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Sauve qui peut : une lecture désabusée de l’évacuation depuis Kaboul

Politiste

Après la prise de Kaboul par les Taliban le 15 août dernier, quelques 100 000 personnes ont pu bénéficier du pont aérien pour fuir le pays, mais la grande majorité n’a pas pu être évacuée. Ce tri dramatique prolonge les filtrages effectués dans le cadre des politiques internationales d’asile des Afghans, qui, depuis une vingtaine d’année, restreignent drastiquement toute mobilité légale.

L’évacuation qui a suivi le retour au pouvoir, en août dernier, des Taliban à Kaboul a été relayée par les médias du monde entier. Aux côtés du personnel expatrié des ambassades et des forces militaires, quelques 100 000 Afghans ont bénéficié, eux aussi, du pont aérien. Mais ils n’étaient pas les seuls à vouloir partir. Les images et les récits des Afghans massés à l’intérieur et autour de l’aéroport de la capitale afghane, prêts à tout pour monter à bord d’un avion, ont ému et indigné beaucoup d’entre nous.

D’aucuns y ont vu une manifestation de la précipitation déclenchée par la rapidité de la conquête de Kaboul par les Taliban ; d’autres y ont vu une preuve de la peur suscitée par ceux-ci ; d’autres encore considèrent ces images comme le symbole de l’échec occidental en Afghanistan.

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J’y vois l’aboutissement indécent des obstacles dressés depuis fort longtemps devant ceux qui souhaiteraient quitter légalement l’Afghanistan. Un billet d’avion pour l’Europe ou les États-Unis constitue un mirage pour la plupart des Afghans. Les alternatives qui se posent concrètement et cruellement à la plupart d’entre eux sont soit de rester, soit de partir dans l’illégalité. Alors que l’illégalisation des migrations afghanes vers l’Europe date de leur commencement il y a vingt ans, ce phénomène est plus récent en ce qui concerne les mobilités régionales.

Ceux qui partent, ceux qui restent

Qui a pu finalement embarquer pendant les deux dernières semaines d’août ? Laissons de côté les expatriés, par ailleurs habitués aux va-et-vient par voie aérienne, au gré de leurs missions et de leurs congés. Laissons aussi de côté les VIP Afghans, à l’image du président Ashraf Ghani, qui a quitté le pays avant même que les Taliban ne prennent Kaboul. Ont pu embarquer celles et ceux qui étaient sur les listes rédigées dans la précipitation par les unités de crise des pays qui évacuaient, dans la limite des places disponibles à bord des avions et sous réserve de parvenir à atteindre l’aér


[1] François Héran : « Sur l’immigration, on impressionne le peuple à bon compte », Mediapart, 4 octobre 2021.

[2] Conseil européen, 31 août 2021.

[3] Tribune du par Réseau Migreurop, Libération, 16 septembre 2021, « Après la débâcle afghane, l’Europe toujours sourde à la souffrance des exilés ».

Giulia Scalettaris

Politiste, Maîtresse de conférences en science politique à l'Université de Lille

Notes

[1] François Héran : « Sur l’immigration, on impressionne le peuple à bon compte », Mediapart, 4 octobre 2021.

[2] Conseil européen, 31 août 2021.

[3] Tribune du par Réseau Migreurop, Libération, 16 septembre 2021, « Après la débâcle afghane, l’Europe toujours sourde à la souffrance des exilés ».