Education

De la scolarisation des élèves en situation de handicap

Anthropologue

La loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 a substitué à la tournure initiale, « l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction », une nouvelle formulation : « la scolarisation inclusive » de tous les enfants, sans aucune distinction ». Qu’implique ce changement ? Comment le mettre en œuvre ?

Depuis maintenant plus d’une trentaine d’années, les instances onusiennes incitent leurs États membres à veiller à ce que l’exercice du droit à l’éducation soit assuré sans discrimination sur la base de l’égalité des chances afin qu’aucun enfant ne soit exclu du système d’enseignement général. Dans cette perspective, à l’image de nombreux pays européens, l’école de la République s’est lancée le défi de garantir une place à chaque enfant indépendamment de ses particularités et de lui assurer les conditions de possibilité de sa réussite scolaire. Ce choix, a impliqué pour l’École de renoncer à se penser comme un tout homogène et stable. Pour paraphraser Georges Balandier[1], les systèmes éducatifs, à l’image des sociétés dans lesquelles ils sont institués, prennent l’aspect d’une création permanente et incertaine, d’une production continue, jamais achevée et toujours à reprendre.

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Les injonctions onusiennes (via, entre autres, la Convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France en 2010), relayées par le monde associatif et portées par le législateur français, formulées en termes de désinstitutionalisation n’ont fait qu’accélérer cette dynamique visant à transformer l’École pour répondre à l’impératif inclusif. À cet égard, dans son rapport rendu public le 5 mars 2019[2] la Rapporteuse spéciale pour les droits des personnes handicapées de l’ONU, Catalina Devandas-Aguilar, rappelle que « la désinstitutionalisation des enfants handicapés devrait être une priorité » et recommande de « fermer les institutions médico-éducatives existantes et de scolariser tous les enfants handicapés qui s’y trouvaient dans les établissement ordinaires ».

À l’époque où elle était Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel déclarait dans une interview accordée au quotidien La Montagne, daté du 21 novembre 2017, la nécessité d’aider « les professionnels des établissements pour accompagner le choix de vie


[1] Georges Balandier, « Préface », in Mary Douglas, Comment pensent les institutions, La Découverte, 2004.

[2] Suite à sa visite en France du 3 au 13 octobre 2017.

[3] À travers l’usage de ce terme c’est la fin du traitement « à part » au sein des établissements médico-sociaux des jeunes reconnus handicapés qui est visée. Néanmoins, jusqu’à preuve du contraire, l’École demeure une institution au sens, entre autres d’Émile Durkheim [(1894) 2005] ou de Mary Douglas [2004]. Rien ne peut donc amener à parler de désinstitutionalisation, sans doute s’agit-il plus d’une dynamique de transformation et de reconfiguration de l’action publique. Changer les formes établies de l’accompagnement ne signifie pas nécessairement désinstitutionaliser. N’y a-t-il pas là une sorte de confusion entre l’institution et son mode d’organisation ? Le mode d’organisation d’une institution peut être très fermée (Erving Goffman, Asiles, étude sur la condition sociale des malades mentaux, Éditions de Minuit, 1968.) ou très ouverte et souple, l’institution n’est pas pour autant supprimée (Jean-Bernard Paturet, Guy Chambrier, Faut-il brûler les institutions ?, Presses de l’EHESP, 2014).

[4] Jean-Louis Genard, Fabrizio Cantelli. « Êtres capables et compétents : lecture anthropologique et pistes pragmatiques »SociologieS, Théories et recherches, 2008.

[5] Maison départementale des personnes handicapées.

[6] Serge Ebersold, « La grammaire de l’accessibilité », Éducation et sociétés, 44, 2019, p. 29-47.

[7] Godefroy Lansade, « Chroniques d’une équipe mobile d’appui médico-social à la scolarisation des enfants en situation de handicap (Émas) : Ethnographie de la politique publique d’inclusion scolaire en train de se faire », Ethnologie française, 54, 2023 p. 347-363 ; Godefroy Lansade, « La vision des inclus : Ethnographie d’un dispositif pour l’inclusion scolaire », co-édition INSHEA collection « Recherches » INSHEA & Champ Social, 2021.

[8] Harold Garfinkel, Recherches en ethnométhodologie, Puf, 20

Godefroy Lansade

Anthropologue, Maitre de conférences à l’Université Paul Valéry Montpellier 3

Notes

[1] Georges Balandier, « Préface », in Mary Douglas, Comment pensent les institutions, La Découverte, 2004.

[2] Suite à sa visite en France du 3 au 13 octobre 2017.

[3] À travers l’usage de ce terme c’est la fin du traitement « à part » au sein des établissements médico-sociaux des jeunes reconnus handicapés qui est visée. Néanmoins, jusqu’à preuve du contraire, l’École demeure une institution au sens, entre autres d’Émile Durkheim [(1894) 2005] ou de Mary Douglas [2004]. Rien ne peut donc amener à parler de désinstitutionalisation, sans doute s’agit-il plus d’une dynamique de transformation et de reconfiguration de l’action publique. Changer les formes établies de l’accompagnement ne signifie pas nécessairement désinstitutionaliser. N’y a-t-il pas là une sorte de confusion entre l’institution et son mode d’organisation ? Le mode d’organisation d’une institution peut être très fermée (Erving Goffman, Asiles, étude sur la condition sociale des malades mentaux, Éditions de Minuit, 1968.) ou très ouverte et souple, l’institution n’est pas pour autant supprimée (Jean-Bernard Paturet, Guy Chambrier, Faut-il brûler les institutions ?, Presses de l’EHESP, 2014).

[4] Jean-Louis Genard, Fabrizio Cantelli. « Êtres capables et compétents : lecture anthropologique et pistes pragmatiques »SociologieS, Théories et recherches, 2008.

[5] Maison départementale des personnes handicapées.

[6] Serge Ebersold, « La grammaire de l’accessibilité », Éducation et sociétés, 44, 2019, p. 29-47.

[7] Godefroy Lansade, « Chroniques d’une équipe mobile d’appui médico-social à la scolarisation des enfants en situation de handicap (Émas) : Ethnographie de la politique publique d’inclusion scolaire en train de se faire », Ethnologie française, 54, 2023 p. 347-363 ; Godefroy Lansade, « La vision des inclus : Ethnographie d’un dispositif pour l’inclusion scolaire », co-édition INSHEA collection « Recherches » INSHEA & Champ Social, 2021.

[8] Harold Garfinkel, Recherches en ethnométhodologie, Puf, 20