Rediffusion

Environnement et pouvoir des mots

Philosophe, Socio-anthropologue

Comme champ institutionnel mais aussi objet de discours, l’environnement n’échappe pas à l’emprise de rhétoriques conquérantes et dominatrices qui ne font que nous couper un peu plus de la vie qui nous entoure. À la possibilité du langage à révéler le monde, nous substituons la croyance en la puissance des mots à changer le monde, ignorant notre vulnérabilité face aux basculements sociétaux et terrestres. Rediffusion du 23 février 2022

Est-il possible de tirer un fil, de trouver une cohérence face à l’avalanche des questions qui s’amoncellent et obscurcissent l’horizon collectif, pandémie, tensions géopolitiques, inégalités et disparités socio-économiques, dérives autoritaires voire fascisantes, exacerbation des violences, etc… ? On peut sans doute proposer de multiples lectures des crises et des situations erratiques auxquelles nous sommes confrontés, mais il existe peut-être un terme commun à cet enchevêtrement de problèmes, c’est la notion d’environnement et sa signification du point de vue du devenir collectif.

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Depuis l’émergence de la modernité et de façon beaucoup plus caractérisée depuis le XIXe siècle, ce devenir a reposé sur la détermination d’objectifs collectifs circonstanciés et restreints, largement quantitatifs, à la fois industriels, techniques, commerciaux, économiques, sanitaires ou sociaux, avec plus ou moins de précision et de rigueur et des marges considérables d’incertitude.

Ces objectifs étaient loin d’embrasser l’ensemble des aspects des existences humaines, comme l’ont montré les luttes sociales du XIXe siècle, qui ont abouti à faire reconnaître des pans entiers de l’existence, initialement totalement ignorés par le capitalisme naissant, en termes de santé, de sécurité, de protection, de droits humains. Les violences des deux guerres mondiales ont conduit à l’élaboration d’un nouveau compromis autour de la création de l’ONU et de ses agences et de la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, tremplin à la décolonisation et à un nouvel âge des relations sociales et internationales sur fond d’affrontement Est-Ouest.

Le formidable essor scientifique, technique, industriel, économique et social qui a suivi a bouleversé en profondeur les équilibres mondiaux et a vu l’émergence et l’amplification à l’échelle planétaire, derrière les enjeux géopolitiques, d’une nouvelle interrogation avec la question environnementale. Celle-ci, d’abord fragmentair


[1] Jean-Michel Bezat, « Quand ils se regardent, les Français se désolent ; quand ils se comparent, ils se… désolent encore », Le Monde, 6 décembre 2021

[2] Sandra Laugier, « L’ordinaire transatlantique, de Concord à Chicago en passant par Oxford », L’homme, n° 187-188, Éditions de l’EHESS, 2008.

[3] On peut rappeler à ce propos le titre de l’ouvrage Claquemurer pour ainsi dire tout l’univers : la mise en exposition, sous la direction de Jean Davallon, CCI, centre Pompidou, 1986, évocateur de la clôture de la représentation dans le contexte du structuralisme finissant.

[4] Francis Chateauraynaud et Josquin Delbaz, Aux bords de l’irréversible. Sociologie pragmatique des transformations, Paris, Éditions Petra, 2017.

Lionel Charles

Philosophe, Chercheur en sciences sociales, Fractal

Bernard Kalaora

Socio-anthropologue, Chercheur à l'IIAC (CNRS, EHESS), ancien président de l’association LITTOCEAN

Notes

[1] Jean-Michel Bezat, « Quand ils se regardent, les Français se désolent ; quand ils se comparent, ils se… désolent encore », Le Monde, 6 décembre 2021

[2] Sandra Laugier, « L’ordinaire transatlantique, de Concord à Chicago en passant par Oxford », L’homme, n° 187-188, Éditions de l’EHESS, 2008.

[3] On peut rappeler à ce propos le titre de l’ouvrage Claquemurer pour ainsi dire tout l’univers : la mise en exposition, sous la direction de Jean Davallon, CCI, centre Pompidou, 1986, évocateur de la clôture de la représentation dans le contexte du structuralisme finissant.

[4] Francis Chateauraynaud et Josquin Delbaz, Aux bords de l’irréversible. Sociologie pragmatique des transformations, Paris, Éditions Petra, 2017.