À quoi sert donc Christopher Lasch ?
Une certaine lecture de l’Histoire contemporaine s’impose dans une partie de plus en plus réactionnaire du champ intellectuel français. C’est un récit décliniste qui peut se résumer très simplement : il était une fois le modèle social français, efficace et heureux, qui aurait su gérer via un État fort les inégalités et les conflits sociaux. Or ce modèle autrefois solidement établi a dû plier face à un modèle économique anglo-saxon mondialiste, individualiste et libre-échangiste. Les bases économiques de la République s’en seraient depuis trouvées ébranlées.
Ce récit ne va pas sans son jumeau identitaire, nourri du regret des changements d’ordre culturel. Il y a peu, on se serait accordés à un esprit universaliste et républicain, fondé sur une culture commune unissant les Français. À cause de la culture de masse et ses valeurs permissives, ainsi que de l’immigration postcoloniale, le pays se serait trouvé ensuite émietté en groupuscules déracinés et communautaristes. Autrefois, l’individualisme universaliste et enraciné aurait prévalu, aujourd’hui ce serait le tour de l’individualisme narcissique et identitaire.
Espérant trouver la clé de ce basculement dans un moment précis de l’histoire de France, on entend que c’est à partir de mai 1968 que tout aurait changé. C’est à partir de cette date, il y a cinquante ans, que les plaques tectoniques de la politique française se seraient fracturées. Du gouffre qui s’est dès lors ouvert sont sortis tous les fantômes qui nous hantent aujourd’hui : un individualisme destructeur, le rejet du passé, la haine des traditions et le déni de toute autorité.
La « nouvelle pensée unique » française regroupe les déçus de la gauche post-68 et les nostalgiques de la France d’avant l’immigration.
D’autres, cherchant le coup de grâce pouvant tout expliquer, en font même l’histoire d’un long complot. Alors que les partisans de Mai 68 se réclamaient de gauche, les voilà percés à jour : ils n’étaient qu’un cheval de Troie. Leur discou