Justice

Filmer les procès : une nouvelle relation entre la justice et sa représentation

Cinéaste

Le projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » sera débattu en séance publique à partir de ce lundi 17 mai à l’Assemblée Nationale. Parmi les dispositions voulues par le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti, figure la systématisation du filmage des audiences, en vue de leur diffusion dans les médias. Jusqu’ici limité à l’archivage des procès historiques, l’enregistrement introduit de façon hasardeuse un nouvel acteur dans la procédure de jugement : le spectateur lui-même.

L’actuel garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, a présenté mercredi 14 avril 2021 en conseil des ministres son texte de réforme de la justice. L’article 1er de ce nouveau projet de loi propose de systématiser la présence des caméras dans les prétoires. Toutes les audiences, quelles que soient les juridictions, pourront ainsi désormais être filmées.

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Le « droit à l’information » du citoyen est le principal argument mis en avant par le ministre de la Justice pour motiver cette nouvelle disposition. Il s’agit selon lui de réconcilier les Français avec la justice. Il en irait de l’avenir même de la démocratie. Mais s’il est indéniable que la publicité des débats judiciaires est une garantie démocratique, la question de leur enregistrement audiovisuel en vue de leur diffusion ne va pas sans poser quelques problèmes quant à la nature même de ces images.

Je développe depuis plusieurs mois avec le producteur Jean-Marie Nizan (Beall productions) et en partenariat avec les Archives Nationales un projet de film documentaire sur les procès filmés qui a pour ambition de poser les termes d’un problème complexe aux formes multiples, celui de la relation entre la justice et sa représentation filmée. Or, le projet de réforme de la justice d’Éric Dupond-Moretti a pour intention de transformer en profondeur cette relation.

Jusqu’alors, la loi Badinter de 1985 limitait l’enregistrement audiovisuel ou sonore des audiences publiques devant les juridictions judiciaires ou administratives à l’intérêt que présente un tel enregistrement pour la constitution d’archives historiques de la justice.

Grâce à cette loi inscrite au code du patrimoine, plusieurs procès jugés essentiels pour notre histoire et notre mémoire ont ainsi pu être filmés. Il s’agit du procès Barbie en 1987, du procès du sang contaminé (enregistrement sonore) en 1993, du procès Touvier en 1994, du procès Papon en 1998, du procès Badinter-Faurisson en 2007, du procès AZF en 2009, du procès Pinochet en 2010, des procès


[1] Sylvie Lindeperg et Ania Szczepanska, À qui appartiennent les images ? Le paradoxe des archives, entre marchandisation, libre circulation et respect des œuvres, Éditions Maison des sciences de l’homme, 2017.

[2] Antoine Garapon. « Mise en images de la justice : à défi nouveau, garanties nouvelles », Images documentaires n° 54, « Images de la Justice », 2e trimestre 2005.

[3] Sylvie Lindeperg, Nuremberg, la bataille des images, Payot, 2021.

[4] Jean-Louis Comolli et Agnès Tricoire, « À propos des procès filmés », Images documentaires n° 54.

[5] Shoshana Felman, « Traumatisme à la cour », Le Moment Eichmann, Sylvie Lindeperg et Annette Wieviorka (dir.), Albin Michel, 2016.

Notes

[1] Sylvie Lindeperg et Ania Szczepanska, À qui appartiennent les images ? Le paradoxe des archives, entre marchandisation, libre circulation et respect des œuvres, Éditions Maison des sciences de l’homme, 2017.

[2] Antoine Garapon. « Mise en images de la justice : à défi nouveau, garanties nouvelles », Images documentaires n° 54, « Images de la Justice », 2e trimestre 2005.

[3] Sylvie Lindeperg, Nuremberg, la bataille des images, Payot, 2021.

[4] Jean-Louis Comolli et Agnès Tricoire, « À propos des procès filmés », Images documentaires n° 54.

[5] Shoshana Felman, « Traumatisme à la cour », Le Moment Eichmann, Sylvie Lindeperg et Annette Wieviorka (dir.), Albin Michel, 2016.