Société de vigilance : l’introuvable signal du passage à l’acte
Jeremy Bentham était un doux rêveur. Quand, en 1791, il a conçu une architecture circulaire assurant à un surveillant une capacité quasi panoptique, celle de voir d’un seul coup d’œil – ou presque – tous les comportements potentiellement délictueux, il comptait sur le pouvoir dissuasif de la surveillance. Il cherchait, disait-il, à frapper l’imagination plus que les sens eux-mêmes.

Si le plan panoptique est resté dans l’histoire un plan d’établissement pénitentiaire, il pouvait servir, dans l’esprit du philosophe utilitariste, à construire un hôpital ou à une usine et représentait même la société dans son ensemble, pour autant que les gouvernants doivent eux aussi être surveillés pour leurs malversations éventuelles ou leurs abus de pouvoir. Il s’agissait toujours de compter sur le déplaisir causé au contrevenant par la publicité de ses délits. C’est pour cette raison qu’au centre du dispositif se tenait une tour de contrôle capable d’assurer à celui ou ceux qui surveillent une vue d’ensemble en tournant le regard d’un quart de tour. Le guet classique s’en trouvait renouvelé.
Nous n’en sommes plus là. L’appel à une société de vigilance émis par Emmanuel Macron le 8 octobre après l’attentat qui s’était déroulé quelques jours plus tôt dans l’enceinte de la Préfecture de Police est d’un autre ordre. Le 18 octobre, d’ailleurs, Edouard Philippe a précisé qu’il ne fallait pas confondre « société de vigilance » et « « société de surveillance ». Selon lui, une « société de vigilance » n’est pas aussi dangereuse qu’une « société de surveillance ». Ce n’est pas à un Big Brother que le chef de l’État s’est d’après lui référé mais à une communauté citoyenne soucieuse de sa sécurité. La société de vigilance devrait donc donner vie à une nouvelle version de la citoyenneté, incarnée dans la figure du citoyen-vigile. Qu’en est-il ? Que la surveillance et la vigilance ne se recoupent pas exactement, c’est exact. Mais celle-ci comporte-t-elle moins de risques que celle-là ou n’est-e