Laïcité : un vent mauvais souffle sur l’école
En cette fin d’année 2019, les débats sur l’école nous ont donné la mesure du vent mauvais qui souffle à nouveau sur cette dernière, autour des questions qui touchent à la laïcité et, principalement, à la laïcité scolaire. En France, l’école publique républicaine et laïque est loin d’être un champ autonome de la société et les débats qui la concernent directement ne sont jamais strictement circonscrits à ses seules actions éducatives.
Depuis sa fondation, sous la IIIe République, ils impliquent à la fois la prise en compte d’une conception de l’importance du rôle dévolu à l’État dans sa mission enseignante et une vision de ce que la République est appelée à transmettre aux futurs citoyens. Cela explique la caisse de résonance considérable que suscite chaque événement qui porte ou porterait « atteinte à la laïcité », puisque c’est désormais le vocable qui domine quand il s’agit d’enfants et d’adolescents confiés à l’école de la République.
Le principal enseignement vient du fait qu’à l’évidence, les « atteintes » peuvent aussi être le fait des adultes dont l’une des missions est pourtant de veiller à l’adhésion des élèves aux principes et aux valeurs de la République. On sait l’émotion qu’ont suscité, dans tout le pays et au sein même de la majorité présidentielle, les propos tenus par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer au sujet de l’accompagnement de sorties scolaires par des mères portant un foulard dit « islamique » (hidjab), et ce, tout le long du mois d’octobre dernier. Celui-ci, dans une interview télévisée sur une chaine d’information en continu, a considéré que le port du foulard ne correspondait pas à « nos » valeurs communes, et que, sans être pourtant interdit, il ne devait pas être « encouragé » car il n’était « pas souhaitable dans notre société ».
Peu sensible à la polémique qui a suivi cette assertion qui semblait devoir l’exonérer du respect que chacun doit à la loi, il l’a depuis réitérée sur d’autres chaînes ou radios nationales… Alors que l’on pourrait attendre d’un ministre de la République une parole apaisée, celle-ci a semblé tout au contraire appuyer les opinions affichées de cet élu d’extrême-droite, en renchérissant plutôt mal à propos sur le « problème » du port du foulard par les mamans accompagnatrices de sorties scolaires. Et surtout, il s’est permis cette appréciation « personnelle » sans qu’il ait semblé devoir prendre en compte le contexte immédiat, de manière soit irresponsable, soit calculée, ce qui serait encore plus grave.
Ces propos du ministre s’inscrivaient en effet dans une séquence nationale particulière où le débat interminable sur le foulard venait d’être à nouveau relancé par un élu RN du conseil régional de Bourgogne. Ce dernier avait mis violemment en cause la légitimité de la présence à cette assemblée républicaine – pourtant publique – d’une mère accompagnatrice de sortie scolaire en raison du port de son foulard. Le tout dans un débat encore accru par le scandale de la diffusion en direct sur une chaîne d’information en continu de propos ouvertement antimusulmans proférés par un polémiste à la mode quelques jours plus tôt, lors d’une convention initiée par l’étoile montante de l’extrême-droite.
La tentation récurrente ces dernières années de faire de la laïcité un principe de restriction marque un tournant significatif dans sa redéfinition.
Enfin, de nouvelles propositions de lois visant à une interdiction plus générale du foulard dans l’espace public ou même à celle de la constitution d’hypothétiques listes « communautaires » aux prochaines élections municipales ont été faites par diverses personnalités de droite ou d’extrême droite tout au long de l’automne qui s’achève. Il faut répéter que toutes ces initiatives entretiennent surtout l’amalgame fallacieux entre une religion, ses adeptes français, et une expression terroriste qui s’en réclame indument. Elles rajoutent encore à l’hystérisation du débat public et à la stigmatisation, à travers la mise en cause des femmes portant librement le foulard, des citoyens de confession musulmane de notre pays.
Certes, le vote en première lecture par la droite sénatoriale, mardi 29 octobre, d’une proposition de loi interdisant l’accès des mères portant un foulard à tout accompagnement lors des sorties scolaires a été jugé finalement « contre-productif » par le ministre de l’éducation nationale. Mais le mal était fait. Tout le monde a bien compris que la tentation d’un durcissement de la laïcité était plus que sous-jacente dans les propos de Jean-Michel Blanquer, de son cabinet et d’une grande partie de l’opinion publique.
Il faut tout de même rappeler que la jurisprudence centenaire de la laïcité a toujours respecté les principes libéraux de la loi de 1905 portés par des républicains aussi sincères qu’Aristide Briand, Ferdinand Buisson ou Jean Jaurès. Ces derniers avaient unanimement considéré que la règle première devait être la préservation de la liberté individuelle et que les mesures d’interdiction ne devaient relever que d’une exception toute proportionnée. La tentation récurrente ces dernières années de faire de la laïcité un principe de restriction de la libre expression des convictions dans l’espace public marque donc un tournant significatif dans sa redéfinition.
Cette polémique s’inscrit en effet dans un débat interne à l’Éducation nationale, quelques jours seulement après la réaction outrée (et non désavouée par sa hiérarchie) d’un membre du conseil des sages de la laïcité – relevant du même ministère – qui a relayé sur les réseaux sociaux le détournement douteux d’une affiche de la FCPE, le syndicat majoritaire des parents d’élèves, assimilant les mères accompagnatrices de sortie scolaire portant le foulard à des djihadistes ou à des pédophiles notoires.
Là encore, si le ministre est bien monté au créneau, ce n’est pas pour condamner (voire démettre de ses fonctions pour défaut de retenue laïque) ce « sage » qui n’en a que le nom, mais pour admonester, de manière totalement inédite, le libre choix de la FCPE. En s’ingérant dans les choix de communication de cette dernière, il a donné une fausse interprétation de la loi (en l’occurrence la FCPE ne faisait que dire et illustrer le droit actuel) et a enfreint la règle électorale qui veut qu’en période d’élection des parents d’élèves le ministère n’a pas à s’immiscer de quelque manière que ce soit dans la campagne en cours.
Comme une mise en musique de cette volonté ministérielle, le 8 novembre dernier, lendemain des vacances de la Toussaint, la rectrice de l’académie de Versailles s’est rendue avec le maire de Clamart dans une école maternelle de cette ville à l’occasion de la « Journée contre le harcèlement à l’école ». La directrice et l’ensemble des personnels avaient préparé avec application cette visite, et avaient sollicité des parents d’élèves comme il est souvent d’usage, afin d’aider les enseignants à mieux encadrer les enfants. La visite a tourné court. Dès son arrivée, et à la seule vue des mamans présentes, dont certaines portaient un foulard, le maire et l’ensemble de la délégation ont tourné les talons.
Un appel au cabinet du ministre aurait définitivement convaincu la rectrice, elle aussi semble-t-il peu au fait de la réglementation en vigueur, d’agir de cette manière aussi brutale qu’expéditive. L’effet dans l’école et dans le quartier a été désastreux. Sans être assorti d’aucune tentative de discussion contradictoire avec les premières intéressées, sans aucun dialogue de type pédagogique avec les équipes, ce départ précipité, a été jugé par ces derniers comme une forme toute particulière de mépris et ce moment fort de mobilisation contre le harcèlement s’est soldé par un sentiment d’immense gâchis.
Que peuvent en effet comprendre les élèves, les parents, les enseignants même, par ailleurs très investis sur la question de la laïcité ? L’interprétation erronée qui a été faite ici par l’institution elle-même, via la rectrice, sur la base du Vademecum pourtant publié par le ministère, contrevient à l’esprit même de la laïcité. Mais qui s’en souciait vraiment ?
La question de la légitimité de l’expression religieuse dans l’espace public et dans l’école particulièrement a déjà été largement cadrée d’un point de vue juridique. Si dans la société et l’espace commun, toute liberté est laissée aux individus sur la manière dont ils souhaitent s’habiller (à l’exclusion de la dissimulation du visage interdite par la loi du 11 octobre 2010), à l’école primaire et secondaire publique, le port de signes religieux ostensibles (laissant toute liberté sur le port de signes discrets) a été finalement interdit aux élèves mineurs par la loi du 15 mars 2004.
Sur la question du foulard des mamans accompagnatrices, le droit s’est aussi finalement imposé en s’appuyant sur des textes historiques stabilisés. Les textes d’accompagnement chargés depuis de préciser la doctrine de l’Éducation nationale, que ce soit la Charte de la laïcité à l’école introduite par le ministre Vincent Peillon en 2013, les deux livrets « laïcité » de 2015 et 2016 publiés par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, le Vademecum de la laïcité proposé par l’actuel ministre en 2017 et précisé en 2018 sont d’ailleurs unanimes sur ce point : rien ne peut légalement empêcher une mère de garder son foulard lorsqu’elle accompagne volontairement et bénévolement (pour des raisons à la fois de crise budgétaire et de sécurité) une sortie scolaire.
Les participants ponctuels à des activités au sein d’un établissement scolaire public, dont les parents d’élèves, ne sont, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans son étude du 19 décembre 2013 (adoptée en Assemblée générale), ni des élèves, ni des agents du service public qui, quant à eux sont effectivement soumis à une stricte neutralité et donc notamment à l’interdiction du port de tout signe, même discret. Ils ont donc le droit de porter un signe religieux, à condition bien sûr qu’ils n’adoptent pas de comportement prosélyte. Les garanties constitutionnelles (article 1er de la Constitution de 1958) ou supra constitutionnelles (article 9 de la Charte européenne des droits de l’homme), interdisent d’ailleurs absolument tout type de législation aboutissant à une restriction disproportionnée du droit de chacun à l’expression de sa liberté religieuse ou convictionnelle dans l’espace public.
La voie d’un durcissement des règles laïques semble ainsi se dessiner grâce à l’interprétation toute particulière que fait le cabinet du ministre – et le ministre lui-même – d’un avis rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon. Celle-ci, par un jugement du 23 juillet 2019, avait admis la légalité du règlement intérieur d’une école soumettant au principe de neutralité les parents d’élèves qui interviennent « à l’intérieur des locaux scolaires » (ce qui correspondrait aux cas des mamans portant le foulard de l’école de Clamart) s’ils « participent à des activités assimilables à celles des enseignants ». Cet arrêt n’a pas encore été confirmé par le Conseil d’État lui permettant de faire jurisprudence.
Comme ce dernier n’a par ailleurs pas reconnu l’existence d’une nouvelle catégorie juridique faisant des « participants à l’exécution du service public » des personnes assimilables aux agents de l’État, le jugement de Lyon ne pouvait donc exiger des parents « une soumission inconditionnelle au devoir de neutralité » sauf dans le cas où ces derniers exerceraient « directement » une mission de service public de l’enseignement délivrée dans les locaux scolaires. Dans le cas contraire, ils restent évidemment de simples « usagers », et ne sont donc pas astreint au même devoir de neutralité que les personnels salariés de l’école.
L’usage immodéré de cas particuliers prouve encore que les discours officiels sont idéologiquement situés.
Comment qualifier alors la participation de ces trois mamans de Clamart ? Étaient-elles en train d’exercer une mission d’enseignement normalement délivrée par l’enseignant ? Ce n’était pourtant pas le cas. Apportaient-elles un soutien ponctuel ou une aide logistique à une activité encadrée et délivrée par le personnel de l’école ou de l’établissement scolaire ? Oui en l’occurrence, et c’est pour cette raison que ces mères pouvaient se vêtir à leur convenance. Quel effet a eu cet événement malheureux du 8 novembre ? Une incompréhension profonde d’une grande partie de la communauté éducative face à la politique menée par leur institution d’appartenance, alors même que celle-ci prône à grand renfort de communication « l’école de la confiance »…
Or, on sent bien que sous le ministère Blanquer, la cause est finalement ailleurs : il s’agit plutôt de tordre le droit afin d’éradiquer tout signe religieux qu’il soit ostensible ou même discret (et particulièrement musulman) de l’école. Et c’est là que se décèle l’inflexion majeure de la politique menée, dans son rapport à la laïcité scolaire, entre le ministère actuel et les précédents. Alors que ces derniers visaient à réaffirmer le cadre républicain et laïque de l’enseignement tout en prônant le dialogue et la mise en place de pédagogies aussi inclusives que possible, le ton s’est considérablement durci avec le ministre actuel.
Cela est immédiatement apparu par exemple à travers le choix très politique des personnalités du « Conseil des Sages », majoritairement adeptes d’une ligne intransigeante en matière de laïcité et de visibilité religieuse à l’école. Ainsi Latifa Ibn Zlaten, la mère du militaire assassiné en 2012 par le terroriste Mohammed Merah à Toulouse, s’est-elle vu demander, lors de son audition devant ce dernier le 5 févier 2018, de bien vouloir retirer son voile lors de ses interventions toutes bénévoles en faveur de la tolérance et de la paix civile dans les écoles. Ce qu’elle a – et à bon droit – refusé…
Cela se voit encore dans la torsion conceptuelle que l’on voit à l’œuvre dans l’appellation-même de la plateforme de signalement interne à l’Éducation nationale « atteintes à la laïcité ». Sous son appellation racoleuse, ce dispositif accessible uniquement aux membres des équipes pédagogiques, laisse entendre que seuls les élèves pourraient être auteurs d’atteintes à la laïcité, alors que l’obligation absolue de neutralité religieuse n’est de fait légalement exigée que des fonctionnaires représentant l’État laïque.
Lorsque l’on étudie les rares analyses chiffrées livrées par le ministère, qui ne les délivre d’ailleurs que de manière très partielle et peu argumentée, le flou reste entier. Si l’on comprend bien que le port de tenue à caractère religieux et la suspicion de prosélytisme (respectivement 25% et 10% des cas signalés en 2018) peuvent rentrer dans cette catégorie, que dire en revanche du refus de pratiquer une activité scolaire (20%), de contester un enseignement particulier (12%) ou bien de ne pas fréquenter de manière prolongée le service de restauration ?
Les deux premiers cas appellent à une réponse pédagogique concertée qui relève traditionnellement de la mission de l’école, quant au dernier, nulle part il n’est précisé que l’assistance à la cantine soit devenue obligatoire… Toutes ces « infractions » n’ont – quoi qu’il en soit – que peu de rapport avec le principe même de laïcité, y compris scolaire.
Il en va de même avec le procédé rhétorique de plus en plus souvent utilisé par diverses autorités faisant d’une accumulation de faits divers invérifiés, invoqués pour susciter à la fois l’émotion et l’indignation, de soi-disant preuves d’atteintes à la laïcité. Ces éléments de langage sont régulièrement utilisés depuis plusieurs années maintenant, comme par exemple l’existence supposée de petites filles « en burqa » dès l’âge de 5 ans dans les banlieues du nord de Paris avancée par une ancienne ministre aux droits de femmes, l’impossibilité de porter une jupe dans certains quartiers populaires « islamisés » dénoncée par une féministe célèbre qui n’y a jamais probablement mis les pieds, ou bien encore le refus par des petits garçons de tenir la main des petites filles dans certaines écoles primaires cités plus récemment par le ministre Blanquer.
À rebours de toute épistémologie académique, cet usage immodéré du cas particulier qui pointe sans jamais le dire ouvertement certaines pratiques patriarcales émanant soi-disant des seules populations de culture musulmane, prouve encore que le discours officiel de ce dernier est bien idéologiquement situé. Renonçant à évaluer sincèrement et à chercher des solutions réelles aux difficultés rencontrées à l’école, en particulier l’absence criante de mixité sociale dans les quartiers enclavés et en déshérence, il semble surtout ainsi vouloir masquer son impuissance dans cette lutte toujours plus nécessaire contre les inégalités sociales et culturelles croissantes qui fracturent notre société.
En confortant les peurs sociales et en y ajoutant le venin de la suspicion, Jean-Michel Blanquer semble flirter avec une certaine démagogie électoraliste bien dans l’air du temps.
Au-delà de l’école, c’est bien une acception dévoyée du principe juridique de laïcité, tendant à imposer la neutralité de l’espace public et des membres de la société qui le compose qui se généralise aussi chez certains « intellectuels » ou faiseurs d’opinion, femmes ou hommes politiques, dans les médias et sur les forums de discussion. Reprise telle quelle et sans être jamais questionnée, elle permet à l’Ifop, un institut de sondage moins neutre qu’il n’y paraît dans sa manière de poser les questions, d’affirmer dans un article du Journal du Dimanche paru à la fin du mois d’octobre, que plus de 78% des personnes interrogées considérait la laïcité comme « de plus en plus menacée » et assimilait tout signe religieux arboré dans l’espace public à autant d’entorse supposée au principe de laïcité.
Cette inculture laïque ne cesse de gagner dans notre pays. On l’a encore vu à travers le cas de cette religieuse catholique qui, au mois de novembre dernier, s’est vu refuser une chambre dans une maison de retraite publique de Vesoul au prétexte qu’elle souhaitait pouvoir continuer à y porter ses habits religieux comme elle l’avait toujours fait par le passé. Le refus avait été motivé par une interprétation à la fois fausse et exagérément extensive du principe de neutralité : « Dans le respect de la laïcité, tout signe ostentatoire d’appartenance à une communauté religieuse ne peut être accepté en vue d’assurer la sérénité de toutes et de tous. En effet, la religion est une affaire privée et doit le rester ».
Or l’article premier de la loi de 1905 est pourtant clair : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». En quoi le vêtement de cette religieuse pouvait-il donc attenter au respect des autres usagers, voire mettre en cause l’ordre public ? Le maire de la ville s’est par la suite excusé et a invoqué une « erreur d’appréciation ». Mais ce type d’erreur devient désormais bien trop courant et gagne en dangerosité lorsqu’il est fait par des femmes et des hommes en responsabilité…
On peut donc s’interroger sur les buts réellement poursuivis par l’actuel ministre de l’Éducation nationale et si des préoccupations de type plus idéologiques que réellement pédagogiques ne motivent pas, en sous-main, ce qui peut apparaître comme des « dérapages » publics contrôlés. En confortant les peurs sociales et en y ajoutant le venin de la suspicion, ne semble-t-il pas flirter avec une certaine démagogie électoraliste bien dans l’air du temps ? On ne peut s’empêcher de se demander, au vu de la mise en lumière actuelle des profondes « divisions » du parti LREM et des commentaires présidentiels sibyllins qui semblent impuissants à les atténuer, si cette cacophonie autour de la laïcité ne serait finalement pas orchestrée en haut lieu, afin de mieux pouvoir saturer tout l’espace politique disponible.
Pourquoi est-ce grave ? Parce que depuis la loi de 2004 prolongeant l’interdiction de tout prosélytisme (qu’il soit politique ou religieux) dans l’enceinte scolaire publique depuis les circulaires Jean Zay de 1936-37, les responsables politiques, en particulier ceux en charge du pilotage de l’école, avaient tout fait pour tenter d’apaiser le débat sur cette question sensible de la nouvelle visibilité des signes religieux. Un vaste effort d’explication juridique, assorti d’une réflexion intellectuelle et d’un effort de renouvellement pédagogique avaient alors été mis en œuvre pour mieux informer et outiller les responsables éducatifs face aux défis croisés de la pluralisation culturelle des élèves et de la massification scolaire.
Avec la recréation d’un enseignement moral et civique à tous les degrés d’enseignement et l’adoption d’une Charte de la laïcité à l’école en 2013, avec la mise en place des référents laïcité en 2014, d’une Équipe nationale « laïcité et fait religieux », des équipes académiques « Valeurs de le République », tout un dispositif a été méthodiquement construit pour pouvoir répondre de manière rapide et au plus près des préoccupations locales aux questions remontant du terrain.
Avec la grande mobilisation de l’école qui a suivi la série d’attentats de l’année 2015, avec l’organisation de formations « laïcité » tous azimuts et à tous les échelons de l’institution scolaire (où en sont d’ailleurs ces formations aujourd’hui ?), l’institution avait réussi à ramener le calme et gérer les passions sur ces questions en réintroduisant un principe premier et constitutif de l’école : la pédagogie. Et tous ces efforts avaient fini par porter des fruits. Des efforts qui semblent avoir été annihilés en cet automne 2019, à la fois par la radicalisation du message ministériel et par les politiques clivantes mises en place au lieu de la conduite d’un véritable et patient dialogue respectueux ; comme un automne de l’école républicaine, frappé par un vent mauvais…