L’effet Bolloré : de l’écran aux urnes
Jamais le paysage politique français n’aura été aussi bousculé. A moins d’un mois de l’élection présidentielle, ce n’est pas un mais deux candidats d’ « extrême droite » qui peuvent sérieusement prétendre accéder au second tour. Marine Le Pen d’une part, qui mène là sa troisième campagne, et Éric Zemmour de l’autre, celui que l’on qualifiait il y a encore peu de « polémiste d’extrême droite » et qui est en à peine quelques semaines passé du statut de journaliste/commentateur de la vie politique à celui de candidat à l’élection présidentielle. Par quel miracle ? (Au moins en partie) celui de la télévision, où il a bénéficié pendant de longs mois d’une heure de temps d’antenne chaque soir dans le cadre de l’émission Face à l’info sur CNews.

Pour la première fois en France, une chaîne de télévision aurait-elle fait un candidat ? La question est trop importante pour être abandonnée aux domaines des seules convictions, que ce soit celles de ceux qui voient en Zemmour le fruit de CNews ou de ceux qui considèrent au contraire que la chaîne ne fait que refléter dans son contenu les préférences politiques des citoyens. Il y a en fait deux questions distinctes ici, mais qui sont fortement imbriquées. Pour commencer, il nous faut déterminer dans quelle mesure la prise de contrôle par Vincent Bolloré de CNews et des autres chaînes du groupe Canal+ en 2015 a eu un effet causal sur les contenus diffusés par ces chaînes. Si tel est le cas – ce que nous allons démontrer – il nous faut ensuite nous interroger sur les conséquences concrètes qu’un tel changement a pu avoir, notamment sur les préférences politiques des citoyens.
La création d’une chaîne d’opinion
Pour répondre à la première question, nous nous sommes appuyés sur le précieux travail des documentalistes de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) qui annotent méthodiquement les archives audiovisuelles. Nous avons extrait une base de données couvrant l’ensemble des programmes avec des invités diffusés sur 22 c