Politique

L’avènement d’une opinion publique écologique

Philosophe

À l’instar d’Emmanuel Macron, les candidats à l’élection présidentielle ont peu à peu infléchi leurs discours vers l’écologie. En cela, ils n’ont fait que suivre la loi universelle qui veut que la virtuosité des dirigeants politiques consiste non à dominer, à faire preuve d’inventivité politique, à créer avec « art » de nouvelles institutions, mais parfois à deviner, à simplement entendre, ce que pensent, veulent, visent les citoyens dans leur majorité et à s’aligner en leur envoyant des signes, ténus ou explicites, de pure et simple allégeance.

Emmanuel Macron fera-t-il de la France « une grande nation écologique », comme il s’y est engagé ? Si c’est le cas, ce sera parce qu’il est contraint par une autre politique que la politique « d’en haut » : celle qui vient des citoyens « ordinaires », des expériences « locales », de la « France d’en bas »[1]. Depuis quelque temps émerge dans les médias et les discours politiques de nos représentants l’importance de cette autre politique. La rhétorique fluctue suivant les partis : Marine Pen « écoute » le « Peuple français », Jean-Luc Mélenchon le « peuple », Emmanuel Macron les « compatriotes », d’autres les citoyennes et citoyens, signalant au passage beaucoup d’impensés et des visions contrastées de l’union sociale de base.

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Mais l’idée maîtresse demeure : face à la politique « politicienne » dont le vacarme est étourdissant, il existerait une autre politique, celle dont les personnes directement impliquées, concernées, engagées, seraient les initiatrices et les chefs d’orchestre, quels que soient le type de leur existence et la portée de leurs actions, et qui, au bout du compte, conditionnerait leur conduite électorale.

Cette autre politique serait certes plus discrète, « à bas bruit », audible pour les seules oreilles attentives, plus dispersée et pour cette raison moins puissante que celle s’appuyant sur des institutions bien solides et centralisées mais, tout bien considéré, digne d’attention et, peut-être même, source du renouvellement dont la démocratie libérale a un besoin structurel, puisque comme le disait le philosophe américain John Dewey, cette dernière doit être pensée comme « une tâche à accomplir » qui ne sera jamais achevée.

Ce changement d’attitude est une bonne nouvelle. Mais ne faudrait-il pas aller plus loin et inverser le rapport de force entre l’opinion et les dirigeants ? C’est ce que je propose de faire, en prenant à partie d’abord les apports de nos fondateurs, puis les liens actuels entre démocratie et écologie, qui me semblent e


[1] J’ai développé certains points de cet article notamment dans L’opinion publique et son double, L’Harmattan, 2000, et récemment, dans Écologie et Démocratie, Premier Parallèle, 2022

Joëlle Zask

Philosophe, Professeure de philosophie politique à l'université d'Aix-Marseille

Notes

[1] J’ai développé certains points de cet article notamment dans L’opinion publique et son double, L’Harmattan, 2000, et récemment, dans Écologie et Démocratie, Premier Parallèle, 2022