance, leurs déhanchements forcenés, leur grâce féroce, avec dans les reins des sursauts de fauve, des souplesses de serpent.

Des clowns et des strip-teaseuses de huit ans, ça a commencé comme ça, une traînée de poudre de Compton à Watts, de Wa


Gwenaëlle Aubry

Écrivaine, philosophe, Directrice de recherche au CNRS

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