De l’autre côté – sur Vitalina Varela de Pedro Costa
J’ai découvert Vitalina Varela en octobre dernier, lors d’une avant-première au cinéma parisien L’Archipel. La salle pleine manifestait plus que de la ferveur, une certaine impatience. Cela faisait plus de deux ans que l’on entendait parler de ce film (Léopard d’Or au festival de Locarno 2019), à la sortie maintes fois repoussée.
Rarement, comme ce soir-là, j’ai eu l’impression que le temps de la projection en salle était aussi précieux, d’abord parce qu’il venait combler une attente, mais aussi parce que nous savions tous que ce cérémonial qui, jusqu’à peu, semblait aller de soi, s’était trouvé menacé. Plaisir d’autant plus intense que la précédente sortie en salles d’un film de Costa datait de… janvier 2010 (pour le film-portrait musical de Jeanne Balibar Ne change rien), puisque son précédent Cavalo Dinheiro (2014) n’avait pas connu de distribution chez nous.

Cavalo Dinheiro que, personnellement, j’avais mis du temps à découvrir, dans des circonstances en tous points opposées à cette projection de Vitalina Varela. C’était un soir d’avril 2020, en plein confinement, sur l’écran 21,5 pouces de mon iMac. Ne possédant ni home cinéma, ni rétroprojecteur, j’avais quand même pris soin d’éteindre cérémonieusement toutes les lumières de mon logement, histoire de recréer, autant que faire se peut, les conditions d’une projection cinéma. Seule source lumineuse, le film éclairait mon logement, et peut-être même, en élargissant mentalement les cercles, les rues désertes alentour et la ville endormie.
Vitalina Varela est plongé dans un bain d’obscurité, qui est aussi un bain révélateur.
Si je parle de ces deux façons si opposées de découvrir les films d’un même cinéaste, c’est parce qu’elles disent quelque chose des paradoxes de cette œuvre. Voir Vitalina Varela, au sein d’une assemblée, avec le faisceau du projecteur venu de derrière nous, ou Cavalo Dinheiro, en faisant face à la lumière émanant d’un écran Retina, c’est au fond éprouver une expérience du regard asse