Politique

En état de dissidence démocratique

Sociologue

Dans sa conférence de presse du 8 février, Christiane Taubira a souligné que les partis politiques avaient commencé par travailler avec les organisateurs de la Primaire populaire à établir les propositions constituant le « socle commun », pour tourner ensuite le dos au dispositif. Si cette primaire trouble plus qu’elle ne détruit les règles du jeu politique, puisqu’elle ne remet en question ni la représentation ni l’élection, on peut voir dans la défiance que manifestent à son sujet les partis le signe qu’elle constitue, malgré tout, un acte de dissidence démocratique.

Il fallait voir la mine satisfaite que les candidats investis par les partis de la gauche officielle ont arboré face caméra lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils comptaient faire après l’annonce du résultat de la Primaire populaire. Rien. Ils n’étaient tout simplement pas concernés par un événement qui, à les écouter, ne méritait pas une seconde de distraction.

Quelques uns ont tout de même pris une minute de leur temps de parole pour complimenter les activistes qui se sont investis dans cette sympathique initiative ou saluer les 397 000 personnes qui ont voté en faveur de l’union. Mais cette sollicitude a vite été effacée par un jugement définitif : elles auraient été abusées par une consultation jouée d’avance, ou manipulées par un lobby agissant dans l’ombre pour la promotion de leur égérie.

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Aucun d’eux n’a pensé que cet aveuglement et ce dédain seraient ressentis pour ce qu’ils sont : un formidable bras d’honneur fait à tous ces électeurs de gauche qui expriment de mille et une manières leur conviction qu’une candidature unique créerait un engouement et une dynamique qui assureraient la victoire d’un programme de justice sociale, environnementale et démocratique.

Ce que dit le chœur de ces candidats déclarés, c’est que toutes ces voix qui ne se résolvent pas à la débâcle de la gauche sont celles d’incompétents, de gens qui ne comprennent rien aux règles de la politique et se trompent sur l’issue d’un scrutin qui, à les entendre, est promis à chacun d’entre eux. Pensent-ils vraiment que leurs déclarations, leurs postures et leur feinte détermination évoquent autre chose qu’un déni de réalité ou entêtement dans l’illusion ?

La Primaire populaire a été conçue pour éviter ce spectacle en se donnant une ambition : imposer la désignation d’un candidat unique de la gauche à la présidentielle de 2022. Ses travaux sont longtemps restés dans l’ombre. Ils ont fait irruption sur le devant de la scène médiatique en janvier dernier, au moment où, ayant déjà enrôlé près


[1] Mathilde Goanec, « Zizanie ou “ré-enchantement”: L’aventure de la Primaire populaire s’achève », Mediapart, 31.1.2022.

[2] Igor Martinache et Frédéric Sawicki (dir.), La fin des partis, Paris, PUF, 2020.

[3] Philip Pettit, “Depolitizing Democracy”, Ratio Juris, 7 (1), 2004.

[4] Hélène Landemore, Open Democracy, Princeton, Princeton University Press, 2020, p. 95.

Albert Ogien

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

Mots-clés

Gauche

Notes

[1] Mathilde Goanec, « Zizanie ou “ré-enchantement”: L’aventure de la Primaire populaire s’achève », Mediapart, 31.1.2022.

[2] Igor Martinache et Frédéric Sawicki (dir.), La fin des partis, Paris, PUF, 2020.

[3] Philip Pettit, “Depolitizing Democracy”, Ratio Juris, 7 (1), 2004.

[4] Hélène Landemore, Open Democracy, Princeton, Princeton University Press, 2020, p. 95.