Défense

Relations entre armées et universités, les déliaisons dangereuses

Politiste, Politiste, Historien

Le ministère de la Défense a mis en place le 5 mars dernier le Pacte Enseignement Supérieur, programme post-doctoral qui vise à « régénérer le vivier de la recherche universitaire dans les domaines de la défense et de la sécurité ». Depuis les attaques terroristes de 2015, les tentatives de rapprochement entre armées et universités se sont multipliées et ont provoqué de vives réactions entre enthousiasme des plus convaincus et réticence des plus sceptiques. Elles interrogent surtout le rapport ambigu entre savoir et pouvoir.

La crise sanitaire a suscité de nombreux commentaires sur l’alliance du savoir scientifique et de la pratique de gouvernement, en particulier suite à la mise en place d’un Conseil scientifique le 12 mars 2020 : « Un principe nous guide pour définir nos actions (…), avait alors affirmé Emmanuel Macron : c’est la confiance dans la science. C’est d’écouter celles et ceux qui savent ». Ce soir-là, le chef de l’Etat s’était présenté avec une humilité qu’on lui connaissait peu, laissant entrevoir une fébrilité que le ton martial de son intervention déguisait mal.

publicité

La question du rapport entre savoir et pouvoir, et de l’inclination de ce dernier à justifier ses choix sur la rationalité supposément objective des scientifiques, n’a évidemment pas attendu la crise sanitaire pour se poser. En écho aux récentes tentatives d’institutionnalisation d’un champ des « études stratégiques » en France, nous l’abordons ici du point de vue plus particulier des rapports entre armées et universités, dont l’évolution récente nous semble symptomatique des difficultés des universitaires à préserver leur autonomie.

Des dispositifs inédits de rapprochement dans la foulée des attentats

Pour se faire une idée plus précise des tentatives de rapprochement des mondes de la défense et universitaire, il convient de rappeler quelques initiatives qui, sans être nécessairement liées entre elles, travaillent dans le même sens. Le 18 novembre 2015, dans la foulée des attentats de Saint-Denis et du Bataclan, le président du CNRS lançait un appel à propositions à destination de la communauté scientifique sur « les sujets pouvant relever des questions posées à nos sociétés par les attentats » donnant lieu à des réactions déjà contrastées.

Un peu plus d’un an plus tard, le 25 janvier 2017, la conférence sur le renouveau de la recherche stratégique déboucha sur l’annonce de la signature du Pacte Défense Enseignement Supérieur entre le CNRS, le ministère des Armées et la Conférence des Présidents d’Uni


[1] 90 % du financement en contrats doctoraux et postdoctoraux (270 000 €/an) et 10 % en frais de fonctionnement (30 000 €).

Philippe Bonditti

Politiste, Maître de conférence à l'ESPOL-ICL Lille

Grégory Daho

Politiste, Maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre du Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP)

Thomas Hippler

Historien, Professeur des universités à l'Université de Caen-Normandie

Notes

[1] 90 % du financement en contrats doctoraux et postdoctoraux (270 000 €/an) et 10 % en frais de fonctionnement (30 000 €).