Faut-il rémunérer la nature pour son travail ?
Ce texte est la première étape d’un livre à venir sur le travail de la nature, pensé et conçu avec la juriste Sarah Vanuxem et le philosophe Matthieu Duperrex pour réfléchir, dans le sillon du soulèvement légal de la Terre, à l’économie qui pourrait en naître. Il s’agit moins d’un texte de réflexion que d’un travail de scénarisation. Voici l’hypothèse qui préside à ce scénario : si nos sociétés ont le courage de donner le statut de sujet de droit à des écosystèmes, des milieux, des espèces animales et végétales, mais aussi, à des processus naturels – capture du CO2, pollinisation, cycle de l’eau… – alors, ces sujets de droit émergents pourraient également demander des revenus pour le travail qu’ils accomplissent.

En quelques années, ces grands sujets naturels dotés de droits et touchant des revenus seraient à même de défendre les intérêts terrestres, en reversant à la nature une partie de la valeur qui lui est quotidiennement arrachée, en mettant fin à cette immémoriale injustice des systèmes humains : le travail-esclave de la Terre. À l’heure d’une certaine faillite des États – l’échec de la COP26 à Glasgow – cette voie permettrait également de faire émerger de plus solides gardiens de la Terre : les entités de la nature elles-mêmes, reconnues juridiquement. Voici quelques fragments – notes, didascalies, objections… – de ce scénario d’anticipation, pour une économie politique terrestre.
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… didascalie… Figurons-nous d’abord un impossible : une personnalité juridique « Terre » incarnée par des gardiens. Soit, un grand sujet de droit portant les valeurs, les besoins, les droits de la Terre. Et maintenant, imaginons que ce sujet de droit « Terre » réclame les revenus impayés pour le travail millénaire de transformation des sous-sols en pétrole ? Ses avocats exigeant : que nos sociétés paient non seulement des dommages et intérêts pour les atteintes portées à l’intégrité terrestre, mais en plus, les revenus impayés en contrepartie du travail-esclave accompli