La crise politique française à l’aune de la sociologie historique
Alors qu’avec l’annonce de ce nouveau gouvernement, la France poursuit sa glissade vers un régime d’extrême droite, une question me taraude. J’avoue d’emblée une part de subjectivité, et même d’intérêt personnel, dans cette perplexité car je suis juge et partie dans la réponse à cette interrogation, en tant que chercheur spécialisé dans la sociologie historique et comparée du politique. Mais pourquoi, diantre, les médias, et la classe politique elle-même, snobent-ils cette sous-discipline alors qu’elle est capable de renouveler notre compréhension du monde dans lequel nous vivons, ainsi que j’avais essayé de le montrer, exemples et concepts à l’appui, dans les « colonnes » d’AOC il y a déjà quelques années[1].

La sociologie historique et comparée du politique, on le sait, consiste à sociologiser le passé pour mieux comprendre la part de celui-ci dans le présent, mais non dans le futur afin de se garder de tout évolutionnisme historiciste et de laisser sa place à la contingence – les fameuses ruses de l’Histoire. Elle se veut comparative au sens où l’entendait le grand historien de l’Antiquité Paul Veyne. Dans son esprit, l’exercice de la comparaison ne devait pas consister à assimiler les faits ou les formes historiques les uns aux autres, de façon anachronique et en niant leur spécificité, mais bel et bien à mettre en évidence les différences qui se cachaient parfois derrière des invariants. Et de montrer que la « démocratie », par exemple, ne revêt pas un sens identique dans l’Europe libérale du XXe siècle et à Athènes, quand bien même nous prétendons être les héritiers directs de celle-ci.
Nonobstant cette prudence méthodologique, la comparaison est nécessaire à l’intelligence des situations politiques. Tout en établissant leur historicité propre, elle reconnaît leur universalité, c’est-à-dire leur banalité et leur commensurabilité. Elle incite notamment à renoncer à toute arrogance culturelle ou politique qui nous interdit de comprendre que nous ne som