Economie

Menaces sur le logement social

Urbaniste

Le plan de relance de l’économie, et sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2021 actuellement en discussion au Sénat, prévoient la captation par l’État de 1,3 milliard d’euros dans les ressources d’Action Logement – certaines pistes avancées annonçant même la suppression pure et simple de ce dispositif. Alors qu’une crise sociale devrait suivre la crise sanitaire, sénateurs de droite comme de gauche ont tenu à alerter cette semaine le gouvernement contre des mesures qui auraient des conséquences graves pour le logement social et, au-delà, pour la capacité de notre société à garantir à tous des conditions de vie acceptables.

Les mesures concernant le logement dans le plan de relance de l’économie et sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2021 indiquent une nette inflexion des intentions de l’État sur ce sujet en privilégiant vigoureusement la rénovation énergétique du parc existant sur la construction de logements neufs pourtant glorifiée jusque-là par l’objectif de générer un « choc d’offre ».

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Cette évolution en masque une autre, engagée depuis plus longtemps, qui touche le secteur du logement locatif social et consiste à en réduire de plus en plus drastiquement la part de financement public et à prélever sur ses ressources. L’accélération de ce processus a commencé dès 2017 et le projet de loi de finances en apporte une illustration supplémentaire avec la captation par l’État de 1,3 milliard d’euros dans les ressources d’Action Logement.

Les mesures successives de la mise en œuvre de cette politique, très techniques en apparence, révèlent une approche ambivalente du logement social et de ses acteurs : à la fois pièce maîtresse des politiques du logement et « enfants gâtés » richissime dont les ressources sont convoitées. Essayons d’en comprendre les ressorts.

La lente mutation du financement du logement social par lui-même

Le secteur du logement locatif social en France représente un peu plus de cinq millions de logements, soit environ 17% des résidences principales du pays. La majorité de ces logements appartiennent à des organismes d’habitation à loyer modéré (HLM), publics ou privés (4,7 millions de logements) ou à des entreprises publiques locales immobilières (anciennement sociétés d’économie mixte – SEM –, environ 400 000 logements). Il loge près de dix millions de personnes. C’est l’un des plus abondants d’Europe et il croit avec constance depuis la Seconde Guerre mondiale. Depuis le début des années 2000, sa croissance nette (après déduction des démolitions et des ventes) est de l’ordre de 50 000 unités par an. La France est le seul pays de l’Union eur


[1] Les logements neufs sont exonérés de taxe foncière pendant 25 ans, une TVA réduite s’applique à la construction, les organismes sont exonérés de l’impôt sur les sociétés pour leur activité locative.

[2] Entre 2000 et 2019, la part des fonds propres des organismes de logement social dans le plan de financement moyen passe de 5% à 16% et celle des subventions de l’État, de 7% à 2%. Source : « Les HLM en chiffres », édition 2020, Union sociale pour l’habitat (USH).

[3] Sur ce point, voir Matthieu Gimat, « Produire le logement social. Hausse de la construction, changements institutionnels et mutations de l’intervention publique en faveur des HLM (2004-2014) », thèse sous la direction de Sylvie Fol soutenue en novembre 2017.

[4] Le système français des aides à la personne affectées au logement est composé de trois régimes : l’Aide personnalisée au logement (APL), principalement affectée aux locataires du parc social, l’Allocation de logement à caractère social (ALS), principalement destinées aux jeunes et aux étudiants locataires du parc privé et l’Allocation au logement à caractère familial (ALF), ciblée sur les familles locataires du parc privé. C’est la coexistence de ces trois régimes qui conduit à évoquer souvent et par abus de langage « les APL ». Il existait jusqu’en 2020 une APL Accession, mais elle est désormais supprimée.

 

Jean-Claude Driant

Urbaniste, Professeur à l’École d’urbanisme de Paris

Notes

[1] Les logements neufs sont exonérés de taxe foncière pendant 25 ans, une TVA réduite s’applique à la construction, les organismes sont exonérés de l’impôt sur les sociétés pour leur activité locative.

[2] Entre 2000 et 2019, la part des fonds propres des organismes de logement social dans le plan de financement moyen passe de 5% à 16% et celle des subventions de l’État, de 7% à 2%. Source : « Les HLM en chiffres », édition 2020, Union sociale pour l’habitat (USH).

[3] Sur ce point, voir Matthieu Gimat, « Produire le logement social. Hausse de la construction, changements institutionnels et mutations de l’intervention publique en faveur des HLM (2004-2014) », thèse sous la direction de Sylvie Fol soutenue en novembre 2017.

[4] Le système français des aides à la personne affectées au logement est composé de trois régimes : l’Aide personnalisée au logement (APL), principalement affectée aux locataires du parc social, l’Allocation de logement à caractère social (ALS), principalement destinées aux jeunes et aux étudiants locataires du parc privé et l’Allocation au logement à caractère familial (ALF), ciblée sur les familles locataires du parc privé. C’est la coexistence de ces trois régimes qui conduit à évoquer souvent et par abus de langage « les APL ». Il existait jusqu’en 2020 une APL Accession, mais elle est désormais supprimée.