Société

Covid-19 : impréparation et crise de l’État

Sociologue, Sociologue

La gestion de la pandémie vient révéler les carences des États, notamment du nôtre. Nous vivons dans une fausse impression de préparation : manque de coopération, de coordination, de transparence – formidable paradoxe d’une société sur-organisée. On répond que la situation est inédite. Mais insister sur la singularité, c’est se refuser à tirer des leçons. Pourtant, il est déjà temps de s’interroger sur l’après.

La situation que nous traversons est à maints égards unique, inédite, extraordinaire, hors norme. Mais est-elle si singulière ? Autrement dit tellement à part qu’elle ne peut être gérée qu’à l’aide de normes et de dispositifs ad hoc, conçus à son seul endroit ? Tout semble en effet indiquer que les instruments et les organisations dont nous disposions pour gérer des crises sont devenus soit inopérants, soit clairement insuffisants.

Devant une menace dont le gouvernement n’a réellement pris l’ampleur que début mars, le président de la République a d’abord créé un conseil scientifique qui n’était prévu dans aucun texte, puis décidé de mesures de confinement totalement inédites, avant que son gouvernement ne fasse adopter par le Parlement une loi d’urgence sanitaire qui comprend un certain nombre de dispositions d’exception.

Cette situation soulève de multiples questions. Celles-ci devront non seulement guider nos recherches et nos réflexions une fois la crise terminée, mais également offrir des prises pour l’action publique s’agissant de tirer les leçons de cette situation inédite.

Science et expertise : un confinement institutionnel

Confrontés à une crise majeure, qui devrait dépasser tout ce que nous avons pu connaître depuis des décennies tant sur le plan sanitaire qu’en matière de déstabilisation économique et sociale, le président de la République et son gouvernement ont décidé de mettre le sort du pays entre les mains d’un conseil scientifique dont ils affirment suivre à la lettre les recommandations et dont la création a été officialisée ex post par la loi d’urgence sanitaire.

Cette situation est doublement inédite. D’abord, parce qu’elle fait suite à des décennies d’une action publique qui s’est toujours tenue, à quelques exceptions près (on pense à l’économie, avec des résultats qui interrogent s’agissant notamment de la crise de 2008), à bonne distance de la science. On n’a jamais entendu les ministres du travail, des transports ou de l’écologie justifier l


Olivier Borraz

Sociologue, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre de Sociologie des Organisations (CNRS-Sciences Po)

Henri Bergeron

Sociologue, Directeur de recherches au Centre de sociologie des organisations Sciences Po-CNRS

Mots-clés

Covid-19