Décoloniser l’architecture ici et maintenant
Dans quelques mois auront lieu les Jeux Olympiques en Ile-de-France. Pour que le Village des athlètes et le Village des médias sortent de terre, il aura fallu le travail d’un certain nombre d’agences d’architecture, bureaux d’études, économistes de la construction et autres ingénieurs. Il aura été question de négociations et de lobbying politiques, de dossiers séduisants et de juteux investissements de la part des majors de la promotion immobilière et du BTP. Mais aussi et surtout, il aura fallu des ouvriers. Or, à ce sujet, les propos sont unanimes : « il n’y a pas de Français sur les chantiers, ils sont tous dans les bureaux ».

Les études montrent que la construction est le deuxième secteur recensant le plus de travailleur·ses immigré·es et on trouve trois fois plus d’immigrés que de non-immigrés parmi les « ouvriers du gros œuvre du bâtiment »[1]. Ils représentent environ un quart des ouvriers du gros œuvre et un sixième des ouvriers du second œuvre, pour seulement un dixième des cadres du BTP. Ce qu’il fallait démontrer : « Un emploi est plus souvent occupé par un immigré lorsque le métier est exposé à des conditions de travail pénibles. »[2]Les blanc·hes laissent aux autres corps, aux corps des autres, les métiers et les travaux les plus dangereux et les plus usants, les plus précaires, les moins valorisés, et encore ceux où l’évolution sociale est la moins facile.
Simultanément, on ne voit pas l’ombre (ou presque) d’une diversité ethnique dans les grands prix d’architecture – Équerre d’argent, Albums des jeunes architectes et paysagistes, Grand prix de l’urbanisme ou Palmarès des jeunes urbanistes –, ni côté lauréat·es ni côté jury. Le tableau dessiné par ces seuls faits est déjà limpide : un travail de « décolonisation »[3] de l’architecture est à mener. C’est à ce chantier qu’entend s’atteler l’ouvrage Décoloniser l’architecture paru ce mois-ci aux éditions Le Passager Clandestin.
Pour la militante décoloniale Françoise Vergès, « peu de champs d’ét