Vaccins : le grand emparement
Il y a quelque chose de pourri dans le royaume pharmaceutique. Comment expliquer autrement le scandale que constitue la répartition actuelle des doses vaccinales dans le monde et le fait que 10 pays se soient appropriés 75 % des vaccins disponibles ? Les laboratoires sont pleinement acteurs de cette situation : Moderna, qui a pourtant reçu près d’un million de la part de CEPI [Coalition for Preparedness Innovations, ndlr], un fonds collectif de financement, n’a aujourd’hui encore aucun accord de distribution avec des pays classés parmi les plus pauvres. Cela va absolument à l’encontre des exigences de CEPI, dont les financements engagent les entreprises à distribuer les vaccins de façon équitable et non en répondant au plus offrant.
Mais les laboratoires ne sont pas seuls incriminés. Les pays riches sont aussi au premier rang des responsables de cette situation, en accommodant systématiquement les efforts collectifs à leur intérêt. Le Canada, l’un des dix pays les plus riches au monde, doit recevoir 1,9 millions de doses par le biais de Covax (un dispositif supposé bénéficier aux pays les plus pauvres). Les autres pays du G7 n’ont même pas pris cette peine, trop occupés à acheter et à préempter des doses en contournant Covax – les États-Unis de Trump s’étant par exemple tout simplement retirés du dispositif.
L’Organisation mondiale de la Santé a qualifié cette situation d’échec moral catastrophique en janvier, mais cela ne semble pas changer grand-chose, tant les firmes et les pays les plus riches semblent déterminés à accaparer la production mondiale de vaccins. L’indignité de la situation a au moins le mérite de clarifier ce qu’il y a de profondément corrompu dans le capitalisme sanitaire mondialisé – un régime obsédé par la captation des flux quand il devrait prendre en charge la répartition équitable des soins.
Voyons plutôt. Malgré les déclarations tire-larmes du président Macron sur l’importance pour les pays riches de donner une part de leurs stock