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De la raison sécuritaire à la raison sanitaire : la gestion pandémique en Israël et Palestine

Sociologue

Ni l’État d’Israël, ni l’Autorité Palestinienne n’avaient de plan de gestion d’épidémie, mais leurs citoyens, particulièrement habitués aux économies de guerre, savent s’organiser rapidement, de Gaza à Ramallah, jusqu’à Tel-Aviv. À ce titre, le lien qui unit le citoyen palestinien ou israélien à l’État-nation repose sur l’intériorisation d’un ensemble de normes sécuritaires. C’est seulement parmi les ultra-orthodoxes juifs que le refus de se plier à la règle politique a produit des conséquences sanitaires graves.

La crise sanitaire est riche d’enseignements pour qui veut comprendre les structures du pouvoir, de l’État et des institutions qui concourent au gouvernement des populations. Des notions comme celle de « biopolitique » ou de « résilience » semblent être devenues essentielles, en Europe et ailleurs. Les contributions abondent pour décrire un « état d’exception » et plus généralement l’optimisation du souci sanitaire dans la gestion de l’épidémie de la Covid-19. Dans le cas d’Israël, ces termes ont une signification particulière car les populations, tout comme l’urbanisme et les environnements, sont depuis la naissance de l’État régulés et encadrés dans une perspective sécuritaire.

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Aussi, à l’heure où se met en place en France et dans d’autres pays un état d’urgence sanitaire, ce type de gouvernementalité s’applique de longue date en Israël. La raison sécuritaire repose sur l’état d’urgence, en vigueur depuis 1948, incluant le rôle central de l’armée et des institutions d’État, et la discipline des populations, disponibles et mobilisées en cas d’alerte. Elle consiste également à mettre en place des instruments biopolitiques protégeant les populations en cas de guerre. S’ajoute à cela, depuis 1967, date de l’occupation de la rive Ouest du Jourdain, des dispositifs juridiques ou administratifs complexes concernant les Territoires Palestiniens.

D’autre part, aucun autre pays qu’Israël n’a développé une conception aussi étroite des rapports entre économie et sécurité, y compris en temps d’épidémie. Le néo-libéralisme israélien prescrit la sécurité comme le moyen d’atteindre un état de de paix et de prospérité économique. Au sein de celui-ci, la sécurité des vies repose sur des procédures concernant par exemple la mobilité des travailleurs Palestiniens, indispensables à Israël, dans une perspective de développement du pays. Parallèlement, les autorités et les acteurs économiques organisent la mise à l’écart des religieux juifs, non productifs et indisciplinés, d


[1] Brad Evans et Julian Reid, Resilient Life. The art of living dangerously, Cambridge, UK and Maiden, Mass. Polity Press, 2014.

Sylvaine Bulle

Sociologue, Professeure à l'ENSA de Paris Diderot

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Brad Evans et Julian Reid, Resilient Life. The art of living dangerously, Cambridge, UK and Maiden, Mass. Polity Press, 2014.