Anthropologie

Échapper au piège identitaire : repenser la « différence culturelle »

Anthropologue

Entre l’intransigeance des « républicains » et le relativisme des « décoloniaux », comment trouver une voie moyenne qui permettrait de sauver l’universalisme sans nier que ce principe ait pu à diverses époques justifier la colonisation ou la domination occidentale sur le reste du monde ?

Depuis quelques années, l’universalisme fait l’objet d’un débat nourri entre deux factions du paysage intellectuel et politique. D’un côté, on peut noter l’existence d’une mouvance universaliste, républicaine et laïcarde dont le signe distinctif est l’hostilité au foulard, et qui dénonce le « racisme anti-blanc ». De l’autre, une mouvance décoloniale qui fustige l’universalisme taxé de « blanc » et qui voit dans ce principe une idéologie justifiant l’esclavage, la domination coloniale et la sujétion dans laquelle sont maintenus les « racisés ». À cette critique de l’universalisme est liée l’utilisation par les décoloniaux d’autres notions comme celle de « privilège blanc », c’est-à-dire l’aveuglement des Blancs envers la suprématie qu’ils exercent de fait dans notre société.

Entre ces deux postures, il est bien difficile de trouver une voie moyenne qui permettrait de sauver l’universalisme sans nier que ce principe ait pu à diverses époques justifier la colonisation ou la domination occidentale sur le reste du monde en imposant de façon aveugle les « droits de l’homme », en combattant hors de tout contexte l’excision ou bien encore en imposant l’expression publique de l’homosexualité aux gays et aux lesbiennes des pays du Sud.

Dans l’ouvrage de dialogues que nous avons écrit, Souleymane Bachir Diagne et moi-même, nous avons tous deux défendu une position universaliste mais en partant de prémisses différentes. Souleymane Bachir Diagne défend une conception de l’universalité reposant sur la multiplicité des langues alors que, pour ma part, je suis l’adepte d’une pensée « traversante » qui met l’accent sur les similitudes entre les cultures.

Selon Souleymane Bachir Diagne, l’existence d’une multiplicité de langues existant dans leur intangibilité est une donnée de fait. Et la question qu’il se pose alors est celle de leur différence radicale et donc de leur possibilité d’être traduites les unes dans les autres. Pour comprendre sa position, il faut partir du mythe de B


[1] Ce qui ne veut pas dire pour autant que, comme le prétend Lorent Deutsch, il n’est pas nécessaire d’apprendre l’arabe à l’école sous prétexte que le français contient plusieurs centaines de mots provenant de cette langue. Ce qui est d’ailleurs pour lui, le signe de son abâtardissement.

Jean-Loup Amselle

Anthropologue, Directeur de recherche émérite à l'EHESS

Notes

[1] Ce qui ne veut pas dire pour autant que, comme le prétend Lorent Deutsch, il n’est pas nécessaire d’apprendre l’arabe à l’école sous prétexte que le français contient plusieurs centaines de mots provenant de cette langue. Ce qui est d’ailleurs pour lui, le signe de son abâtardissement.