Société

Les jeunes et les pornographies : éduquer vers le plaisir ?

Psychologue

Le récent rapport de l’ARCOM, qui pointe une augmentation de la consommation de pornographie parmi les jeunes, mérite mieux que la panique morale à laquelle nombre de médias ont cédé : en reconnaissant la pornographie comme un maillon manquant entre le plaisir sexuel et l’éducation sexuelle, nous pouvons saisir l’occasion d’améliorer notre éducation sexuelle.

Le rapport de l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) révèle une augmentation de la consommation de pornographie chez les mineurs. Depuis 2017, la fréquentation des sites pornographique a augmenté de 9 points ; 2,3 millions de mineurs visiteraient ces sites chaque mois. À partir de l’adolescence, la consommation chez les garçons augmente, tandis qu’elle reste relativement stable chez les filles. Les mesures de protection actuelles ne sont pas un échec total – chez les hommes de 18 ans et plus, le temps passé sur ces sites est plus de deux fois supérieur à celui des hommes de 16-17 ans – mais elles ne sont pas d’une efficacité absolue. Ces résultats soulèvent des questions pour les scientifiques, les professionnels de la santé et les décideurs politiques, notamment en ce qui concerne la régulation des médias pornographiques et les effets préoccupants de cette consommation sur les mineurs.

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Les jeunes et la sexualité : un nouveau phénomène ?

Le rapport ARCOM est factuel mais il nécessite une contextualisation pour comprendre sa signification et sa portée. Pourtant, ses résultats sont souvent pris comme des faits indiscutables, sans être éclairés par d’autres données scientifiques. Cela conduit à une lecture simpliste mais passionnée entravant les possibilités de comprendre le rapport des jeunes à la pornographie. Ces réactions reflètent une panique morale fréquemment observée par les historiens de la sexualité face aux comportements sexuels des jeunes[1]. Rappelons cependant que, dès 1905, Freud a mis en évidence l’intérêt précoce des enfants pour la sexualité[2]. Plus récemment des études menées par l’institut Kinsey[3] ont également révélé que de nombreux jeunes ont des expériences sexuelles avec leurs pairs dès un jeune âge, motivés par la curiosité et le sentiment de transgression.

Par ailleurs, même avant l’avènement d’Internet, les enfants avaient déjà accès à des contenus pornographiques, tant à l’extérieur qu&rs


[1] Jenkins, P. (2003), « Watching the research pendulum », Sexual development in childhood, p. 3-20.

[2] Freud, S (1905), Trois Essais sur la théorie Sexuelle. Folio, page 123.

[3] Reynolds, M. A., Herbenick, D., & Bancroft, J. (2003), « The Nature of Childhood Sexual Experiences. Two Studies 50 Years Apart », In Sexual Development in Childhood (J. Bancroft, p. 134‑155), Indiana University Press.

[4] Giami, A. (2002), « Que représente la pornographie ? », In Morale Sexuelle, (CNRS Bateman Simone, p. 33‑65), Cahiers du CERSES.

[5] Singel. (2004, novembre 24), « Internet Porn : Worse Than Crack ? »,The Guardian.

[6] Par exemple : Braithwaite, S. R., Coulson, G., Keddington, K., & Fincham, F. D. (2015), « The influence of pornography on sexual scripts and hooking up among emerging adults in college », Archives of Sexual Behavior, 44(1), 111‑123. ; Bulot, C., Leurent, B., & Collier, F. (2015), « Pornographie, comportements sexuels et conduites à risque en milieu universitaire », Sexologies, 24(4), 187‑193 ; Duggan, S. J., & McCreary, D. R. (2004), « Body image, eating disorders, and the drive for muscularity in gay and heterosexual men : The influence of media images », Journal of Homosexuality, 47(3‑4) ; Hald, G. M., Smolenski, D., & Rosser, B. R. S. (2013), « Perceived Effects of Sexually Explicit Media among Men Who Have Sex with Men and Psychometric Properties of the Pornography Consumption Effects Scale (PCES) », The Journal of Sexual Medicine, 10(3), 757‑767 ; Vera-Gray, F., McGlynn, C., Kureshi, I., & Butterby, K. (2021), « Sexual violence as a sexual script in mainstream online pornography », The British Journal of Criminology, 61(5), p. 1243‑1260.

[7] Mollaioli, D., Sansone, A., Romanelli, F., & Jannini, E. A. (2018),« Sexual dysfunctions in the internet era », Sexual dysfunctions in mentally ill patients, p. 163‑172.

[8] Kvalem, I. L., Træen, B., & Iantaffi, A. (2016), « Internet Pornography Use, Body Ideals, and Sexual Self-Esteem in Norwegian Gay and Bisexu

Brice Gouvernet

Psychologue, Maître de conférences en psychologie à l'université Rouen Normandie, membre de l'association Interdisciplinaire post-Universitaire de Sexologie et de l'association Mondiale de Santé Sexuelle

Rayonnages

SociétéÉducation

Notes

[1] Jenkins, P. (2003), « Watching the research pendulum », Sexual development in childhood, p. 3-20.

[2] Freud, S (1905), Trois Essais sur la théorie Sexuelle. Folio, page 123.

[3] Reynolds, M. A., Herbenick, D., & Bancroft, J. (2003), « The Nature of Childhood Sexual Experiences. Two Studies 50 Years Apart », In Sexual Development in Childhood (J. Bancroft, p. 134‑155), Indiana University Press.

[4] Giami, A. (2002), « Que représente la pornographie ? », In Morale Sexuelle, (CNRS Bateman Simone, p. 33‑65), Cahiers du CERSES.

[5] Singel. (2004, novembre 24), « Internet Porn : Worse Than Crack ? »,The Guardian.

[6] Par exemple : Braithwaite, S. R., Coulson, G., Keddington, K., & Fincham, F. D. (2015), « The influence of pornography on sexual scripts and hooking up among emerging adults in college », Archives of Sexual Behavior, 44(1), 111‑123. ; Bulot, C., Leurent, B., & Collier, F. (2015), « Pornographie, comportements sexuels et conduites à risque en milieu universitaire », Sexologies, 24(4), 187‑193 ; Duggan, S. J., & McCreary, D. R. (2004), « Body image, eating disorders, and the drive for muscularity in gay and heterosexual men : The influence of media images », Journal of Homosexuality, 47(3‑4) ; Hald, G. M., Smolenski, D., & Rosser, B. R. S. (2013), « Perceived Effects of Sexually Explicit Media among Men Who Have Sex with Men and Psychometric Properties of the Pornography Consumption Effects Scale (PCES) », The Journal of Sexual Medicine, 10(3), 757‑767 ; Vera-Gray, F., McGlynn, C., Kureshi, I., & Butterby, K. (2021), « Sexual violence as a sexual script in mainstream online pornography », The British Journal of Criminology, 61(5), p. 1243‑1260.

[7] Mollaioli, D., Sansone, A., Romanelli, F., & Jannini, E. A. (2018),« Sexual dysfunctions in the internet era », Sexual dysfunctions in mentally ill patients, p. 163‑172.

[8] Kvalem, I. L., Træen, B., & Iantaffi, A. (2016), « Internet Pornography Use, Body Ideals, and Sexual Self-Esteem in Norwegian Gay and Bisexu