Indésirable, un concept politique
Indésirable est le mot qui vient à l’esprit régulièrement face au traitement de certains individus ou groupes humains – certaines personnes étrangères se présentant aux frontières, certaines personnes errant dans la rue, ou d’autres encore « anormalement » différentes du point de vue de leur apparence raciale, sociale, de genre, etc.
L’indésirabilité s’expérimente à travers l’impossibilité de franchir un seuil. Symbole d’une binarité et d’une bilatéralité supposément parfaites entre un monde désirable, normal, propre et sain, et un monde globalement et absolument autre (un « outre-monde » dirait Paul Virilio), hétérotopique, lieu de toutes les misères ou de tous les vices, effrayant ou négativement exotique, cette frontière se donne en spectacle sous la forme des évacuations dans les rues des villes ou des refoulements violents aux frontières nationales, sous la forme des murs, des camps, voire de la mort, aboutissement ultime de l’indésirabilité.

Plusieurs fois au cours de mes recherches dans les camps et campements de réfugiés, populations déplacées, migrants en situation irrégulière, je me suis trouvé face à cette évidence qui est aussi une aporie : le tri des populations et des corps, la mise à l’écart, l’encampement durable ou la rétention aux frontières, désignent des espaces dont le point commun est l’indésirabilité de leurs occupants.
Plus souvent identifiées comme « vulnérables » dans certains lieux par certaines organisations (HCR, ONG, etc.), les mêmes personnes sont considérées dangereuses voire criminelles en d’autres lieux et par d’autres institutions (en général, mais pas seulement, nationales). Souvent d’ailleurs, les personnes encampées dans l’urgence pour être soignées restent sur place après le premier moment du sauvetage et découvrent ainsi qu’elles sont piégées dans leur mise à l’écart. Ballotées entre des frontières infranchissables, elles occupent des lieux à part qui sont, dans le meilleur des cas, pris en charge durablement par un