Société

Pollueurs Anonymes : répondre à la crise écologique par une politique du rétablissement

Sociologue

Les comportements qui provoquent, en toute conscience, la détérioration du climat et de l’environnement naturel sont très proches des comportements addictifs. Fort de ce constat, on peut chercher les solutions du côté des méthodes de rétablissement mises au point contre l’alcool, la drogue ou le jeu… et renoncer à l’apparition d’un homme nouveau débarrassé des tares morales de l’ancien monde pour chercher en priorité les moyens pratiques de s’en passer « une journée à la fois », de préférence à une improbable guérison totale.

Les Alcooliques et Narcotiques Anonymes utilisent le terme recovery, qui signifie rétablissement, récupération…, pour cibler l’état recherché lorsqu’on lutte contre une addiction. Dans le cas des addictions sévères, il est rare en effet d’aboutir à une guérison complète au sens de la disparition du désir pathologique qui pousse à retourner sans cesse vers l’objet addictif, malgré ses conséquences négatives. On peut néanmoins espérer « vivre avec » ce désir compulsif en contenant son emprise sur les pratiques ordinaires par des méthodes qui consistent par exemple à changer d’environnement ou de relations, à éviter les situations propices à son déclenchement quotidien et surtout à trouver de nouveaux objets de satisfaction capables de prendre le pas sur ceux qui ont conduit au développement de l’addiction.

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Ce genre de méthodes pourrait s’appliquer aux pathologies majeures des sociétés contemporaines telles que l’incapacité à réduire l’empreinte carbone ou l’usage de produits toxiques en agriculture, l’optimisation économique au-delà de toute limite sociale, environnementale ou de civilité, les emballements spéculatifs des banques et organismes financiers, ou encore le pillage des données personnelles et de la disponibilité mentale par le despotisme numérique.

Ces différentes pathologies sociales offrent en effet une parenté avec les addictions dont elles partagent l’impossibilité d’endiguer des pratiques dont tout le monde s’accorde pourtant sur les conséquences nuisibles : destruction des ressources naturelles, désindustrialisation dans certains pays et surexploitation du travail dans d’autres, gains financiers disproportionnés et collectivement coûteux, marchandisation et colonisation de l’intimité par les enregistrements numériques – en plus des addictions proprement dites de certains utilisateurs.

La société de récompense

Le rapport collectif à la détérioration du climat et de l’environnement naturel est typique de cette situation, puisqu’en-dehors


Patrick Pharo

Sociologue

Mots-clés

Climat