L’indépendance contre la démocratie
Lundi 13 janvier, Ursula von der Leyen et l’ensemble des nouveaux commissaires ont pris le chemin de Luxembourg pour y prêter le rituel « serment d’indépendance » de la Commission européenne devant les juges de la Cour de justice de l’Union européenne, marquant ainsi officiellement l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne.

La chose peut surprendre au terme des longues tractations politiques qui ont présidé à la naissance de l’exécutif européen, mais elle rappelle que la Commission agit aussi (et peut-être avant tout) en régulateur en chef du Marché unique. Les commissaires rejoignent ainsi la famille très large de ces décideurs publics qui, de la Banque centrale européenne à l’Autorité de la concurrence, du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la Cour des comptes tirent une part de leur légitimité politique de leur « indépendance » revendiquée à l’égard du politique.
La scène des pouvoirs qui invoquent ainsi une extériorité au circuit de la politique représentative ou du commandement bureaucratique n’a pas cessé depuis les années 1980 de se peupler de nouvelles figures et de pénétrer de nouveaux domaines de l’action publique. C’est à elle qu’on fait désormais immanquablement appel quand il s’agit aujourd’hui de garantir la concurrence libre et non faussée des marchés les plus divers, de protéger les données personnelles, de définir les taux d’intérêt, de prévenir des conflits d’intérêts des gouvernants, de réguler la finance, l’audiovisuel, etc. Et c’est en son nom qu’on évalue, enquête, régule, juge, arbitre, épingle, voire sanctionne.
Les médias peinent du reste à rendre compte de cette étonnante ubiquité sociale et sont aujourd’hui contraints de multiplier les labels pour identifier ces nouveaux lieux de pouvoir : « sages » du Palais Royal ou de la rue Cambon, « gendarme » de la bourse, « avocat » de la concurrence, « protecteur » des données personnelles, « vigie » des finances publiques, « garant » des primaires des partis politiques, etc.
Fau